Histoire du télégraphe


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LE TELEGRAPHE BASÉ EN TOUS POINTS SUR LES PRINCIPES DE LA PHYSIQUE
PAR M. P A R R O T.

(Source : Mémoires de l’Académie impériale des sciences de St.-Pétersbourg. 1838). George-Frédéric Parrot, né en 1767 à Montbéliard, département du Doubs en Franche-Comté

L’intérêt majeur que doivent inspirer les machines qui transportent la parole écrite à de très grandes distances dans un temps extrêmement court, a fait naître de nombreuses idées sur lesquelles on a voulu baser les machines télégraphiques. Depuis les premières expériences officielles de Claude Chappe, en 1793, jusqu’à aujourd’hui, l’on n’a presque pas perdu cet objet de vue, non seulement en France, mais aussi en Angleterre, en Allemagne, en Suède et même en Russie ; chacun de ces pays ayant fourni, non une idée télégraphique seule, mais même plusieurs. Les Allemands surtout ont beaucoup inventé et écrit dans cette partie, et les travaux de l’infatigable Bergstraesser, quoique peu accueillis par les gouvernements de l’Allemagne, ne seront pas oubliés dans l’histoire de la télégraphie.

Cependant, lorsque l’on jette un coup-d’oeil sur tous ces travaux, l’on s’aperçoit aisément qu’aucun

de ces inventeurs n’a saisi le problème dans son ensemble. Les uns travaillaient principalement à simplifier le mécanisme du télégraphe de Chappe, ou à en inventer un plus simple ; d’autres voulaient augmenter la visibilité des objets par des combinaisons de couleurs et de contrastes ; d’autres voulaient multiplier le nombre des signes possibles ; d’autres encore voulaient diminuer le nombre des signes nécessaires en inventant des alphabets ou chiffres compliqués, etc. Mais aucun n’a, à ce qu’il nous semble, dûment partagé le problème général en problèmes spéciaux et traité chacun avec le soin qu’il exige pour que le télégraphe offre un maximum d’effet dans tous les cas de sa position et de l’état de l’atmosphère. C’est ce que nous avons tâché de faire dans ce mémoire dont le but est de réunir tous les avantages auxquels on peut atteindre dans l’état actuel de nos connaissances.

Nous sommes loin de nier qu’il en est résulté une machine qui, quoique simple, exige des soins et de l’exactitude dans sa construction et par conséquent, quelques frais de plus que si l’on procédait légèrement à sa confection. Mais par contre, notre construction assure l’effet dans des cas nombreux, surtout à nos 60 degrés de latitude, où un télégraphe, construit sans les précautions que nous exigeons, refuserait totalement son service, et cela souvent

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dans des cas urgents où il peut importer infiniment au gouvernement de le mettre en activité. Vouloir épargner quelques frais de construction et diminuer par la l’étendue des effets, est une parcimonie d’autant plus condamnable, que les frais du bâtiment excèdent de beaucoup les frais du télégraphe lui-même. Ainsi nous avons cherché à donner à chaque partie de notre télégraphe le plus haut degré de perfection qu’il comporte, sans nous soucier si la machine entière coûtera quelques cents roubles de plus.

Le télégraphe qui va être décrit a été inventé par l’auteur de ce mémoire déjà en 1795, d’abord après être arrivé en Russie. Déjà alors il fit ses expériences sur la visibilité des objets à différentes distances et sur les couleurs qui contribuent le plus à cette visibilité. Mais l’auteur, n’ayant aucune occasion d’en faire usage, et ne voulant pas augmenter le nombre des inventeurs de télégraphes qui n’ont jamais été exécutés, tint cette petite invention en portefeuilles, jusqu’à ce que prévoyant la guerre de 1812, il en présenta, à la fin de 1810, un modèle à l’Empereur Alexandre, et à la fin de 1811, deux exemplaires en grand. Le but de l’auteur était de faire servir ce télégraphe à la suite des armées, et lui donner pour cet effet la forme la plus commode pour le rendre portatif et facile à monter et à démonter.

Voici l’idée fondamentale de ce télégraphe.*

(*)Nous ne dissimulerons pas que MM. Bréguet et Bétancourl ont inventé, en 1797, un télégraphe sur la même idée fondamentale qui a été publiée depuis dans les mémoires de l’Institut de France. En voici les caractères principaux : La largeur à la longueur = 1: 25 ; longueur du petit bras à la largeur = 5 : f. Si la longueur est de 10 pieds, la largeur ne sera que de 51/4 pouce. A l’imitation des premiers télégraphes, le volant est fait en forme de jalousie, construction qui, comme nous le verrons ci-après, est inutile. Le mouvement se donne par deux poulies et une chaîne. Les auteurs exigent de leur volant 36 signes qu’ils veulent distinguer avec sûreté au moyen d’un diaphragme partagé en autant de parties égales et place au foyer de l’oculaire. Cette exigence est évidemment outrée, par des raisons faciles à trouver. Ce télégraphe n’a jamais été exécuté que pour les premiers essais.

L’auteur de ce mémoire n’a eu connaissance de ce télégraphe qu’après avoir construit les deux exemplaires du sien pour l’Empereur Alexandre, et cela par M. Paucker qui en cherchant autre chose dans les mémoires de l’Institut de France, y trouva par hasard la description de celui de MM. Bétancourt et Bréguet et nous la communiqua.

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Il est vraisemblable que, si nous l’avions connue plus tôt et appris son peu de succès, malgré les éloges que lui donna l’Institut, nous eussions abandonné cette idée, soupçonnant qu’elle pèche par quelque défaut essentiel inconnu. Heureusement nous nous étions déjà convaincus de son utilité par les expériences

Le signe télégraphique MLN (PI. 1, fig. 1)(dessin manquant) est une simple planche, un volant dont un des bouts est élargi de chaque côté d’une quantité égale à la largeur, de la planche. La longueur entière est de 10 pieds de Paris, et la largeur de 18 pouces. Au milieu I de la longueur est le centre du mouvement rotatoire qui doit être imprimé au volant. Ce mouvement est partagé en 12 parties égales, de sorte que chacune des 12 positions du volant fournit un signal à part. Ces signaux correspondent aux 12 premiers nombres, de sorte que leur ensemble offre l’image idéale d’un cadran d’horloge, dont le volant du télégraphe est l’aiguille. Pour prouver avec quelle facilité et sûreté ces 12 signes télégraphiques se donnent et s’observent, il suffira de rapporter les expériences suivantes :

A Dorpat, où je fis les premières expériences en grand, un étudiant, M. Paucker, à présent professeur à Mitau, qui m’assistait dans ce travail, signalisait

et observait avec une égale facilité, sans jamais se tromper, et cela au premier signal. De même le charpentier qui avait construit le télégraphe, de même mon domestique. Il suffisait pour les deux derniers de leur apprendre à placer leur oeil à l’oculaire du télescope, et de leur dire de s’imaginer voir le cadran d’une horloge, image que tout badaud de ville et tout paysan de village a en tête ; et si l’on voulait absolument prendre pour télégraphistes des hommes qui ne l’ont pas, il serait facile de la leur donner par une heure ou deux d’exercice en petit avec un véritable cadran devant lequel on signaliserait avec une verge de gros fil de fer qui représenterait le volant, et observerait avec une petite lunette sur un support.

A Tschesmé, où se firent les expériences par S. M. l’Empereur Alexandre en février 1812, un vieux domestique, curieux de savoir ce qui devait se faire, observa quelques signaux tout aussi sûrement et facilement que mon domestique à Dorpat.

Qu’il me soit permis à présent de raconter en détail les observations faites à Tchesmé par l’Empereur lui-même.

Etaient présents : S. M. l’Empereur Alexandre, le prince Barklay alors Ministre de la guerre et se

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préparant pour la campagne, le prince Wolkonsky alors chef de l’état - major, aujourd’hui ministre de la maison Impériale, le colonel Ekesparre à la suite de l’Empereur, qui avait été chargé de trouver un emplacement pour le télégraphe à 10 W. de Tchesmé. L’Empereur arriva entre II et III heures après midi. Le temps n’était pas très clair et paraissait se préparer à un dégel.

J’avais établi deux télescopes, chacun sur une table à part, au reste sans fixer leur position à demeure, l’un pour l’Empereur et sa suite, l’autre pour moi seul, voulant observer moi-même tous les signaux pour m’assu- rer de la justesse des observations faites à l’autre télescope, et mon idée était de dicter les signaux de la première dépêche, dont j’en avais donné cinq à M. Paucker, qui avait eu la complaisance de se charger de faire les signaux.

L’Empereur était à son télescope et aussitôt après l’observation de 3 signaux il me dit : Taisez vous, mon cher ; je veux dicter. En effet il dicta la première dépêche de 115 signaux sans faute. Les princes Wolkonsky et Barklay, qui suivirent, dictèrent avec la même facilité et sûreté, chacun la dépêche qui lui échut. L’Empereur Alexandre s’était chargé de la dernière et à-peu-près au milieu de cette dépêche il me dit : Je ne vois plus rien. Je répondis: et moi pas

grand-chose et dictai à sa place. L’Empereur, voulait forcer son oeil à voir encore, dérangea le télescope et se retira dépité. Le prince Barklay écrivait ; mais le prince Wolkonsky courut au télescope, le remit avec une dextérité surprenante et commença à dicter. Alors l’Empereur reprit sa place et continua la dictée menant avec peine la dépêche à sa fin.

D’abord après nous courûmes tous à la fenêtre et vîmes à notre grand étonnement qu’il neigeait à foison. Ainsi cet accident prouve que l’on peut encore voir les signaux pendant une bourrasque de neige.

Le prince Wolkonsky a témoigné à S. M. l’Empereur Nicolas la grande satisfaction, que son auguste frère a eue de ces expériences. Quant aux preuves que l’Empereur ALEXANDRE en a données à l’auteur, elles ne peuvent être un objet de publicité. Il ordonna au prince Barklay de faire faire 25 télégraphes pour la campagne, à laquelle il s’apprêtait. Mais la campagne s’ouvrit trop tôt, et le manque de télescopes appropriés à cet usage rendit la chose impossible

Cependant le prince Barklay, sentant enfin cette impossibilité, voulut pourtant tirer parti de cette invention et demanda à l’auteur un dessin d’un télégraphe en petit, devant servir pour les

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avant-postes et signaliser à 5 ou 6 werstes. Pendant son séjour à Wilna*, il en fit exécuter à la hâte deux exemplaires qui réussirent complète- ment dans les essais. Mais Napoléon avait atteint l’armée russe de moitié moins forte que la sienne ; la fameuse retraite commença et la chose en resta là. L’auteur a appris ces détails par le général Rennenkampff, alors capitaine, qui fut employé par Barklay à cette entreprise. Lors de son retour de la campagne il fit visite à l’auteur à Dorpat, exprès pour la lui raconter comme un fait intéressant pour un physicien, ne se doutant pas qu’il parlait à l’inventeur.

L’emploi des 12 signaux de notre télégraphe est susceptible de nombre d’hypothèses. L’auteur, qui ne s’est jamais occupé de sténographie ni de cryptographie, avait choisi la plus simple de toutes pour les expériences faites par l’Empereur Alexandre, celle de donner à chaque signal la valeur d’une lettre de l’alphabet. Mais comme l’alphabet des langues européennes a au moins 24 lettres, l’auteur avait copulé les lettres dont les sons ont le plus d’analogie entre eux. Voici, par exemple, l’alphabet pris sans choix pour les dépêches en français et la première dépêche que l’Empereur observa.*

*) On peut diminuer le temps moyen nécessaire pour faire les signaux en dispersant les voyelles

parmi les consonnes, par exemple en plaçant l’ c à proximité de n, m, r, s, t, etc. Il suffira pour cela de consulter un dictionnaire de la langue qu’on emploie.

Le h, ne faisant qu’aspirer quelques voyelles, n'a point de chiffre

La version de ces chiffres, si l’on prend les premières lettres de la table alphabétique, sera : «Lemmemi a debalcue a abo douse mille ommes dimfamdelie ed dlois mille ommes de cafallelie enfoies moi sinc badailloms ed dlois escadloms.»

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Cette nouvelle orthographe amusa beaucoup les illustres télégraphistes qui la corrigèrent facilement sans le secours de la table.

L’on voit par cet échantillon que l’auteur faisait signaliser les dépêches en toutes lettres. Pour indiquer la séparation des mots (ce dont on peut au reste se passer dans un chiffre aussi simple), il faisait balancer le volet deux fois, et chaque fois de 60 degrés ou 2 heures, c’est-à-dire une heure à droite et une heure à gauche du dernier signal, et s’arrêter au premier chiffre du mot suivant. Pour la même lettre répétée deux fois de suite, on balançait le volant une fois sur un arc de 30 degrés ou jusqu’au signe suivant et l’on retournait sur le champ au premier signe.

L’auteur eut d’abord l’idée d’ajouter pour les nombres un signe auxiliaire afin de les signaliser plus brièvement ; mais il l’a abandonnée depuis, préférant une manipulation simple au gain de quelques signaux, d’autant plus que ce n’est que dans les dépêches militaires que les nombres sont fréquents, et que le signe auxiliaire servirait précisément à indiquer à un ennemi que l’on signalise une dépêche militaire et lui aiderait à découvrir le secret du chiffre par les mots qui suivent les nombres, comme infanterie, cavalerie, canons, etc...

Si l’on veut préférer à la méthode de signaliser en toutes lettres une méthode crypto-sténographique, l’on pourra par exemple prendre ces 12 signaux un à un, deux à deux, trois à trois et même quatre à quatre ; ce qui fournira 12, 144, 1728, 20736 signaux, sur les quels on pourra former un dictionnaire de mots et de phrases. L’auteur, n’étant ni sténographe ou tachygraphe, ni cryptographe, est bien éloigné de décider entre ces deux méthodes. Cependant il ne peut s’empêcher de témoigner sa prédilection pour le chiffre en toutes lettres, et cela par les raisons suivantes :

1) Le système cryptographique a l’avantage de se déchiffrer plus difficilement par l’ennemi ou par un espion. Mais d’un autre côté le gouvernement a beaucoup de dépêches pressantes à expédier dont le contenu ne peut lui être nuisible s’il vient à être connu. Pour les autres il faut considérer que les stations télégraphiques ne seront pas dans des villes. On pourra même placer hors de ville les télégraphes des bouts de la ligne, et il n’est pas à craindre que quelqu’un voulût faire le pied de grue pour attendre que des dépêches soient signalisées ; et une police un peu vigilante pourrait lui rendre facilement ce métier très dangereux.

2) La célérité de l’expédition ne gagnerait pas

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grand chose à exprimer des mots entiers; car à l’exception de 12 mots dans un dictionnaire qui devrait en contenir dix mille, 144 exigeraient deux signaux, 1728 en exigeraient trois et 8116 en exigeraient quatre *).

*) Dans ce système, où le volant de télégraphe ne prend que 8 positions, on aurait 1300 mots de plus exprimés pour 4 signaux, désavantage qu’on ne doit pas négliger.

Si par contre l’on abrévie dans le système en toutes lettres ou alphabétique les long mots, tels que infanterie, cavaleries, attroupement, forteresse, etc. (ce qui peut se faire sans risquer des mésentendus) l’on diminuera de beaucoup les signaux nécessaires. Le plus grand avantage de la méthode sténo-cryptographique serait dans les cas où l’on n’emploierait qu’un signal pour une phrase entière.

Mais alors combien de phrases le dictionnaire ne devrait il pas contenir ! Et que faire quand une phrase nécessaire n’y serait pas ?

3) Le chiffrement dans la méthode sténo-cryptographique est bien plus long (à nombres égaux de signaux) que dans la méthode en toutes lettres, et le déchiffrement encore davantage ; car il faut avoir

un grand soin à observer le nombre des chiffres d’un seul signal. Si l’on veut en outre représenter des phrases entières par un, deux, trois ou quatre signaux, il faudra ranger ces phrases dans un ordre systématique ; ce qui a ses difficultés, soit pour la composition du système, soit pour son application. Bref, le temps nécessaire pour chiffrer à la station de départ et pour déchiffrer à la station d’arrivée est bien plus long que dans l’autre système, et cette perte compense amplement le peu de temps de plus qu’exigent les signaux en toutes lettres.

4) Une seule erreur dans un système cryptographique peut rendre une dépêche indéchiffrable ou même lui donner un tout autre sens. Dans le second cas on peut se trouver dans une erreur dangereuse : dans le premier il faut redemander un second signalement : Tout cela n’a pas lieu dans le système à toutes lettres.

5) Le livre qui contient le dictionnaire sténo-cryptographique peut être volé ; (l’on encourage si fort aujourd’hui l’industrie) et ce cas n’est pas sans exemple dans la diplomatie. L’autre système par contre, s’il est volé, est remplacé en trois minutes par un autre, tandis qu’il faut des mois pour refaire un système cryptographique. Il n’est pas même nécessaire que le livre soit complètement volé pour

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trahir le chiffre. Il suffit qu’un habile cryptographe le possède pendant quelques heures pour copier quelques centaines des mots principaux, qui seront suffisants pour déchiffrer toute dépêche et chaque déchiffrement augmentera le nombre des mots ou des phrases trahies.

Sans vouloir rien affirmer sur la préférence à accorder à l’un ou l’autre système, il nous paraît probable qu’à la suite on abandonnera les chiffres si compliqués pour en revenir au système simple, auquel on sera parvenu à donner un degré suffisant de crypticisme. C’est la marche ordinaire de l’esprit humain qui commence par les méthodes simples, puis s’amuse à inventer des complications et en revient enfin aux méthodes simples qu’il a eu le temps de perfectionner. C’est par exemple l’histoire du baromètre. C’est également l’histoire du télégraphe. Autrefois quelques signaux suffisaient pour porter des dépêches à de grandes distances. Le télégraphe de Chappe, machine très compliquée, leur succède.

Aujourd’hui l’on introduit le nouveau télégraphe, machine de la plus grande simplicité. Pour ceux qui ne savent que crier à l’expérience sans peser les circonstances et s’appuient sur l’autorité du télégraphe de Chappe, nous ajoutons les

considérations suivantes : Chappe n’a marqué sur son télégraphe composé de trois pièces que des angles de 45 degrés, par deux raisons : D’abord son volant lui fournissait déjà 84 signes, nombre plus que suffisant pour avoir des signaux à part pour l’alphabet entier, pour les 10 chiffres, pour les points, les virgules, etc. D’un autre côté, l’observateur de ce télégraphe a pour chaque signal les positions de trois objets à observer à la fois ; ce qui exige une attention très intense, de sorte que si les positions ne variaient que de 30 degrés, l’attention ne pourrait pas être soutenue à ce point. Par contre le télégraphe simple n’a qu’un seul objet dont il faille observer les positions, et comporte en toute sûreté des angles de 30° sans exiger une forte attention, comme les expériences de Dorpal et Tchesmé l’ont prouvé.

L’année dernière (1833) arriva de Paris, M. Chateau dans la vue d’ériger une ligne télégraphique de Pétersbourg à Warsowie, à l’exécution de laquelle on travaille actuellement. Son télégraphe est du genre du nôtre, mais d’ailleurs très différent à plusieurs égards.

Désirant être utile dans cette entreprise, et ayant depuis longtemps adopté les principes à suivre pour l’établissement des télégraphes stationnaires, qui sont susceptibles de bien plus hauts degrés de

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perfection que les télégraphes ambulants, l’auteur présenta à S. M. l’Empereur une description succincte du télégraphe tel qu’il doit être construit en tout point sur les règles de la physique. S. M. l’a fait communiquer à M. Chateau, qui au reste ne jugea pas à propos de se mettre en relation avec l’auteur, ni lui offrir de voir le premier télégraphe qu’il exécuta. Cependant, comme l’auteur a eu depuis connaissance du télégraphe de M. Chateau, il pourra à la fin de ce mémoire établir une comparaison entre l’un et l’autre. Après ces préliminaires nous allons entrer en matière.

Description

Le problème télégraphique, dans sa plus grande généralité, se partage en plusieurs problèmes spéciaux ; relativement à la visibilité du signe, soit de jour soit de nuit ; à la construction et à l’emplacement du télescope; à l’emplacement de l’observateur; aux mouvements du télégraphe ; à l’abritement des télégraphistes; à la tactique des observations et au choix des stations. Nous allons traiter ces objets à part.

I. VISIBILITÉ DU SIGNE TÉLÉGRAPHIQUE DE JOUR

Il n’est pas douteux que, sans l’opacité de l’air et des brouillards-qui rendent quelquefois cette opacité com- plète pour des objets à des distances peu considérables, l’on pourrait, au moyen de grands télescopes, étendre les distances des stations télégraphiques à 100 werstes et plus, si l’on trouvait des points assez élevés au- dessus des objets intermédiaires et plus encore de la courbure de la terre ; car cette courbure sur 105 werstes, à peu près 1° du méridien, se monte à environ 801 pieds anglais. Elle est beaucoup plus petite et peu nuisible pour une distance de 10½ W., puisqu’elle ne se monte qu’à 8,4 pieds anglais. Pour une distance de 15 W. elle se monte à 15,8 pieds anglais. Ces petits calculs prouvent que non seulement l’opacité de l’air, mais aussi la courbure de la terre s’opposent à ce que l’on n’admette pas de trop grandes distances pour les stations télégraphiques, quoique l’économie semble l’exiger. L’on ne peut pas donner des règles fixes sur ces distances, l’emplacement des postes ayant une grande influence sur la transparence de l’air. Seulement on peut dire en général que près d’une grande ville et sur les terrains marécageux, les stations doivent être plus petites. Fondés sur les expériences que nous avons faites à Dorpat et à

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Tchesmé, nous croyons pouvoir admettre 10 werstes pour la distance moyenne d’un télégraphe à l’autre tel que nous le décrivons ici ; les localités décideront du plus ou du moins.

Les brouillards et les brumes sont les ennemis les plus puissants de la télégraphie, soit en interceptant les rayons de lumière réfléchis par les objets en vertu de leur opacité, soit par la lumière diffuse qu’ils envoient de la surface de leurs vésicules à l’objectif du télescope, lumière qui affaiblit l’image télégraphique. Dans le nord, où les longs jours d’été dessèchent fortement la terre, il s’élève des brouillards secs, apparemment de la surface des plantes, que l’on n’aperçoit pas toujours à l’oeil nu, mais toujours au télescope, qui en outre découvre ordinairement une oscillation verticale dans les couches de l’atmosphère, oscillation qui fait danser les images et rend les observations difficiles.

Le nord offre encore un phénomène à part, très nuisible. Ce sont les embrasements des marais desséchés et des forêts, d’où il se répand des brouillards secs et puants qui infectent plus ou moins fortement de grands districts, souvent pendant plusieurs semaines. De petits districts sont encore infectés dans le nord par une opération du paysan, nommée Kittis, et qui consiste à brûler lentement des

racines d’arbre et de la broussaille, couvertes de terre, sur l’étendue de son champ pour le fertiliser. Cette opération produit une fumée qui s’étend quelquefois sur une distance de quelques werstes, et diminue sensiblement la transparence de l’air. Ainsi le combat du physicien contre l’opacité de l’air provoquée par tant de causes est la partie la plus importante de la télégraphie. Mais comme il n’est pas en son pouvoir de diminuer cette opacité, son devoir est de construire les télégraphes de sorte qu’ils puissent profiler, autant que possible, de petits degrés de pellucidité de l’atmosphère.

Aucun brouillard n’intercepte absolument le passage de la lumière réfléchie des objets. Il en passe toujours quelque peu ; mais ce peu devient enfin, à une certaine distance variable, insensible à notre vue. Cet effet a lieu à des degrés très différents, et l’on doit sentir que tel brouillard, humide ou sec, laisserait passer assez de lumière pour rendre l’observation possible, lorsque toutes les inconstances qui sont au pouvoir du physicien, c’est-à-dire le volant du télégraphe, son contraste avec le fond dont il doit se détacher, le télescope et son emplacement, de même que l’emplacement de l’observateur, sont choisis avec le plus d’avantages possibles, et que l’observation peut souvent devenir impossible lorsque ces avantages manquent

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en tout ou en partie.

Nous avons donné à notre volant 10 pieds de longueur et 18 pouces de largeur, c’est-à-dire la proportion 1: 6 2/3 de la largeur à la longueur. Cette proportion n’est pas prise au hasard, car les expériences que nous avons faites en grand, déjà en 1795, ont prouvé à la vérité (ce que, au reste, on sait d’ailleurs, nommément par les expériences en petit du Dr. Jurins) que la visibilité d’un objet d’une largeur donnée augmente avec sa longueur, mais que cette augmentation est à son maximum sous la proportion de 6 ou 7 à 1. Si donc les télégraphes que l’on a construits jusqu’à présent ont une proportion bien moindre, ils ont trop de longueur pour leur largeur, ou trop peu de largeur pour leur longueur, d’autant plus qu’étant de règle noirs, leur largeur apparente diminue dans une bien plus grande proportion que leur longueur par l’effet de la lumière du ciel sur lequel ils se profilent, lumière qui empiète de tous côtés sur les bords du volant.

Si donc nous avons pris 10 pieds de Paris pour longueur et 18 pouces pour largeur, nous sommes sûrs qu’une augmentation en longueur n’augmentera pas les degrés de visibilité et que, dans la supposition de cette longueur, c’est un devoir de ne pas donner moins de 18 pouces de largeur ; car il est certain

qu’un objet est d’autant plus visible qu’il est plus large, non seulement à raison de l’angle visuel, mais aussi à raison de la plus grande quantité de lumière qu’il réfléchit. Ainsi, si un brouillard ne permet, par exemple, que de soupçonner l’existence d’un signe télégraphique de 5 à 6 pouces de largeur, un signe de 18 pouces pourra être parfaitement distingué avec sa position , et donnera la possibilité du signalement, parce que l’intensité de nos sensations dépend du nombre des points de l’objet (sur tout en largeur, s’il est beaucoup plus long que large) qui nous envoient chacun une faible sensation qui, seule, cesserait d’en être une, ou du moins perceptible. Cela est vrai des sensations qu’opèrent les sons comme de celles qu’opère la lumière.

D’un autre côté, il est inutile de donner au gros bout du volant (celui qui doit se distinguer de l’autre bout) une trop grande étendue. Il suffit d’y placer à droite et à gauche un carré dont les côtés sont égaux à la largeur du volant. Celui du milieu se joint à eux dans la sensation et offre un rectangle dans la proportion de 1 à 3. Toutes nos expériences prouvent que cela suffit.

La visibilité d’un objet dépend de trois circonstances, de la quantité de lumière qu’il réfléchit, de l’intensité de l’impression que celle lumière fait sur

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l’organe de la vue, et surtout du contraste qu’elle fait avec le fond sur lequel l’objet se profile. Bientôt après l’invention du télégraphe, l’on a beaucoup raisonné et déraisonné sur l’influence des couleurs relativement à cette visibilité ; l’on a même proposé de barioler de plusieurs couleurs les surfaces des télégraphes. Mais la déraison ne doit pas exclure le raisonnement, et nous verrons que la considération des couleurs n’est pas tout-à-fait inutile.

Les télégraphes français sont construits en forme de jalousies. Nous ne pouvons en imaginer que deux motifs: ou de diminuer un peu l’effort du vent sur le volant, ou d’offrir des faces inclinées à la lumière, afin que le noir ne renvoie pas la lumière qu’il réfléchit à l’oeil de l’observateur.

Le premier motif est insignifiant; car la théorie n’indique presque aucun avantage à cet égard, et celui qui d’ailleurs pourrait résulter de cette forme ne consiste qu’à offrir une issue à l’air foulé sur la surface inclinée. D’un autre côté, cette forme est bien plus fragile que celle d’un simple plan.

Quant au second motif, nous ne pouvons lui accorder plus de poids qu’au précédent ; car si, dans les positions verticales, les surfaces des jalousies renvoient moins de lumière à l’oeil de l’observateur, il

peut arriver que dans les positions horizontales elles en renvoient beaucoup plus.

Or on doit adopter pour règle dans toute la télégraphie qu’il ne doit pas se trouver des circonstances (hors les effets de l’opacité de l’air) où la visibilité soit augmentée et dans d’autres diminuée, parce que cette diminu- tion pourrait dans plusieurs cas précisément suffire pour rendre l’observation impossible.

Pour obtenir une couleur noire bien foncée il faut mêler un peu de bleu au noir de fumée, et pour ôter le luisant à la couleur à l’huile, on l’enduira d’une couche de même couleur broyée seulement avec de l’huile de térébenthine, qui, étant évaporée, laissera la substance colorante sans luisant.

Enfin, si l’on croit devoir renforcer la teinte noire par des ombres et des faces inclinées, l’on parviendra le plus sûrement à ce but en employant un marteau dont la tête est hérissée de petites pyramides comme celui des tailleurs de pierre *).

*) Seulement elles devront être plus pointues et tranchantes, afin qu’elles ne froissent pas seulement le bois, mais qu’elles le tranchent en même temps. On peut donner 70° à l’angle du sommet.

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L’on enfoncera ce marteau au moyen d’un autre dans la planche bien sèche qui forme le volant, d’où il résultera des pyramides creuses qui feront l’effet désiré quand on les aura enduites après coup de la couleur noire.

Un corps profilé sur un autre de même couleur, de même teinte et éclairé par la même lumière, n’est pas visible et ne le devient qu’autant que la couleur et la lumière de l’objet et du fond sur lequel il se profile, contrastent ensemble. Quant aux couleurs, celles qui contrastent le plus sont le rouge et le vert, le jaune et le violet, l’orangé et le bleu, c’est-à-dire les couleurs complémentaires.

Enfin le blanc et le noir, comme réunion et absence de toutes les couleurs, sont les phases de lumière les plus opposées.

Tout corps qui se profile sur l’atmosphère seule en ressort comme corps obscur, quelque couleur et quelque intensité de teinte qu’il ait, parce que tout corps réfléchit moins de lumière qu’il n’en reçoit. Ainsi la couleur et la teinte d’un télégraphe seraient à cet égard presque indifférentes, si l’atmosphère avait toujours cette teinte blanchâtre qu’elle offre lorsque l’on a ce qu’on nomme un ciel légèrement couvert. Mais souvent elle offre des nuages d’une couleur

foncée et quelquefois ce que l’on nomme un ciel azuré. Pour faire face à toutes ces couleurs et teintes l’on donne au volant du télégraphe le noir le plus foncé. Il est des cas, quoique rares, où le ciel se couvre de nuages si foncés que le noir du télégraphe se distingue à peine. Alors on peut se servir des signaux de nuit de notre télégraphe, quoique de jour.

Le télégraphe ne peut pas toujours être placé de manière à se profiler sur l’atmosphère ; la configuration du terrain exigeant souvent qu’il se profile sur des objets terrestres plus ou moins proches du télégraphe. Si ces objets sont couverts de végétation, la couleur de ce fond sera un vert foncé rendu un peu bleuâtre par la couleur propre de l’atmosphère qui se trouve entre l’observateur et ces objets. Pour ce cas là, il faut donner au télégraphe une couleur blanche avec une teinte extrêmement légère d’orangé (moins forte que celle qui se trouve au dessin de la fig. 1).

ndlr : comme dit précédemment, hélas pour nous, aucun dessin dans le document

Si le volant se profile sur un fond rougeâtre, tel qu’une montagne de sable rouge, alors on donnera au volant une très légère teinte de jaune si le rouge de la montagne tire sur le violet, de vert si le rouge

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n’a pas cette teinte. Enfin, si le fond est un sable jaunâtre comme le sable de mer, la teinte du volant sera une teinte bleuâtre très légère.

Au reste nous devons répéter que ces teintes du volant doivent être extrêmement légères, parce que, dans les cas critiques où l’air est affecté d’un léger brouillard, la teinte du fond est moins prononcée.

Lorsque l’emplacement d’un télégraphe est tel que le volant, vu d’un poste, se profile sur le ciel et de l’autre sur des objets terrestres, on se servira de ses deux faces d’une manière analogue, en peignant l’une en noir, l’autre en blanc.

Pour l’hiver, aussi longtemps que tout l’horizon est couvert de neige, le volant sera noir des deux côtés. Pour cet effet, si les deux faces ne sont pas déjà noires, on couvrira la blanche d’une étoffe noire que l’on y attachera pour tout le temps auquel le fond sur lequel ce côté se profile sera couvert de neige.

Il est encore un objet important pour tous les cas où le volant, se profilant sur des objets terrestres, doit être blanc, la pureté du contour de la figure du volant. Les objets terrestres n’ont jamais une teinte absolument égale, et leur couleur ne tranche pas dûment avec celle du volant.

En outre, la lumière blanche du volant, en dépassant par son épanouissement les limites du contour, a l’apparence de se répandre sur les objets limitrophes et en diminue l’obscurité. Pour faire diminuer autant que possible ces légers passages qui privent les contours de leur pureté et affaiblissent le contraste, les bords du volant sont du noir le plus foncé sur une largeur de 2 pouces. Cette largeur disparaît dans l’image du télescope ; mais elle dessine un contour net. L’expérience a prononcé sur cet avantage.

II. SIGNAUX DE NUIT.

Le télégraphe de Tchesmé, avec lequel se firent les expériences à Dorpat et à Tchesmé, avait trois lanternes placées comme l’indiquent les figures I et II et dont les axes tournent dans des tuyaux hh. Ce qui suppose un nombre égal de lanternes de l’autre côté, afin que l’on puisse voir du poste qui envoie, si le poste qui reçoit a bien compris le signal. Après tant d’années écoulées depuis la construction de ce télégraphe, nous nous croyons en état de perfectionner de beaucoup la construction de ces lanternes.

L’auteur avait déjà observé dans sa jeunesse que la flamme d’une chandelle ordinaire est encore visible

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à l’oeil simple à une distance d’une lieue ou de 4 werstes ; d’où il conclut que cette flamme, sous une amplification de 30 au télescope serait encore visible à 120 werstes, sans la perte de lumière causée par l’opacité de l’air et le télescope lui-même, et que par conséquent cette flamme a un diamètre bien plus que suffisant pour la distance d’une station télégraphique. Il s’assura ensuite qu’à une distance de 10 werstes les signaux à la lanterne sont déjà très distincts le soir, lorsque les signaux de jour sont encore visibles, de sorte qu’il voyait les deux signaux à la fois. Cette observation fournit naturellement l’idée d’augmenter considérablement l’intensité de la lumière des lanternes dans une double vue, l’une de pouvoir signaliser de jour avec les signaux de nuit lorsqu’un brouillard médiocre rendrait les signaux de jour invisibles ou au moins incertains, l’autre de pouvoir signaliser de nuit dans les cas où le brouillard serait assez fort pour empêcher le signale- ment de jour avec les signaux de nuit: avantages inappréciables dans des circonstances urgentes où l’on ne peut pas attendre pendant plusieurs jours la disparition d’un brouillard humide d’automne ou de printemps ou d’un, brouillard sec d’été, cas fréquents dans notre climat *).

*) Nous ne concevons pas comment (au rapport de M. Chappe l’aîné dans son Histoire de la télégraphie

p.119) les lanternes du télégraphe du Louvre n’émettaient pas assez de lumière pour la distance moyenne des télégraphes français qui n’est que de 2 lieues ou 8 w., tandis que dans nos expériences la flamme de nos bougies a suffi pour une distance de 10 w. Les bougies du télégraphe du Louvre avaient 2 pouces de diamètre, les nôtres, qui ne devaient servir qu’a des essais, avaient 8 lignes.

L’intensité de la lumière peut être augmentée de deux manières, en augmentant le nombre de bougies et en nourrissant les flammes de beaucoup d’oxygène atmosphérique. Ce double but pourrait être atteint en substituant aux bougies des lampes d’Argand, comme cela a eu lieu au télégraphe ordonné par Napoléon, devant signaliser du cap Grinez jusqu’à Douvres, distance d’environ 18000 toises ou 31 werstes. Mais nous regardons ces lampes comme peu applicables aux télégraphes, pour plusieurs raisons. Aussi cet essai paraît n’avoir été répété qu’une fois, à Montmartre, apparemment pour donner ce spectacle aux Parisiens ; ce qui paraît indiquer qu’il est peu praticable.

Les lanternes de notre télégraphe seraient construites de la manière indiquée aux figures VII et VIII, dont la première en offre le plan et l’autre l’aspect extérieur. ABBA (fig. VII) et ABED (fig. VIII)

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représentent le corps de la lanterne, la caisse dans laquelle se trouvent les trois bougies. CC sont deux fenêtres dont le verre est enchâssé dans un cylindre de fer-blanc qui entre dans un cylindre fixé à la caisse. Ainsi les trois flammes luiront en avant et en arrière, signalisant à la fois des deux côtés, ce qui leur donne l’avantage du signal de jour qui instruit à la fois le télégraphe en avant de la dépêche à envoyer, et le télégraphe en arrière que la dépêche est bien signalisée.

Les trois flammes sont disposées en ligne droite dans la direction d’un télégraphe à l’autre et non à angles droits avec cette direction, parce que, comme nous venons de le voir, il s’agit moins d’obtenir une flamme d’une grande largeur que d’une grande intensité de lumière : car les expériences du comte Rumfort ont prouvé à son photomètre que les flammes sont parfaitement transparentes lorsqu’elles brûlent sans fumée. Trois flammes placées en triangle équilatéral offriraient une surface lumineuse trois fois aussi large; mais leur lumière d’une intensité simple n’aurait pas la force de percer un brouillard qu’une intensité triple percera. Il est même probable que, sur tout, vu l’arrangement qui sera donné aux télescopes, l’on pourra signaliser de jour avec les lanternes dans des cas de brouillard où les signaux de jour seraient déjà invisibles, a a, a a, a a sont les coupes

horizontales des chandeliers FG (fig. VIII), b b, b b, bb sont les orifices par où sortent les mèches des bougies pressées par un ressort.

Au reste, notre idée n’est pas que les trois bougies soient allumées chaque fois que l’on signalera de nuit. De règle on n’en allumera qu’une, celle du milieu, et l’on allumera la seconde et la troisième seulement dans les cas où le brouillard l’exigera, afin de ne pas tomber dans des frais inutiles.

L’on objectera peut-être que ces lanternes ont le désavantage de n’avoir point de réverbères. Mais ce désavantage n’est qu’apparent, ce qui se prouve par les considérations suivantes : Les distances entre deux de nos télégraphes seront, relativement aux localités, de 8 à 12 werstes. Prenons une station de 12 w. ou de 6000 sagènes (la sagène = 7 pieds anglais). En supposant que le miroir concave fût assez parfaitement parabolique pour réfléchir les rayons incidents en direction parfaitement parallèles à celle des deux postes, un défaut de position du miroir, soit dans le sens horizontal, soit dans le sens vertical, seulement d’une minute ferait tomber le faisceau cylindrique de lumière réfléchie à 11½ pieds à côté de l’objectif du prochain télégraphe; ce qui rendrait son effet nul pour le télescope. Or, où trouver le constructeur qui s’engagerait à ne pas commettre une

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pareille faute dans la position des miroirs ? Et s’il s’en trouvait un assez fou pour l’entreprendre, répondra-t-il de la position du volant jusqu’à ce degré d’exactitude, répondra-t-il de la stabilité de cetteposition du miroir chaque fois que le télégraphiste le nettoiera, et du volant en dépit des vicissitudes de l’humidité, et de la température de l’air et de l’action du soleil ? Bien plus, les lampes télégraphiques marchent sur la circonférence d’un cercle de 10 pieds de diamètre ; si donc les positions du miroir d’une lanterne et du volant qui signale sont optées pour une certaine position du télescope prochain, cette position sera défectueuse pour tous les autres points de la circonférence où cette lanterne se trouve successivement. Nous avons supposé jusqu’à présent que le faisceau de lumière réfléchi par le miroir sera parfaitement cylindrique. Mais si cela n’est pas (et jamais il n’a été construit un miroir aussi parfait), si ces rayons forment un cône dont l’angle ne soit que d’un degré, il est facile de prouver qu’alors la quantité de lumière réfléchie que recevrait l’objectif du télescope prochain ne serait que 1/1209 de celle qu’il reçoit directement de la flamme ; ce qui peut être considéré comme rien. Ainsi les réverbères de lanternes qui peuvent avoir quelque utilité dans les rues pour des distances de 30 ou 40 pas, n’en ont aucune pour la télégraphie* et, nous osons l’assurer

positivement malgré le préjugé contraire, pour toute espèce de fanaux.

Le reste de la construction de nos lanternes vise à procurer aux flammes un courant d’air atmosphérique abondant, à empêcher par là la formation de la fumée, à tenir la lanterne propre, à empêcher le vent de s’introduire dans l’intérieur et à donner plus de brillant à la flamme c, c, c, etc. (fig. VII et VIII) sont 28 petits tuyaux de fer-blanc, ouverts pas les deux bouts placés au fond de la caisse autour des bougies, fournissant un accès libre à l’air extérieur sans lui permettre une entrée turbulente, quelque vent qu’il fasse. Ce courant d’air entoure les flammes régulièrement. Pour produire ce courant et empêcher en même temps le vent de s’introduire par en haut dans la lanterne, la caisse sera surmontée d’un cône creux edde et d’un cylindre dddd qui porte le petit ventilateur HH décrit par l’auteur avec sa théorie et ses nombreuses applications en 1793 dans un ouvrage particulier. Il est composé de deux cônes tronqués, dont l’inférieur caac, soudé au tuyau dd, a sa base supérieure ouverte, et le cône supérieur bddc a sa base supérieure fermée par une plaque plane. Celui-ci est porté par 8 plaques rhomboïdales comme eogf, de sorte que la base supérieure du cône inférieur et la base inférieure du cône supérieur se trouvent dans le même plan horizontal.

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Ces 8 plaques, qui ne s’étendent du dehors au dedans que sur (2/3?) de la longueur des cônes, partagent l’espace entre les cônes en 8 cases qui reçoivent le vent à l’extérieur, le concentrent vers l’intérieur et le laissent ressortir du côté opposé après avoir fait l’effet d’une pompe aspirante sur l’air contenu dans le cylindre dd, dans le cône edde et dans la caisse AE. L’air enlevé par ce ventilateur est remplacé par celui qui entre par les 28 tuyaux c, c, c. De fréquentes expériences ont prouvé que l’air ainsi renouvelé (dans des lanternes de voiture) produit une flamme brillante et sans fumée.

Le tuyau pour la bougie aura 18 lignes de diamètre et 17 pouces de longueur. La bougie aura 14 lignes de diamètre moyen et 7 pouces de longueur. La mèche sera composée de 24 fils qui, médiocrement tordus et pénétrés de cire, formeront un cylindre de 1,2 ligne de diamètre. Cette bougie brûlera environ 12 heures.

L’ouverture supérieure des tuyaux, celle par où passe la mèche, et qui offre à la chaleur de la flamme une surface de cire à fondre, devrait varier de diamètre selon les températures de l’air de la caisse de la lanterne. Mais comme cela n’est pas praticable, il faut faire varier la composition des bougies. Pendant les mois de mai, juin, juillet, août et

septembre l’on brûlera des bougies de cire pure *); pendant les mois d’octobre et de novembre des bougies composées de 3 parties de cire et d’une partie de suif; pendant les mois de décembre, janvier et février de 2 parties de cire et d’une de suif; pendant les mois de mars et avril de 3 parties de cire et d’une de suif.

*) Nous nommons cire pure celle des bonnes bougies de Pétersbourg.

Enfin, il s’agit encore de suspendre les lanternes sans contrepoids et de manière à ce que leur support n’en couvre jamais les fenêtres dans aucune des 12 positions où les lanternes se trouvent relativement au volant. Il a déjà été dit plus haut qu’elles doivent faire bascule (bascule russe) au moyen d’un axe qui tourne dans un tuyau, et le problème est de placer ce tuyau de manière à remplir le but proposé.

A (fig. VI) est un angle de fer qui porte à son sommet le tuyau en question. Il est fixé comme on le voit en A, B, C. La figure X offre cet angle dessiné sur l’échelle de la lanterne. Cet angle est de 30° ou 1/12 du cercle. Les barres de fer qui le composent ont en g deux lignes, et en t une ligne d’épaisseur et sur toute leur longueur 12 lignes de largeur. Elles se terminent en un cercle de fer dddd de même largeur et

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épaisseur, dans lequel est soudé à soudure forte le tuyau de laiton eee de 1 1/2 ligne à 2 lignes d’épaisseur, de 8 pouces de longueur et de 4 1/3 lignes de diamètre intérieur. I est le point où l’axe est fixé (à clous rivés et à soudure) à la lanterne, et l’on s’assure que dans aucune des 12 positions de la lanterne les barres gi, gi n’offusquent jamais les flammes, si l’on décrit du centre I. (fig. VIII) l’angle b’Id de 30° et un second a’Ib’ égal au premier, par où l’on voit que la flamme ne remplit pas entièrement ces angles.

III. TÉLESCOPES ET LEUR EMPLACEMENT.

Il ne faut pas s’imaginer que tout télescope soit en tout point propre à la télégraphie, pourvu qu’il livre une amplification suffisante pour fournir à l’oeil une image du signe télégraphique. Il faut qu’il livre cette image dans les temps favorables avec le plus de clarté, de netteté et de lumière possible, en sorte que de légers brouillards ne mettent pas dans l’impossibilité de signaliser ; ce qui est d’une importance majeure dans notre climat. Pour atteindre ce but, il faut avoir égard à deux choses, à la structure du télescope et à son emplacement.

Une description détaillée de celle structure est inutile ; il suffit d’en indiquer les principales parties.

On donnera à l’objectif achromatique 36 pouces de distance focale, et 3 pouces de diamètre. L’oculaire sera une simple lentille biconcave, dont la distance focale est 1,2 pouce ; ce qui constituera le télescope de Galilée dans sa plus grande simplicité, dont l’amplification sera 30. Il recevra sous ces dimensions une grande quantité de lumière et la transférera à l’oeil avec le moins de perte possible, n’ayant qu’un oculaire simple et extrêmement mince. Cette propriété est d’une importance majeure.

L’on a rejeté depuis longtemps le télescope de Galilée pour tous les cas où l’on a besoin d’amplifications un peu considérables, au point qu’ils ne servent plus que pour les lorgnettes d’opéra, parce que leur champ (l’espace qu’ils offrent à l’oeil) est très petit pour de grandes amplifications. Mais ce défaut, très grave pour un télescope ordinaire (terrestre ou astronomique) devient une vertu pour le télescope télégraphique, en ce qu’il n’offre à l’observateur presque point d’objets qui puissent le distraire, ce qui est un très grand avantage; l’oeil s’accoutumant par là à ne voir que l’objet qu’il doit voir et le voyant par conséquent bien plus clairement, avantage qui se fera sentir surtout de nuit lorsque des étoiles se trouvent à proximité du télégraphe. Dans les expériences citées plus haut, le signe télégraphique occupait à peu près la moitié du champ du télescope,

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et l’on ne distinguait d’ailleurs aucun objet marquant. Il est même possible que deux télégraphes se trouvent presque en ligne droite avec un troisième ; alors le télescope à grand champ recevra l’image des deux télégraphes à la fois. De jour, ce sera un petit inconvénient, le volant du second télégraphe étant à peine sensible à l’oeil ; mais de nuit, et l’atmosphère étant claire, les flammes des lanternes du second télégraphe seront très visibles ; et bien que la distance apparente de l’une à l’autre soit environ de moitié moindre que celle des lanternes du premier télégraphe, cependant le double jeu devra nécessairement jeter de l’incertitude dans les observations. Avec notre télescope, il suffira que les trois télescopes dévient de 20 pieds pour éviter totalement cet inconvénient, mais avec un télescope à grand champ la déviation nécessaire pourra monter à 100 pieds et plus; ce qui pourra forcer d’abandonner un poste d’ailleurs très favorable, par exemple une élévation dont le sommet n’aurait pas cette largeur. Or l’on sait quelles difficultés les ingénieurs éprouvent en cherchant des postes favorables pour une longue ligne télégraphique.

Des expériences ultérieures prouveront peut-être que l’on peut se servir de moindres amplifications que celle de 30, et si cela est, l’on doit se faire un devoir de les employer pour amener une plus grande

quantité de lumière à l’oeil.

Enfin, pour donner au télescope le dernier degré de perfection et de commodité ; l’on munira l’oculaire d’un diaphragme non fixe, mais mobile, afin d’indiquer à l’oeil l’emplacement où il voit l’objet le plus clairement et dans le plus petit champ. Aucune précaution n’est minutieuse dans la solution d’un problème aussi compli- qué que celui de la télégraphie, où un petit degré de visibilité de plus ou de moins rend cette solution possible ou impossible.

Notre télescope n’offre qu’un désavantage, une plus grande difficulté à l’orienter. Mais comme le télescope télégraphique, une fois braqué, a une position imperturbable, cette difficulté cesse. Au reste l’on pourra avoir un petit télescope chercheur qui s’adapte à tous les télescopes de la ligne pour fixer primitivement leur position.

Il serait superflu de vouloir décrire le mécanisme qui sert à donner au télescope ses mouvements et à le fixer ensuite irrévocablement dans sa position, ces choses-là étant connues ou très faciles à imaginer.

Les circonstances qui ont rapport à l’emplacement du télescope sont également d’importance majeure, surtout dans notre climat. En hiver l’on ne peut ni ne

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doit exiger d’un homme, même d’un soldat russe, qu’il observe sans mouvement pendant 4 heures consécutives dans une chambre froide *).

*) Si l’on raccourcit ce terme, alors les rechanges se font d’autant plus souvent, et le télégraphiste n’a qu’un temps très court pour son sommeil, ce qui nuit à sa santé.

Que l’on n’objecte pas que l’astronome fait ses observations également dans un local non chauffé ; car d’abord il est rare qu’il soit forcé à des observations de si longue haleine pendant les grands froids. Quand il ne peut plus y tenir il les interrompt pour les continuer le lendemain, ou pendant la même nuit, après, qu’il s’est échauffé dans son cabinet chaud. L’observateur télégraphique par contre n’ose pas quitter une minute son télescope. L’astronome est animé, réchauffé intérieurement par son zèle pour la science et la gloire, le télégraphiste par rien que par la crainte du châtiment; et la crainte n’échauffe pas. En outre pendant les grands froids l’évaporation de l’oeil se précipite sur l’oculaire et le rend opaque. L’astronome a de règle le temps de le nettoyer, le télégraphiste pas ; car ou une dépêche est en route ou bien il en attend une. Si le premier perd par là une observation, il la fait, soit la même nuit, soit la nuit suivante ; personne ne lui en demande compte;

le second au contraire perd son observation ou ralentit la marche de la dépêche et est soumis à responsabilité *).

*) Nous passons sous silence le cas où l’on voudrait observer dans une chambre chaude au travers d’une fenêtre ouverte ou fermée. Une ignorance complète pourrait seule le proposer.

Il est encore une circonstance qui influe fortement et désavantageusemcnt sur la visibilité des objets de jour et au clair de lune ; c’est la lumière diffuse qui entre dans le télescope en même temps que la lumière de l’objet. Elle diminue l’effet de la lumière du volant télégraphique, ou bien le contraste du noir du volant avec la lumière du ciel. En appliquant cet effet aux brouillards, nous trouvons que ce météore rend les observations difficiles non seulement en raison de son opacité, mais aussi en raison de la lumière diffuse très considérable qu’il envoie de tous côtés au télescope et qui, en se mêlant à l’impression de l’objet déjà affaiblie par l’opacité propre, finit par la rendre tout-à-fait insensible.

Ainsi notre problème actuel est d’un côté d’accorder aux télégraphistes le bienfait d’observer dans une chambre chaude en éliminant tous les inconvénients qui pourraient en résulter, bienfait qui

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en sera un également pour la transmission des dépêches, et d’un autre côté écarter tonte lumière diffuse, hors celle qui arrive parallèlement avec la lumière de l’objet ou parallèlement à l’axe du télescope.

La première partie de ce problème se résout en plaçant l’observateur dans une chambre chaude et l’objectif dans un espace froid, de sorte qu’il n’y ait aucune communication entre les atmosphères de ces deux lieux. Cet arrangement n’est praticable qu’en télégraphie parce que le télescope a une position invariable. II est impossible en astronomie parce que le télescope a une position variable.

Quant à la seconde, l’élimination de la lumière diffuse, il y a deux moyens d’y parvenir. Le premier est d’adapter au télescope, du côté de l’objectif, un tube qui dépasse l’objectif d’un pied ou plus et bien noirci à l’intérieur. C’est celui que M. le professeur Struve a adapté au grand réflecteur de Frauenhofer de l’observatoire de Dorpat, le seul applicable à un télescope astronomique qui doit balayer toute la coupole visible du ciel. Mais ce moyen est encore imparfait ; car il est connu que les surfaces noires, qu’elles soient lisses ou non, réfléchissent cependant une portion notable de lumière, surtout si les angles d’inclinaison sont petits. Nous pourrions en appeler

là-dessus au témoignage des peintres, si nous n’avions pas les expériences directes de Bouguer faites sur du marbre noir imparfaitement poli, d’après lesquelles ce marbre, sous une inclinai- son de 15°, réfléchissait presque (1/6?) de la lumière incidente et sous un angle de 3°. 35’ précisément (3/6 ?) (? sous réserve)

La seconde méthode d’éloigner la lumière diffuse de l’objectif du télescope, celle que nous proposons, est spécialement applicable aux télescopes télégraphiques, qui ne changent jamais de position. Elle consiste à placer l’objectif dans une paroi d’une chambre peinte en noir le plus foncé et d’adapter à la paroi opposée un diaphragme qui ouvre à la lumière un accès libre dans la direction du télescope, diaphragme qui n’aura pour ouverture qu’un cercle d’un diamètre de deux lignes plus grand que l’aperture de l’objectif.

La figure IX (planche II) offre le remède aux deux inconvénients que nous voulons écarter. La maison du télégraphe n’est autre chose qu’une chambre de 24 à 26 pieds en carré, chauffée comme une chambre ordinaire, à laquelle les deux petites chambres froides et noires G et G sont attenantes, chacune ayant 6 pieds de longueur et 4½ de largeur. A ou B est le télescope, dans la grande chambre

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chaude. Son objectif passe par un trou pratiqué dans la paroi et fermé hermétiquement lorsque le télescope est fixé invariablement dans sa position, dd est le diaphragme en laiton vissé sur une ouverture ff pratiquée dans la paroi opposée. Il est inutile d’appliquer des calculs minutieux à prouver qu’au moyen de cet arrangement la quantité de lumière diffuse qui pourra arriver par réflexion à l’objectif du télescope peut être considérée absolument comme nulle, et que l’on n’est obrué que de celle qui lui parvient directement par le diaphragme, lumière qu’il est impossible d’éliminer sans éliminer en même temps celle de l’objet à observer.

L’objectif du télescope empêchera en hiver les vapeurs, qui pourraient s’introduire dans la chambre noire, de se précipiter sur lui à raison de la température un peu plus élevée que le métal du corps du télescope (plongé dans l’atmosphère de la chambre chaude) lui amènera. Pendant les autres saisons, on éloignera ces vapeurs de l’objectif (qui par leur précipitation y feraient l’effet d’un brouillard), en plaçant à droite et à gauche, au- dessus et au-dessous de l’objectif quatre petites assiettes chargées chacune d’environ une livre de chaux vive et l’on recouvrira le tout d’une boîte en fer blanc qui aura un trou un peu plus grand que l’objectif. On renouvellera la chaux tous les mois pendant les saisons humides

et tous les deux mois pendant les saisons sèches. La porte P, qui ne laisse passer aucune lumière et le moins d’air possible, servira à ces changement et à tout ce que l’on pourrait d’ailleurs avoir à faire dans cette chambre *).

*) Pour fermer l’accès des vapeurs de la chambre chaude dans l’intérieur du télescope, on lutera? l’oculaire à son diaphragme comme cela a déjà lieu ordinairement. Mais comme ces vapeurs pourraient s’introduire entre le tuyau de l’oculaire et celui de l’objectif, on couvrira leur jonction d’un tuyau très mince de résine élastique fortement ficelé à ses deux bouts, et assez long pour céder aux mouvements nécessaires pour avancer ou reculer le tube oculaire.

IV.EMPLACEMENT DES OBSERVATEURS.

La place de l’observateur est naturellement devant l’oculaire du télescope, où se trouve une chaise ronde q montée sur un axe vissé dans le disque d’un trépied, pour lui donner la hauteur, qui convient le mieux à l’observateur relativement à sa taille. Un dossier fixe, adapté à la circonférence de ce même disque, permet- tra à l’observateur de s’appuyer dans les instants où son oeil n’est pas fixé au télescope.

Mais cela ne suffit pas : il faut que l’observateur

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soit de jour et de nuit dans l’obscurité, afin que son oeil ait la plus grande sensibilité pour apercevoir les signaux qui, pendant de légers brouillards, seraient invisibles, si l’oeil n’était pas soustrait à toute autre lumière. Quiconque a fait des expériences sur la phosphorescence des corps par insolation ou par de faibles degrés de chaleur, où il s’agit de s’apercevoir des plus faibles degrés de lumière qui émanent des corps ainsi traités, saura apprécier les avantages incroyables de cette isolation de l’oeil de l’observateur. Le professeur Placide Heinrich à Ratisbonne a rempli deux volumes in-quarto de ces intéressantes observations sur presque tous les corps connus, et assure n’avoir dû les grands succès de ces observations qu’aux soins presque minutieux qu’il employait pour éliminer absolument de sa vue toute lumière, hors celle qu’il voulait observer.

L’on obtiendra cette isolation si utile de l’oeil de l’observateur en l’entourant de deux côtes par les armoires op, op où les télégraphistes serrent leurs effets et qui se joignent au plafond, et en peignant en noir les surfaces X, X I, X II, X III, X IV, X V, X VI. Les trois fenêtres de la chambre, de même que le chandelier L du télégraphe, sont disposées de sorte qu’elles ne peuvent envoyer aucune lumière directe à l’observateur, qui ne recevra que la lumière faiblement réfléchie des parois fortement noircies.

Au cas où l’on préférerait un autre arrangement des meubles des télégraphistes, de simples parois en planches remplaceraient les armoires.

V. MÉCANISME POUR LES MOUVEMENTS DU TÉLÉGRAPHE.

ABBA (fig. 1 pl. I) est la maison du télégraphe, de 24 à 26 pieds en carré intérieurement, BDDB son toit en forme de pyramide. DD est un disque massif en bois, percé à son milieu pour recevoir l’arbre vertical GF, sur lequel est planté le télégraphe et qui est calfeutré de même qu’à la hauteur du plancher BB, pour ôter toute communication de l’air intérieur avec l’extérieur. HK est une barre de fer forgé, qui porte le signe télégraphique que nous avons nommé volant. Elle a 3 pouces en carré à sa base et 2 pouces à sa partie supérieure. Là est fixée à vis une tringle de fer ee (fig. II) surmontée de deux montants ec, ec et soutenue par deux supports df, df fixés à un renflement dd de la barre. C’est sur ces deux montants que repose l’axe II qui fait mouvoir le volant LL fixé à une de ces extrémités. Cet axe a 4 pieds 1 1/2 pouce de longueur sur 1 1/2 pouce d’écarrissage. A son autre extrémité est la poulie ab de 18 pouces de diamètre intérieur, qui porte la chaîne aa qui perce dans l’intérieur du bâtiment où elle est reçue par une seconde poulie exactement de même diamètre.

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L’arbre vertical porte par un boulon C sur une pierre EE posée sur un fondement, afin qu’on puisse lui donner la direction qu’il doit avoir. Pour cet effet, il est percé d’un trou KO dans lequel on place une barre, qui sert de levier pour tourner l’arbre. Cela étant fait, on perce un trou h à la hauteur du plafond dans deux solives de traverse pratiquées tout près de l’arbre. Un boulon à vis passé dans ce trou qui traverse aussi l’arbre, fixe celui-ci dans la position qu’il doit avoir. Le disque DD a deux trous h’ opposés qui ne pénètrent qu’à 4 pouces de profondeur pour recevoir deux boulons à vis qui augmenteront la solidité de la position de l’arbre.

Le volant, après avoir été équilibré par une plaque de fer fondu vissée à son petit bout, est vissé sur l’extré- mité de l’axe et assujetti par une virole carrée de fer nn, munie de 4 bras nm, nm que l’on voit tous quatre à la figure VI. Ces quatre bras ont le double avantage de donner au signe une assiette invariable, et de le renforcer à moitié de la longueur de chaque moitié contre le vent. Au reste ce dernier avantage peut être considéré comme superflu. Car si l’on donne au volant 2 pouces d’épaisseur il résistera, d’après les expérien- ces de Barlow, sans appui, à 7 fois l’effort d’un ouragan de 150 pieds de vitesse par seconde, vitesse qui surpasse tout ce que l’on a observé jusqu’à ce jour.

Comme l’on pourrait douter, que la grande barre de fer HK pût résister au vent dont l’effort peut se porter perpendiculairement sur le volant, calculons la force résistante de cette barre. La surface du volant est de 19 1/2 pieds carrés, et l’effet d’un ouragan de 150 pieds de vitesse sur un pied carré de surface est de 33 ?. Donc l’effort entier sera 643 1/2 ?. D’après les expériences de Brown il faudrait une force de 1872 ?, appliquée horizontalement à son bout supérieur pour la rompre, dans la supposition qu’elle fût de fonte. Donc cette barre, comme elle est de fer forgé, et par conséquent plus flexible, offrira une résistance plus que triple que la force de l’ouragan le plus impétueux.

La figure V (pl. 1) montre comment s’opère le mouvement du volant. La partie inférieure rspt de l’arbre est carrée et entourée d’une caisse de planches qui peut monter et descendre le long de l’arbre et y être arrêtée par la vis ?g fixée par sa tête au crampon xey et par ses pas dans le crampon vtq à une hauteur arbitraire. A cette caisse est fixé le disque de bois oo par 4 verges de fer Inm. Ce disque et la caisse portent ensemble l’axe de la poulie embrassée par la chaîne. Le même axe porte un index qui tourne avec lui, parcourant un limbe de laiton aa assujetti sur 6 petits cylindres de bois oa, oa, etc. *) limbe qui porte une double division en 12 parties égales dont les chiffres de l’une vont en sens

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contraire de l’autre, comme on le voit aux figures I et IV, à la dernière desquelles une partie du limbe est dessinée sur 1/2? de grandeur naturelle, de sorte que chacune des 12 divisions aura 61/2? pouces de longueur.

*) La construction sera un peu plus simple si l’on place la poulie derrière le disque de bois, et le limbe immédiatement sur le disque. Seulement il faudra augmenter de oa? la distance du disque à la caisse, afin que la chaîne descende perpendiculairement. Ce change- ment procurera l’avantage de pouvoir donner des supports à cette poulie comme à la supérieure.

Un levier à deux manches gg, fixé à l’axe, imprime le mouvement à la poulie inférieure et à l’index, et au moyen de la chaîne, à la poulie supérieure et au volant.

La chaîne de Vaucanson, qui a conservé sa célébrité jusqu’à nos jours, n’offre pas le degré requis de sûreté et d’exactitude. Celle de notre télégraphe, faite de laiton fondu, sera comme moulée dans les creux pratiqués dans les poulies. Nous lui donnons la forme exprimée à la figure V qui offre deux chaînons à moitié de grandeur naturelle. Les moules pratiqués dans les gorges des poulies doivent avoir assez de profondeur pour que les cylindres aa, aa

s’y enfoncent de tout leur diamètre et les boules b, b de tout leur rayon plus celui des cylindres. D’après ces dimensions 14 chaînons engrèneront dans la moitié de la circonférence d’une poulie. Il serait aussi long, que fastidieux de décrire les procédés à suivre pour donner à l’engrenage de la chaîne dans ses moules toute l’exactitude requise.

Les deux poulies sont en fer fondu de l’espèce molle, qui se travaille aisément avec des outils tranchants, afin d’enlever facilement et nettement les aspérités que la fonte laisserait dans les moules de la chaîne, aspérités qui useraient la chaîne trop vite. Elles sont composées chacune de trois plaques dont celle du milieu a 1 pouce 2 lignes d’épaisseur, sur la circonférence de laquelle se trouvent les moules de la chaîne tels qu’ils ont été décrits plus haut ; les deux autres plaques sont des zones de 4 pouces de largeur et ont 4 lignes d’épaisseur avec an rayon d’un demi pouce de plus que celui de la plaque du milieu, à laquelle elles sont fixées par 12 vis à écrou. Cette construction facilitera la confection des moules et leur réparation. Nous croyons pouvoir assurer positivement que cette construction des poulies, des limbes et des chaînes offre une sûreté parfaite pour livrer les signaux, et qu’un télégraphiste un peu exercé ne commettra pas d’erreurs d’un degré, erreur qui peut être considérée comme nulle sur un arc de

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30 degrés. Car d’un côté il est impossible que la chaîne glisse dans la gorge des poulies, et d’un autre côté, un degré correspondant sur les limbes ayant une longueur de 2 1/2? lignes, le télégraphiste ne peut pas s’égarer d’autant dans la position de l’index.

Malgré le poids de toutes tes pièces mobiles de ce télégraphe, les mouvements se feront avec la plus grande facilité, comme le petit calcul suivant le prouve.

D’après les dimensions ci-dessus la planche du volant pèsera . . . 152 WS?

Les quatre bras de fer qui la soutiennent . . . . . . . . 54

L’axe de fer qui porte le volant et la poulie . . . . . . . 40

La chaîne de laiton . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 43

Chaque poulie 184 WS?, les deux avec l’axe de l’inférieure . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 380

Total des masses à mouvoir . . . . . . . . . . . . . . . . . 669

Or le frottement des axes peut s’évaluer au plus à 1/5? du poids total, ce qui fait 134 WS?, et la proportion moyenne des diamètres des axes à celui du levier aux points où les mains le saisissent est

1 : 30. Donc la force à employer au levier est égale à 4,5 , auxquelles il faut ajouter encore environ 1/2? pour les frottements sur les axes des chaînons ; ce qui fera en tout une force d’environ 5 livres.

La vis ug, décrite déjà plus haut, sert à tendre et à détendre la chaîne à raison des températures. L’auteur ayant observé à Riga en 1799/1800 une température de 33° R. au-dessous de zéro (le mercure gelait) et l’été suivant 30° R. au-dessus de zéro, l’on doit compter sur la possibilité d’une variation de température de 64°. Or le coefficient d’extension pour 80° R. étant, selon Smeaton 0,001875, et la chaîne du télégraphe ayant environ 22 1/4 pieds de demi-longueur, l’extension pour les 64° est égale à 4,7664 ou 4 3/4 lignes, longueur qui suffira pour fixer l’étendue de la marche de la vis ug de tension, d’autant plus qu’environ 1/2? de la longueur de la chaîne se trouve toujours dans une température modérée.

Nous avons encore à faire voir comment on peut empêcher l’eau de pluie et la neige de pénétrer par la chaîne dans la maison télégraphique.

D’abord nous couvrons la poulie ab (fig. II) d’un couvercle de tôle cxyze qui éloigne la pluie de cette poulie. Puis on fixera à son bord intérieur de chaque

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côté un tuyau rpqs de fort fer- blanc de 2 pouces de diamètre, qui entoureront les deux branches de la chaîne jusques au toit, où ils seront fixés à demeure, au dessus de deux trous c, c (fig. XI) percés dans la couverture du toit. Ces tuyaux seront soutenus par les deux bras de fer mn, mn, vissés à la tige HK qui porte tout le télégraphe, et en troisième lieu, au bord du petit toit de tôle In n’l’ qui couvre le sommet du toit. Pour donner le dernier degré de solidité à ces tuyaux on les joindra l’un à l’autre par deux traverses aux points n et n, qui consisteront en de simples tuyaux de fer- blanc d’un pouce de diamètre. L’on donnera à la partie inférieure des tuyaux rpqs, là où ils couvrent le bas du volant la couleur du côté homologue du volant; de même aux traverses. Le reste sera noir. Il en sera de même du couvercle sxyze.

VI. DÉVIATION DES STATIONS.

Il a déjà été question de l’angle, que peuvent faire les directions de deux télégraphes avec le troisième. La figure IX (pl. II) offre un pareil angle aC6, dont le supplément est bCa? Si le télégraphe se trouvait dans la position où il est dessiné (comme la plus favorable pour être observé dans la direction aC) et dût être observé dans la même position, mais dans la direction bC, il perdrait en visibilité en proportion du cosinus de l’angle bCa *).

*) Nous disons en proportion du cosinus simple et non du carré du cosinus, comme on l’admet d’ailleurs, parce que l’on suppose que la lumière arrive à l’objet dans une direction parallèle à celle de l’objet à l’oeil de l’observateur. En fait de télégraphie l’on doit supposer, que l’objet est éclairé en tout sens également, par ce qu’il faut admettre que la lumière lui vient de tous les points du ciel et non dans une seule direction. Lorsque le ciel est sans nuages et le volant du télégraphe éclairé par les rayons immédiats du soleil, c’est un surcroît bien venu de lumière sur lequel on ne doit pas compter. Cette considération est pour le cas où le volant doit être vu par la lumière qu’il réfléchit. Dans le cas, où il est noir et par conséquent visible uniquement par le contraste avec la lumière du ciel ou de la neige, il est évident que sa visibilité est en raison de sa largeur apparente.

Soit cet angle = 15°, son cosinus sera 0,9659 et la perte 1/20? de la visibilité totale. Si l’on place le télégraphe dans une position fixe moyenne entre bC et a’C, alors l’angle nuisible ne sera plus que de 7 1/2°?, dont le cosinus est 0,9914 et par conséquent la perte 1/117?, perte que l’on peut considérer comme nulle. Si l’angle est de 30°, et le télégraphe fixé dans la direction moyenne, la perte est, comme nous venons de le voir, 1 /25?, perte qui commence à n’être plus à négliger, et nous ne pouvons pas

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conseiller d’aller à plus de 40°, la perte étant déjà entre 1/14? et 1/17?.

Soient par exemple a et k (fig. XII, pl. II) les extrêmes d’une ligne télégraphique dont les postes sont a, b, c, d, e, f, g, h, i, k, où nous avons placé le volant du télégraphe dans une direction moyenne, qui coupe les angles en deux parties égales ; l’on voit au coup d’oeil que les positions moyennes en b, c, d, e, f, g n’excèdent pas le maximum, qui vient d’être fixé, mais que ce maximum l’est aux postes k et i. Si donc ces postes supposés d’ailleurs avantageux, de même que les autres, ne pouvaient cependant pas être admis relativement aux directions, il faudrait ou établir deux télégraphes proches l’un de l’autre à chacun de ces postes, ou changer les autres postes, ce qui nécessiterait ordinairement l’établissement d’un ou peut-être de deux postes de plus. Or ces cas doivent être prévus et prévenus.

Nous avons fixé la largeur de notre télégraphe à 18 pouces. C’est pour les cas où les directions de deux stations voisines ne diffèrent que de très peu l’une de l’autre, et il a été déjà dit que la face du télégraphe doit être placée de manière à ce qu’elle partage l’angle en deux parties égales, comme on le voit à la fig. XII. Par là, le défaut provenant de l’obliquité du volant se trouve partagé entre les deux stations

également et est réduite à la moitié. Mais pour faire évanouir le défaut de visibilité, il suffira d’augmenter la largeur du volant en proportion du cosinus de l’angle d’obliquité au rayon. Ainsi, si cet angle mesure 15 degrés, l’on augmentera la largeur du volant de 1/29?, c’est-à-dire de 0,65 de pouce; si l’angle mesure 20 degrés, l’augmentation sera 1/14? ou 1/6 pouce. Si l’angle d’obliquité allait jusqu’à 33 degrés, l’augmentation se monterait à 2, 9 pouces. Ce dernier cas, où l’angle d’obliquité est de 33 degrés, et par conséquent l’angle de déviation de 66 degrés, aura lieu très rarement. Même si ce dernier angle allait à 90° (cas qui n’aura jamais lieu) l’augmentation de largeur n’irait pas tout-à-fait à 31/2? pouces. Au reste, ces augmentations ne sont entendues que du corps du volant ; la partie inférieure, qui a en longueur le triple de la largeur recevra une augmentation triple en longueur, mais aucune en hauteur, et cette triple augmentation sera répartie également sur les deux extrémités.

Ainsi notre volant apparaîtra au télégraphiste-observateur de chaque côté toujours sous les mêmes dimensions, à l’augmentation apparente près qu’il reçoit par son épaisseur. Ainsi, dans tous les cas où il sera éclairé comme objet blanc par la lumière diffuse du ciel, il conservera le même degré de visibilité, comme nous l’avons vu à la note précédente, et c’est

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sur ces cas, où la lumière a le moins d’intensité, que tout doit être calculé.

Si la largeur du volant doit varier selon ses degrés d’obliquité, la largeur des lanternes et de leurs fenêtres le devra de même, afin que l’on puisse voir les trois flammes lorsqu’elles seront nécessaires. Alors elles ne se projetteront plus entièrement l’une sur l’autre, mais se déploieront en largeur, plus ou moins, offrant cependant jusqu’à un angle de déviation de 38 degrés un noyau plus ou moins large, composé d’une lumière d’abord triple et enfin double, bordé d’une lumière simple. Au-delà de cette limite l’image des flammes se séparera et ne produira jamais au télescope qu’une seule image plus ou moins large.

Nous avions imaginé dans le principe un mécanisme simple pour tourner le télégraphe de quelques degrés vers la direction du poste qui envoie les dépêches, non sans quelque désavantage pour le poste qui reçoit, ce désavantage nous paraissant peu important parce que le télégraphiste qui envoie la dépêche la reconnaît facilement lorsque le télégraphe suivant la répète. Mais après avoir calculé le peu de perte que l’obliquité du volant cause et nous être aperçu que cette perte se compense en augmentant la largeur du volant et des lanternes, dans chaque

cas donné, d’une très petite quantité, nous avons totalement abandonné cette idée. Nous n’entrons pas dans les détails du choix des postes télégraphiques, nous contentant de faire observer que l’on doit choisir, autant que possible, des points élevés, non seulement pour voir à de grandes distances, mais aussi pour atteindre une région au-dessus des exhalaisons inférieures des terrains marécageux. Il n’est guère possible de donner des règles générales là-dessus, tout dépendant de la conformation du terrain, dont il faut abandonner l’heureux emploi à la sagacité des ingénieurs chargés de trouver les points où les postes seront placés.

Au reste, si nous nous chargions de trouver les points les plus favorables pour ces postes sur une longue ligne télégraphique, nous opérerions de la manière suivante : Nous prendrions une bonne carte géographique de la ligne et la ferions copier sur une échelle double ou triple ou quadruple pour pouvoir y dessiner nombre de points intermédiaires. Puis, en partant du premier poste, nous observerions les points les plus élevés, qui se présentent à l’horizon à une distance de 5 à 6 werstes à droite et à gauche de la ligne droite, qui joint les deux points extrêmes de la ligne entière, dont la position est donnée par la carte, et nous noterions leur direction relativement à cette ligne au moyen d’une bonne boussole.

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Comme il ne s’agit pas ici d’une grande exactitude, les distances se mesureraient au moyen d’un odomètre adapté à une très légère calèche capable d’aller sur les plus mauvais chemins. Dans les cas où la route dévierait considérablement, l’on noterait la distance et la grandeur de l’angle au point de déviation pour estimer la vraie distance. Ainsi les distances des points observés seraient données.

Nous mesurerions les différences de hauteur de ces points au moyen du baromètre, parmi lesquels nous choisirions celui qui offre des points élevés les plus proches de la ligne télégraphique. Ce point étant déterminé, nous le considérerions comme un second point de départ et opérerions comme pour le premier, et ainsi de suite jusqu’au bout de la ligne.

Au retour on répéterait toute l’opération pour prendre les moyennes pour les distances et hauteurs vraies, et cela en toute sûreté ; car nous avons, quant à l’exactitude, une latitude de 8 à 12 werstes. La carte étant ainsi formée et les hauteurs relatives des points notés y étant marqués, l’on verra d’un coup-d’oeil si, en construisant des bâtiments d’une certaine hauteur, l’on pourrait faire l’épargne d’un ou deux postes en s’élevant au- dessus d’un obstacle dont la hauteur relative aurait été mesurée.

VII. Tactique des opérations télégraphiques.

1) Seront continuellement à leur poste un opérateur, qui exécute les signaux, un observateur à chaque télescope, et un écrivain qui tient registre de tous les signaux et note l’heure et la minute à laquelle chaque dépêche est arrivée, de même que les retards qui peuvent avoir eu lieu pendant le signalement. Chacune de ces fonctions aura deux fonctionnaires qui se relèveront de veille en veille de 4 heures, ce qui fait 6 veilles par jour, dont 3 seront actives, 2 destinées au sommeil et au repas et une à quelque travail manuel au choix de chacun, y compris la cuisine pour toute la petite colonie, qui se fera à rechange.

2) Chacun des 8 télégraphistes sera exercé aux trois espèces de fonctions pour que, au cas de maladie, ils puissent prendre alternativement la place du malade jusqu’à sa guérison ou l’arrivée de son successeur s’il vient à mourir. En outre, on changera les rôles de semaine en semaine, non seulement pour entretenir chacun dans l’exercice des trois genres de fonctions, mais aussi pour partager la fatigue, qui est bien moindre pour l’écrivain et l’opérateur que pour l’observateur, dont les yeux s’affaibliraient dans peu s’ils étaient forcés à une activité de 12 heures chaque jour de l’année.

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Le rechange par contre fera que les observateurs auront pour chaque semaine d’activité une semaine de répit *).

*) Nous ignorons quel est le nombre de télégraphistes employés en France à chaque télégraphe ; nous ne connaissons aucun ouvrage qui en ait instruit le public. Mais nous avons appris que M. Chateau ne statue, pour la ligne de Pétersbourg à Varsovie, qu’un seul télégraphiste, qui doit mouvoir le télégraphe et observer en avant et en arrière ; peut-être doit-il aussi écrire le journal. Cette méthode a plusieurs inconvénients.

Le premier est le défaut de sûreté ; car il est certain qu’un homme, devant partager son attention à trois objets dans un si court espace de temps, est forcé d’en accorder moins à chacun ; ce qui est d’autant plus sujet à erreur que les observations des signaux en arrière et en avant sont inverses l’une de l’autre dans le sens de droite à gauche. Les erreurs d’observation et même de signalement doivent donc s’accumuler. Ajoutons à cela que les cas très fréquents dans notre climat, où l’observation sera difficile à cause de l’opacité de l’air, exigent une grande énergie d’attention pour observer avec sûreté et que, dans tous ces cas, l’on doit s’attendre à de nombreuses erreurs, importantes surtout dans le système

cryptographique que M. Chateau veut donner à la Russie.

Le second désavantage est la lenteur des opérations ; car il est clair, que si le même télégraphiste doit observer le signe qu’il reçoit, l’exécuter et observer si son suivant l’a bien répété, toute l’expédition doit durer plus longtemps que si ces trois opérations se faisaient par trois personnes. Aussi les télégraphes de M. Chateau ne livrent que 2 signaux par minute, tandis que nous prouverons tout à l’heure que notre télégraphe en livre 4 en toute sûreté pendant les temps défavorables et 6 pendant les temps favorables. L’on objectera peut-être qu’il est assez indiffèrent qu’une dépêche portée a 1000 werstes arrive en 40 minutes ou en 120, une heure de plus ou de moins sur des distances aussi étendues n’étant pas d’importance. Nous sommes de cet avis pour la plupart des dépêches en temps de paix ; par contre en temps de guerre, une heure de retard peut être très importante. Mais il y a plus : supposons que l’atmosphère soit assez favorable au départ d’une dépêche et que, au bout d’une demi heure, il se soit formé un brouillard, qui couvre l’atmosphère de plusieurs stations. Voila la dépêche arrêtée pour un temps indéfini, s’il a fallu plus d’une demi heure pour la transmettre.

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Enfin la considération de la conservation de la vue des télégraphistes doit entrer pour beaucoup dans le choix du système. Dans celui de M. Chateau l’on statue trois télégraphistes qui se relèvent. Ainsi chacun travaille 8 heures par jour, mais doublement quant aux yeux ; de sorte que leurs yeux travaillent autant que s’ils n’avaient qu’une observation simple pendant 16 heures. On peut même assurer que les deux observations, qui se succèdent dans un si court espace de temps, fatiguent l’oeil davantage que s’il ne faisait que la même observation pendant le même temps, parce qu’en quittant une observation, l’oeil se détend en quelque sorte pendant le mouvement du télégraphe et se tend de nouveau pour la seconde. Et puis l’oeil de ce télégraphiste n’a pas comme le nôtre sur deux semaines une semaine de repos.

Enfin nous nous demandons : Par quelle raison accumule-t-on trois opérations sur un seul sujet ? Evidemment pour diminuer le nombre des télégraphistes à entretenir. Voyons donc à quoi se monte cette épargne.

D’après ce que nous avons pu apprendre du système de M. Chateau, le nombre moyen des télégraphistes pour chaque poste est de six. Supposons donc une ligne de 100 postes, ce sera 600 télégraphistes qu’il faudra.

Dans notre système il en faut 800. Mais notre système compte en nombre moyen au moins 10 werstes par station, et celui de M. Chateau au plus 8 werstes, par conséquent 20 télégraphes de plus. Ainsi le nombre de ses 600 télégraphistes doit être multiplié par (4,95?) ce qui fait 750. Ainsi le gain de son côté est de 50 hommes sur 800, c’est-à-dire (?). Or l’entretien annuel de 20 télégraphes avec les bâtiments de plus et la consommation des bougies, qui dans le système de M. Chateau est double de celle du nôtre sur toute la ligne télégraphique, compenseront sûrement les frais d’entretien de 50 hommes. Quelle raison reste-t-il donc de s’exposer à tous les inconvénients qui viennent d’être cités ?

3) La position d’arrêt du volant est celle qui est dessinée à la figure 1 (pl. 1).

4) Le télégraphe d’où la dépêche doit partir donne le signal d’activité en balançant le signe de chaque côté sur deux divisions, de X à II, jusqu’à ce que l’observateur ait vu que le télégraphe suivant commence à répéter ce signal d’activité. Alors l’opérateur du premier télégraphe arrête le volant au point qu’indique le chiffre du premier signal à transmettre. A chaque télégraphe suivant on en fait de même.

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5) Lorsqu’un signal doit être répété deux fois de suite (signal de répétition), comme par exemple pour deux n ou deux s, l’opérateur ne reculera de chaque côté, que d’un signe ou 30 degrés pour revenir sur le champ au premier.

6) Dans des cas urgents (et ces cas seront indiqués plus bas) le signal d’activité, nommé alors signal d’urgence consistera en un mouvement rotatoire, rapide et continu du volant, jusqu’à ce que le télescope suivant commence à répéter ce signal.

7) A la fin d’une dépêche l’opérateur mettra le volant en position d’arrêt.

8) Le mouvement du volant se fera avec une vitesse d’environ 3 pieds par seconde à son extrémité. Cette lenteur de mouvement a pour but de ne produire qu’une petite force tangentielle, afin que l’opérateur puisse arrêter le volant avec facilité au point prescrit. Or, comme l’opérateur le fera marcher tantôt à droite, tantôt à gauche selon la proximité du signal à donner, il n’aura jamais à faire une marche de plus d’un demi-cercle, qui a à l’extrémité du volant 15, 7 pieds. Donc la durée moyenne de l’exécution d’un signal sera de 2,6 secondes, soit 3 secondes. Le temps nécessaire à l’observateur pour voir le signal avec sûreté soit de 3 secondes (l’auteur n’en avait

besoin que de 2). Ainsi un signal sera exécuté et vu en terme moyen en 6 secondes. Mais comme le même signal, que le second télégraphe répète, doit être vu du poste avant qu’il doive faire le signal suivant, il faut ajouter encore 3 secondes pour cette observation, ce qui fait en tout 9 secondes pour le temps que dure le signalement entier d’un chiffre. Ajoutons gratuitement encore une seconde, et nous sommes sûrs que notre télégraphe pourra signaliser 6 chiffres dans une minute *)

*) Il faut observer, que dans ce calcul du temps nous avons supposé que l’observateur n’observe qu’après que le signal a été exécuté ; mais comme son oeil ne quitte pas le télescope, mais suit les mouvements du volant, le temps de l’exécution sert déjà à l’observation après laquelle il suffit d’une seconde pour observer le repos ; mais nous en donnons 3 pour augmenter la sûreté de l’observation.

Ainsi notre télégraphe, exécuté sur 100 postes, livrera le premier chiffre en 16 2/3 minutes au dernier poste et les autres chiffres suivront avec la même vitesse. Supposons donc que nous ayons à signaler la dépêche citée au commencement de ce mémoire, qui a 115 chiffres, chacun d’eux arrivera en 10 secondes de station en station pendant la marche des précédents ; ce qui fait 1150 secondes ou

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19 min. 10 sec., qui, ajoutées aux 16 min. 40 sec. précédentes, font 35 min. 50 sec., soit 36 minutes pour tout le temps qu’il faut à une dépêche de 115 chiffres pour faire un chemin de 100 stations télégraphiques, c’est-à-dire pour arriver à environ 1000 werstes.

Au reste, ce calcul suppose un état moyen de perlucidité de l’atmosphère à peu-près tel que nous l’avions dans nos expériences à Dorpat en septembre, et à Tchesmé en février. Quand l’état de l’atmosphère sera défavorable, il faudra un peu plus de temps pour observer avec toute sûreté, et il peut arriver que l’on ne puisse signaler que 4 chiffres dans une minute, mais sûrement jamais moins.

9) Chaque observateur sera toujours assis devant son télescope pour épier l’arrivée des dépêches. Afin de ne pas trop fatiguer un de ses yeux, il observera des deux alternativement pour laisser reposer l’un tandis que l’autre est en activité. L’auteur, qui, à cause de la grande différence de distance visuelle de ses deux yeux, ne peut plus travailler (lire et dessiner) qu’avec un oeil à la fois, sent plus que personne le grand avantage du rechange.

10) Dès que l’observateur verra le signal d’activité exécuté par le télégraphe prochain, il en avertira

l’opérateur, qui commencera à l’instant même son travail. Si c’est le signal ordinaire, l’observateur criera : activité. Si c’est l’extraordinaire il criera : urgence.

11) Si pendant qu’on signale dans une direction il survient une dépêche du côté opposé (ce qui ne peut avoir lieu que pendant que le premier chiffre de là première dépêche marche vers le bout opposé de la ligne) l’observateur de l’autre direction en avertira l’écrivain en criant : Dépêche opposée, qui en prendra note à part et écrira les chiffres qui arrivent de ce côté. Pendant cet intervalle la première dépêche continuera à être transmise. Celle-ci étant terminée, le télégraphe où les deux dépêches se sont croisées signalisera tous les chiffres reçus de la seconde dépêche et continuera son travail pour tous les chiffres qui suivront. Cela sup- pose, que lorsque l’extrémité de la ligne télégraphique ad quam a reçu le premier chiffre de l’extrémité a qua, elle cesse tout signalement, et ne continue sa dépêche, que là, où elle l’a laissée à l’arrivée du premier chiffre de l’extrémité a qua. Ou bien, pour éviter toute confusion possible, elle recommencera à signaler toute sa dépêche.

12) L’écrivain tient registre de tous les signaux, de leur direction et du moment où le premier et dernier signal sont arrivés. Pour cet effet la pendule se trouve

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près de lui à portée de sa vue. Il serrera chaque dépêche dans la caisse des papiers, dont lui seul aura la clé et remettra ces journaux à l’officier d’inspection. Chaque journal de dépêches qui viennent d’un côté sera à part, celles qui viennent de l’autre également. Les feuilles couvertes de carrés où les chiffres sont inscrits, auront pour les deux côtés un signe à part.

13) II y aura à portée de l’écrivain le cordon d’une cloche placée hors du bâtiment, et dont le son soit facilement entendu à 3 werstes du télégraphe, pour appeler tous les télégraphistes qui seraient sortis, un peu avant le moment où ils doivent fonctionner.

14) Pour 8 postes télégraphiques il y aura un officier d’inspection du grade de lieutenant, qui sera tenu de visiter ses postes deux fois par semaine pour s’assurer que tout est et se fait en ordre. Il réglera chaque semaine les rôles des télégraphistes, et emportera les journaux de chaque télégraphe signés de l’écrivain, pour les confronter et en expédier copie par ses collègues aux chefs de la ligne résidants à ses extrémités, avec un rapport sur l’état où il aura trouvé ses postes. Une de ces visites hebdomadaires se fera à l’impro- viste; l’autre à des jours réglés *).

*) Au reste il n’est pas probable, que les officiers

surprennent leurs télégraphistes, qui sûrement seront assez fins pour concerter entre eux un signe d’avertissement pour s’annoncer l’arrivée de l’officier. Mais enfin l’on ordonne le mieux ; se fasse ce qui pourra.

15) Un des télégraphistes de chaque poste aura l’inspection sur ce poste. Cet inspecteur sera au choix et à la responsabilité du lieutenant d’inspection.

16) A chaque bout de la ligne télégraphique sera un inspecteur général de la ligne du rang de major, dont les devoirs seront :

a) De tenir registre des dépêches qu’il expédie avec la date, l’heure et la minute de leur expédition.

b) De faire faire copie des dépêches qu’il reçoit.

c) D’envoyer les uns et les autres à Pétersbourg (centre de toutes les opérations télégraphiques) au au chef de l’état-major, ou, en temps de guerre, au chef de l’armée.

d) De visiter tous ses postes au moins deux fois l’année dans les temps où ses autres occupations le lui permettront.

e) De soigner l’approvisionnement de tout genre

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pour la moitié de la ligne.

Pour toutes les écritures cet inspecteur général aura un ou deux copistes à proportion de la longueur de la ligne.

17) Près du chef de l’état-major ou du chef de l’armée sera un employé particulier pour chiffrer et déchiffrer les dépêches. Il aura un copiste qui l’assistera.

VIII. Local et économie d’un poste télégraphique.

Le physicien ne doit pas dédaigner de s’occuper de ces sortes d’objets, la réussite de ses meilleures concep- tions en dépendant très souvent. La table II est spécialement vouée à la partie économique et au local.

La maison du télégraphe doit-être en même temps le logement de tous les télégraphistes, afin qu’ils soient toujours à portée d’entrer à l’instant m fonction et d’être éveillés au besoin lorsque le temps de leurs veilles actives approche. Cette maison, qui n’est autre chose qu’une chambre de 24 à 26 pieds en carré, contient néanmoins tout ce qu’il faut à cet égard. Le télégraphe est au centre, les télescopes à deux côtés opposés avec leurs chambres noires, de sorte que les

observateurs soient à même d’être entendus par l’opérateur et l’écrivain. Celui-ci travaille à sa table devant la fenêtre, qui tient le milieu de ce côté de la chambre. A ses côtés sont, la pendule avec la face tournée vers lui, le coffre qui contient ses papiers et la caisse commune dont l’usage sera indiqué plus bas. Dans la moitié opposée de la chambre sont 8 lits pour les télégraphistes, placés aux deux côtés de la porte. Trois fenêtres de 3 pieds de largeur et de 7 pieds de hauteur éclaireront suffisamment la chambre et le limbe du télégraphe. Quatre armoires entourent de deux côtés le siège de chaque observateur, de sorte que ni les fenêtres, ni la bougie de l’écrivain, ni celle du chandelier à charnières nxyz de l’opérateur qe puissent éclairer cet espace. Chacune de ces armoires contient l’habillement et le linge d’un télégraphiste, et ses armes s’il est soldat. Deux poêles placés à deux coins les plus éloignés du télégraphe chaufferont la chambre entière (il n’en faut pas moins, cette chambre étant exposée à tous les vents), et surtout la contrée où les télégraphistes seront occupés à leur vocation. On leur donnera la propriété de ne produire aucune fumée, afin que le volant du télégraphe n’en soit pas souillé *).

*) Si contre les principes que nous avons posés, on voulait absolument s’exposer aux nombreux inconvénients qui résultent de la concentration des

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deux observations, du maniement du télégraphe et de la tenue du journal dans la personne d’un seul télégraphiste, alors on placera les chambres noires G, G dans l’intérieur de la chambre, leur donnant la position VVZZ, VVZZ et un peu plus de longueur. La place du seul observateur sera en U et le télégraphe sera rapproché de lui. Pour regagner la place perdue l’on donnera à la chambre du côté de ZVVZ, une augmentation de 6 pieds en longueur et de l’autre côté une diminution de 3 pieds. Le reste des appartenances se réglera là-dessus.

La maison économique, de même grandeur que celle du télégraphe, contient :

1) La chambre K du télégraphiste desservant, où il se tiendra tandis que le service du télégraphe n’exigera pas sa présence dans l’autre maison, une table à manger pour 4 télégraphistes à la fois, une armoire pour le linge, et ce qui sert au service de la table, un lit de malade avec sa table de nuit et un lit pour le domestique de l’officier.

2) La chambre L de l’officier avec les meubles indiqués, afin qu’il puisse au besoin y passer une nuit et y travailler.

3) La cuisine M avec son foyer, et au-dessous un

four pour cuire le pain (si le gouvernement ne fournit pas le pain en nature) une table, deux tablettes et un tonneau d’eau.

4) Le garde-manger N et la cave au-dessous avec les meubles indiqués et l’escalier de la cave. L’on parviendra sous les toits des deux bâtiments au moyen d’une échelle et d’une trappe pratiquée dans le plafond.

Il faut un puits à chaque station, que l’on creusera le plus à proximité que possible.

Enfin il faut pourvoir a un cas possible d’incendie. Des pompes ne pourraient être fournies de l’eau nécessaire par un seul puits et par 8 hommes, la station se trouvant de règle sur le point le plus élevé de la contrée; de sorte que l’on se trouvera pour le moment borné au tonneau d’eau de la cuisine. Les torches pour les incendies que l’auteur a inventées il y a 35 ans sont les seuls instruments, qui puissent se contenter d’une si petite quantité d’eau. On en trouve la description dans le journal de physique de Voigt de ce temps-là. Il suffit de dire que, au moyen de ces torches, l’on peut éteindre 500 pieds carrés de surface de bois brûlant avec 30 livres d’eau ou 1 wedro. (Le wedro pèse presque 31 1/2 ? d’eau).

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La cour est fermée par deux haies en planches ou par un fossé avec un parapet. Sur le derrière est une écurie pour les deux chevaux de l’officier d’inspection.

Au milieu de la cour on placera un paratonnerre sur un arbre de 60 pieds de hauteur au-dessus de terre, meuble d’autant plus nécessaire, que le poste est plus élevé et isolé. La barre a 5 pieds de hauteur, et est surmontée d’une pointe de platine. Le dessin indique la manière de garantir la partie sous terre de l’arbre, de 8 pieds de profondeur, dans un puits couvert d’un petit toit qui laisse entrer librement l’air dans l’intérieur. Le conducteur vissé à la barre est prolongé jusque sous terre.

Mais comme à de pareilles expositions l’on trouve rarement un terrain assez humide pour disperser l’électri- cité de la foudre, l’on rassemblera les eaux des toits des deux bâtiments dans deux canaux souterrains 10, 10 murés avec du ciment hydraulique, qui amèneront le long d’une pente de 6 pieds sur 24 ces eaux aux trois branches de l’extrémité du conducteur, d’où elles se partageront dans le terrain adjacent. La partie souterraine du conducteur se trouvera enfouie tout simplement dans la terre, et ses trois pointes aboutiront au confluent des deux canaux. L’auteur a exécuté cette espèce d’arrosement souterrain en 1805 pour le paratonnerre du théâtre

anatomique de Dorpat, dont le terrain n’est que de gravier. Dix-huit ans après il fit découvrir au fort de l’été les 3 branches de la barre conductrice, et en trouva le gravier adjacent parfaitement humide et le métal cependant très bien conservé.

Tel est l’arrangement, que nous proposons pour les cas où la maison du télégraphe n’aura besoin que d’un étage ; alors il sera à conseiller de placer la partie économique à part, comme nous l’avons fait, pour diminuer le danger du feu pour le télégraphe. Pour les cas où il faudra s’élever à de plus grandes hauteurs à cause d’une forêt ou d’une colline, le bâtiment aura plusieurs étages, dans lesquels on distribuera les appartenances le plus commodément possible. Mais alors on placera sur la barre, qui porte le télégraphe une barre de paratonnerre de 10 pieds de hauteur, qui dépassera le volant télégraphique au moins de 5 pieds. Au pied de la première de ces barres sera fixé le conducteur, dont la partie inférieure sera enfoncée en terre et arrosée de la manière que nous venons de décrire.

Nous n’entrons pas dans les détails de l’arrangement des appartenances économiques pour les cas où l’on aura besoin de deux, trois ou quatre étages pour atteindre la hauteur nécessaire, mais nous nous contentons d’ajouter quelques

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observations touchant le service du télégraphe et les employés.

Il a été question plus haut d’un signe d’urgence, et c’est ici le moment d’en parler, parce qu’il tient à un arrangement économique. Les cas où l’on fera usage de ce signe auront lieu en temps de guerre ou dans d’autres circonstances semblables, qui exigeront que les dépêches parviennent le plus vite possible et à tout prix à leur destination. Or il peut arriver dans ces temps d’urgence qu’une contrée sur la ligne télégraphique se couvre par des circonstances locales d’un brouillard impénétrable à la lumière télégraphique sur une étendue de plusieurs stations, ce qui arrêterait complètement la marche de la dépêche ou la retarderait peut- être de plusieurs jours. Pour ces cas-là et seulement dans les temps d’urgence il y aura à chaque station un relais de deux chevaux et un domestique pour les servir. Celui-ci trouvera son logement et son lit (lit du desservant) dans la chambre K, et ceux-là dans une seconde écurie. Ce relai sera employé de la manière suivante : Dès qu’un poste recevra le premier chiffre d’une dépêche dans un temps où il sera impossible de la transmettre plus loin, l’écrivain l’écrira en deux exemplaires et le chef du poste ordonnera sur le champ au domestique d’atteler promptement les chevaux au chariot ou au traîneau. Alors dès que la

dépêche sera complète, l’écrivain la remettra dans une poche de cuir au domestique pour la transporter avec la plus grande célérité au poste prochain, qui la transmettra avec la même célérité an poste suivant, celui-ci de même, etc. jusqu’au premier poste où la transmission télégraphique sera possible. Pour cet effet, dès que l’on s’apercevra à un poste que les opérations sont impossibles de côté ou d’autre, le valet harnachera ses chevaux, et mettra son équipage hors du hangar pour atteler dans le plus court temps possible, dès qu’il arrivera une dépêche, et annoncera de plus loin que possible son arrivée au poste suivant par le son d’un cor de chasse, qui se trouvera toujours dans l’équipage, pour ne pas être oublié. De cette manière les dépêches arriveront à leur destination avec une vitesse presque double de celle des courriers ordinaires.

La fonction de télégraphiste est une fonction très pénible, quoiqu’elle n’en ait pas l’air. L’isolation loin des demeures des hommes, l’ennui qui naît d’une si grande uniformité d’activité, la fatigue des yeux, l’attention forcée et continue à être toujours prêt au service, la responsabilité, tout concourt à rendre la

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vocation télégraphique très pénible. Il est donc juste de tâcher de l’adoucir autant que possible. Voici quelques propositions auxquelles tout gouvernement, qui veut être bien servi dans un emploi où tout dépend du zèle des coopérateurs, peut souscrire :

a) On construira à chaque poste une troisième écurie dans laquelle la petite colonie entretiendra deux vaches à ses frais pour se procurer du lait.

b) On adjugera un petit canton de pâturage pour ces deux vaches.

c) On donnera un espace de terrain proportionné pour un jardin potager que les télégraphistes cultiveront eux-mêmes afin de se procurer surtout des choux pour l’été et l’hiver. Quelques pommiers et cerisiers augmenteront l’agrément de ce jardin.

d) Chaque télégraphiste recevra, outre son traitement de soldat un traitement journalier de 25 ou 50 kopecks, dont la moitié lui sera délivrée pour servir en commun (en russe: artel) à se procurer plus d’aisance dans la nourriture, et l’autre moitié sera déposée dans la caisse commune sous le nom de chaque télégraphiste. Si au bout de l’année l’artel a fait des épargnes elle seront partagées en parties égales et déposées à la caisse commune.

e) Le service du télégraphe sera censé service militaire : mais les télégraphistes ne seront tenus qu’à un service de 10 ans. Si après ces 10 ans ils veulent s’engager à un nouveau terme de 10 ans, ils le pourront. Dès qu’ils quitteront le service, au premier ou au second terme, on délivrera à chacun son petit capital accumulé dans la caisse commune, pour en jouir en homme libre (comme le soldat après sa capitulation échue) où il voudra. S’il meurt avant ses 10 ans révolus, la somme qui lui revient sera délivrée à sa famille. Pour cet effet il sera déposé dans la caisse commune une feuille pour chaque télégraphiste qui contiendra le nom et la demeure de sa famille, sur laquelle il peut ajouter ses intentions touchant l’emploi de cette somme et nommer un héritier particulier, à l’exception de toute fondation pieuse.

j) Les télégraphistes ne seront pas soumis aux punitions corporelles, mais on punira les fautes par des retran- chements d’une semaine de cette moitié de la paye qui est destinée à la cuisine journalière, et l’artel ne les laissera pas prendre part à ses repas, en ne lui accordant que son traitement militaire. Il est à la vérité à prévoir que l’artel n’exercera guère cette sévérité ; mais comme alors les fautes d’un seul retomberont sur les 8, ce sera l’artel entier qui sera puni, el ce sera un motif d’engager les négligents à se

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corriger; ce qui constitue la meilleure police imaginable.

g) Si un télégraphiste manque à son devoir trois fois dans une semaine, il sera renvoyé à son régiment en lui payant le capital qui lui revient de la caisse commune. Si un télégraphiste s’adonne à la boisson, il sera renvoyé au régiment avec perte de son capital, qui sera partagé à tous les postes de la ligne, et non uniquement entre les 7 autres télégraphistes du poste, afin qu’ils ne soient pas tentés par intérêt d’inculper à faux un camarade.

h) Les sentences, qui condamnent un télégraphiste à être renvoyé ne peuvent pas être portées, comme les autres, par l’officier de révision seul ; mais il faut l’assentiment d’au moins trois des camarades non coupables. Dans le cas où un accusé aurait 4 voix en sa faveur, l’officier d’inspection en fera rapport à son major qui nommera deux autres officiers pour examiner la chose, et faire rapport à celui-ci, qui donnera la décision.

i) Près du 16e, 32e, 48e, etc. poste seront des maisons contenant chacune le logement de deux officiers d’inspection avec toutes les commodités nécessaires pour

eux et leurs familles, avec deux jardins potagers et fruitiers et un bosquet pour leur récréation. On réunira ainsi deux logements pour que leurs habitants jouissent de l’agrément de quelque société.

k) Le poste du milieu entre deux maisons sera celui ou les officiers des deux côtés se rencontreront à des jours, et des heures fixes pour échanger leurs dépêches.

l) Le gouvernement accordera à l’officier d’inspection le triple de ses appointements de lieutenant.

m) Cet officier avancera en grade, comme s’il était à l’armée et conservera le triple des appointements de son rang jusqu’au grade de capitaine inclusivement.

n) Outre les denchtchiks (desservants soldats) dûs à son rang il en aura un en sus pour ses courses.

o) Si, devenu major, il veut rester officier télégraphique, ses appointements n’augmenteront plus.

p) Le gouvernement lui fournira deux chevaux avec leur fourrage, un équipage d’été et un d’hiver et une

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somme fixe pour les réparations. Les chevaux et les équipages seront renouvelés tous les 10 ans. Les chevaux et les équipages réformés appartiendront à l’officier.

q) Les deux inspecteurs généraux percevront le triple de leurs appointements de major, avanceront en grade, comme s’ils servaient à l’armée et jouiront des appointements triples des grades supérieurs jusqu’à celui de colonel inclusivement S’ils veulent servir plus longtemps près des télégraphes, leurs appointements n’augmenteront plus. Le gouvernement leur accordera pour leurs voyages 4 chevaux avec leur fourrage et les équipages, et une somme fixe pour les réparations. La remonte des uns et des autres aura lieu tous les 10 ans. Les chevaux et équipages réformés leur appartiendront.

IX. Du télégraphe de M. Chateau.

Ce télégraphe est apparemment le même dont il a paru une annonce dans une feuille publique de France en 1832. En voici la construction autant que nous avons pu nous en instruire :

1) Le volant a en tout 8 pieds de longueur et 5 à 6 pouces de largeur, ainsi à peu près la même proportion que le télégraphe de Chappe. Son gros

bout est un carré d’environ 22 pouces, construit en forme de jalousies.

Observations. Ce volant a donc, d’après les principes que nous avons posés, beaucoup moins de largeur qu’il ne faut pour sa longueur. Si par contre cette largeur est suffisante pour offrir au télescope une image bien distincte, le gros bout a une surface beaucoup plus grande qu’il ne faut. Une surface de 16 pouces de longueur et 5 à 6 pouces de largeur lui suffirait. En outre nous avons prouvé que la construction en jalousies n’a aucune utilité, et M. Chateau paraît l’avoir senti, puisque le reste de son volant, la partie étroite, celle qui a le plus besoin d’apparence est une surface unie. Cette contradiction est d’autant plus frappante que M. Chateau parait avoir voulu égaliser la surface du gros bout avec celle de la partie étroite.

Il paraît que M. Chateau n’a pas saisi la raison pourquoi Chappe a donné si peu de largeur à son télégraphe. C’était évidemment pour avoir de plus petites masses à mouvoir; car des masses d’un poids triple auraient apporté de grandes difficultés dans l’exécution du mouvement. Nous ne connaissons pas la construction du télescope que M. Chateau a employée. Le télescope qui nous a servi aux expériences nous ont convaincu que, lors d’une

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transparence moyenne de l’atmosphère, l’image de notre télégraphe était bien nette à une distance de 10 w. et était encore sensible par une forte bouffée de neige à la même distance. Nous pouvons donc considérer la proportion de la largeur de notre volant à ce pouvoir du télescope, comme une proportion dont on ne devrait pas s’écarter considérablement.

Or en supposant la largeur de notre volant = 18 pouces, la distance entre les deux postes télégraphiques = 10 w. (distance moyenne que nous avons statuée pour notre télégraphe) la proportion de la largeur de l’objectif à la distance des points d’observation sera = l : 22000.

Pour le télégraphe de M. Chateau, dont la largeur soit 5½ ponces et la distance moyenne des postes = 8 w. cette proportion est = 1 : 57600.

Donc la visibilité (purement optique) si elle doit être égale de part et d’autre, suppose dans le télescope de M. Chateau une amplification bien plus que double de celle de notre télescope, la proportion de 2 6/10? à 1. Donc l’amplification de celui de M. Chateau doit être de 78 au lieu de 30, si l’objet doit être vu sans le même angle visuel de 8½ secondes.

Or comme la quantité de lumière diminue dans

deux télescopes de même structure en raison des carrés des amplifications, il faut en conclure que le télescope de M. Chateau n’enverrait à l’oeil de l’observateur que (?)2 ou environ ¼ de la lumière que l’objet réfléchit à l’oeil armé de notre télescope.

Par contre les stations moyennes du télégraphe de M. Chateau ne sont que de 8 werstes et les nôtres de 10 w. ; ce qui donne à celui-là un avantage sur celui-ci. Mais les télescopes terrestres ordinaires (télescopes de Rheita) ont par contre 4 lentilles convexes dans le tube de l’oculaire, dont chacune soustrait à l’oeil une quantité notable de lumière, tandis que le nôtre (télescope de Galilée) n’a qu’une lentille oculaire concave qui absorbe moins de lumière qu’une lentille convexe.

Supposant donc que cet avantage ne compense pas entièrement l’effet de l’opacité d’une couche d’air de 2 werstes, l’on peut toujours admettre qu’à 10 wersles de distance notre télescope, combiné avec notre télégraphe, fournira à l’oeil une masse de lumière 5 à 6 fois plus grande que le télescope de M. Chateau combiné avec son télégraphe n’en fournira à 8 w. de distance ; et nous avons encore en sus l’avantage de l’écartement de la lumière diffuse bien plus parfait que dans le télégraphe de M. Chateau et isolément de l’observateur, impossible dans la

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manoeuvre proposée par cet ingénieur-télégraphiste. Ainsi lorsqu’un brouillard, une pluie, une chute de neige, arrêteront (?) de la lumière, qui arrive au télescope par un temps clair, l’on observera dans notre télégraphe à 10 werstes de distance au moins avec la même sûreté que dans le télégraphe de M. Chateau par un temps clair à 8 w. de distance.

2) M. Chateau donne une couleur noire aux volants de tous ses télégraphes, comme la couleur qui se profile avec le plus d’avantage sur le ciel, et cherche autant que possible des positions où ce profilement peut avoir lieu. Dans tous les autres cas où cela ne peut se faire sans gêner le choix des postes qui doit être le plus libre que possible (le terrain offrant d’ailleurs assez de difficultés dans ce choix) alors le télégraphe de M. Chateau n’est plus un télégraphe simple et libre comme le nôtre ; mais il est double ; il en faut deux à chaque poste, dont chacun se profile sur une des faces peintes en blanc du bâtiment.

Observations. Cette complication de deux télégraphes est certainement un défaut. Le nôtre est toujours simple et libre parce que sa couleur se règle sur le fond, sur lequel il se profile. La couleur foncée du fond relève d’autant plus le blanc du volant que celui-ci est bordé d’une bande de noir qui dessine parfaitement la figure à l’oeil de l’observateur, et l’on

sent qu’il est plus facile et moins coûteux d’entretenir la couleur d’un volant du blanc le plus brillant que la surface de deux côtés du bâtiment. L’expérience prouve décidément en notre faveur. M. Chateau est forcé de réduire à 6 werstes sa station télégraphique pour tous ces cas, tandis qu’a Dorpat nous observions avec toute sûreté notre télégraphe à une distance de 10 w., dont le volant se profilait sur des objets terrestres. Bien plus, nous avons observé après le coucher du soleil (entre chien et loup), lorsque M. Pauker avait cru devoir allumer déjà les lanternes pour commencer le signalement de nuit, non seulement les trois flammes simples des lanternes très distinctement mais aussi le volant lui-même encore très bien dessiné. C’est sur cette expérience importante que nous fondons l’opinion que, moyennant trois bougies dans chaque lanterne il sera possible d’observer aux lanternes même de jour lorsqu’un brouillard empêchera de voir distinctement le volant.

3) Lorsque deux stations ne sont pas en ligne droite, M. Chateau diminue l’éloignement ordinaire qui est de 8 w., apparemment à cause de l’obliquité du volant aux deux directions. Il évite tous les angles de direction au-delà de 15 degrés, autant que possible. Pour les cas où de plus grandes obliquités sont inévitables (cas qui a lieu deux fois sur la petite ligne

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de Pétersbourg à Cronstadt) M. Chateau établit très près de chaque poste deux petits télégraphes répétiteurs.

Observations. Voila donc une seconde cause qui force M. Chateau de diminuer la longueur des stations. Dans notre système télégraphique ces deux causes n’existent pas. Nous n’avons pas besoin de raccourcir nos stations et moins encore de télégraphes répétiteurs.

4) La distance moyenne entre deux postes (la station) est de 8 werstes dans le système télégraphique de M. Chateau, et il existera, comme nous venons de le voir des cas très fréquents (lorsque le télégraphe se profile sur des objets terrestres et lorsque les directions de 2 stations feront un angle de plus de 15 degrés) où cette distance devra être réduite à 6 w.

Observations. Dans notre système, la station moyenne est de 10 w. Cette différence n’offre pas seulement l’avantage de gagner deux stations sur dix ; mais elle nous en offre un nouveau relativement au relief du terrain. L’on aura peut-être souvent le cas où une élévation du terrain, ou bien une grande forêt s’étendent comme une lisière entre deux points qui pourraient servir de postes et empêchent la vision

d’un de ces points à l’autre. Il faudra donc faire un détour, qui offrira un angle de direction de plus de 15°. Si la distance de la station a qua, au point ou le monticule ou bien la forêt cessent d’avoir une hauteur nuisible, dépasse 6 werstes, il faudra deux postes, au lieu que si cette distance est de 10 werstes, un seul poste suffira. Il en est de même au révéré du monticule.

5) M. Chateau donne à ses lanternes des réverbères perpendiculaires.

Observations,. Nous avons prouvé que les réverbères n’ont ici aucune utilité et par contre l’inconvénient de forcer à donner 6 lanternes pour chaque télégraphe, tandis que trois de nos lanternes sans réverbères suffisent, parce qu’elles éclairent également de chaque côté. L’on épargne par-conséquent la moitié des frais d’entretien, qui se monteront à environ 1 Rbl. par jour pour chaque télégraphe à 3 lanternes, et par conséquent annuellement à 36500 R. pour 100 de nos télégraphes de M. Chateau*), dont les bougies (tout d’ailleurs étant égal) ne fourniront pas une lumière aussi vive que celle des nôtres, parce que les lanternes de M. Chateau n’ont pas de ventilateurs et sont en outre beaucoup plus volumineuses.

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*) L’on objectera peut-être que le gouvernement n’occupera pas les télégraphes pendant chaque nuit. Fort bien ; mais il faut cependant que les bougies soient allumées toutes les nuits ; car si on voulait ne les faire allumer que chaque fois qu’une dépêche arrive, l’on perdrait au moins 3 minutes par télégraphe ou 5 heures sur 100 postes ; et (ce qui est bien plus important encore) au bout de quelques heures il peut s’établir un brouillard qui rendrait toute observation et par conséquent toute expédition de dépêches peut-être pendant plusieurs jours impossible. Il faut saisir tous les moments de temps favorable, surtout dans un pays où les temps défavorables sont si fréquent.

De plus, malgré ce grand volume, elles ne sont pas optées à recevoir trois bougies pour les cas urgents où de légers brouillards empêcheraient l’expédition si l’on n’avait que deux bougies.

6) Le mécanisme de M. Chateau pour mouvoir le volant de ses télégraphes libres, c’est-à-dire de ceux qui se profilent sur le ciel (celui des autres ne nous est pas connu) consiste en une manivelle fixée à l’axe du volant et en une bielle (perche ou latte) adaptée au bout de cette manivelle. Le télégraphiste en saisit le bout inférieur et le place sur les 8 points cardinaux d’un disque circulaire, homologues aux 8 positions du volant. Observations. Ce mécanisme est simple et

peu coûteux, mais il a deux défauts. Le premier est d’offrir de la difficulté dans le mouvement lorsqu’il faut partir des deux points (l’inférieur et le supérieur) qui sont dans la verticale du centre de mouvement, pour placer le volant dans une autre position. Cette difficulté exige un plus grand emploi de force et produit des saccades dans le mouvement. En outre le poids de la bielle se trouve tantôt favorable et tantôt contraire au mouvement, selon qu’elle doit monter ou descendre, et contribue à le rendre inégal, et augmente la difficulté d’arrêter le volant à la position prescrite *).

*) Au reste, le poids de la bielle peut se compenser par un contrepoids égal. Nous ignorons si cela a eu lieu.

Le second inconvénient de ce mécanisme est qu’il exige dans le toit et le plafond du bâtiment une ouverture considérable pour le jeu de la bielle, ouverture qui permet à la pluie, à la neige et au vent de s’introduire dans le bâtiment, rend le chauffage presque inutile et expose les télégraphistes aux intempéries de l’air. Notre mécanisme à deux poulies avec une chaîne est à la vérité beaucoup plus coûteux, mais il se meut par une force constante, produit un mouvement uniforme, et met les télégraphistes à l’abri des intempéries de l’air.

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Si M. Chateau voulait renfermer sa manivelle et sa bielle dans une caisse pour soustraire l’intérieur du bâtiment aux influences atmosphériques, la largeur de cette caisse serait de beaucoup plus grande, que la largeur de son volant et en couvrirait plus de la moitié de la longueur dans les positions verticales.

7) Le télégraphe de M. Chateau ne livre que 2 signaux par minute.

Observations Le nôtre en livre 6 lorsque le temps est tant soit peu favorable et 4 lorsque le temps est très défavorable. Prenons 5 pour nombre moyen (ce qui est réellement trop peu) et la fréquence des signaux sera 2 1/2 fois aussi grande, que dans le système de M. Chateau. Si nous ajoutons à cela que le nombre de nos télégraphes pour la même ligne n’est que 8/10 ou 4/5 de ceux de M. Chateau, la proportion de la vitesse avec laquelle une dépêche arrive à son but dans mon système et dans celui de M. Chateau sera presque de 3 1/3 à 1. Nous ne voulons pas appuyer sur ce qu’il n’est pas indifférent pour la marche des affaires qu’une dépêche, qui n’exigerait qu’une heure pour arriver, par exemple de Pétersbourg à Varsovie par nos télégraphes, exigera 3 heures et 18 minutes par ceux de M. Chateau, nous retournons à la considération des brouillards, dont il peut s’en établir un dans le surplus de 2 heures et 18

minutes qui arrêterait l’expédition pour un temps illimité.

Les causes, qui motivent cette grande lenteur d’expédition dans le système de M. Chateau sont probablement son mécanisme, dont nous avons fait voir les défauts, la réunion de deux observations, de l’exécution du signal et de l’écriture du journal sur un seul télégraphiste, la difficulté de distinguer avec sûreté les signaux d’un volant si étroit et la manoeuvre des télégraphes répétiteurs.

8) Le système de M. Chateau n’admet que 8 positions de son télégraphe. D’où il suit, que dans le chiffre alphabétique ces 8 signaux ne suffiront pas pour représenter toutes les lettres de l’alphabet nécessaires, et que plusieurs devront être représentées par deux signes. Quant à la méthode cryptographique, nous avons déjà vu, que dans le système de 8 signes l’on aurait 1300 mots à exprimer par 4 signes de plus que dans le système de 12 signes. Ainsi le temps nécessaire pour transférer une dépêche, de même pour la chiffrer et la déchiffrer, sera plus long dans le système de 8 que dans celui de 12 signes.

9) Enfin la partie administrative du système de M. Chateau nous paraît avoir le défaut d’exiger trop

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d’employés. Voici le tableau comparatif des employés nécessaires pour la ligne de Pétersbourg à Varsovie.

Selon M. Chateau :        Selon nous ;

Administrateur .......... 1 Inspecteurs généraux ....... 2

Inspecteur général .... 1 Officiers d’inspection ....... 14

Directeurs ................. 6                    Total               16

Sous-directeurs ......... 6

Inspecteurs divisionnaires .. 14

Total ........................... 28

Nous avouons ne pas concevoir à quoi peuvent servir les 6 directeurs et les 6 sous-directeurs, nos deux inspecteurs généraux, chacun à un bout de la ligne, peuvent facilement suffire à tout. Plus on multiplie les rouages de l’administration, plus elle s’embrouille et l’état paye de grands frais ou solde très mal ses employés, et tant de monde étant responsable personne ne l’est en effet. Peu de travailleurs, mais bien payés: telle doit être la maxime de l’administration.

Pour balancer les avantages nombreux de notre

système télégraphique celui de M. Chateau n’en offre qu’un seul : le moins de frais qu’exigé la construction des machines télégraphiques. Examinons la chose de près. La nôtre, le tout évalué aux plus hauts prix de Pétersbourg, coûtera 527 roubles, soit 600 roubles. Celle de M. Chateau peut être évaluée au quart, soit 150 r. Le gain sera donc de 450 r. par machine et par conséquent de 45000 r. pour 100 machines. Mais dans notre système nous avons sur 100 postes 20 postes de moins que dans le système de M. Chateau. Soient donc les frais d’un bâtiment télégraphique moyen qui aurait de un à cinq étages (M. Chateau prévoit que l’on sera obligé de donner à plusieurs bâtiments une hauteur, qui ira jusqu’à 70 pieds) seulement de 3000 r. et les frais de sa machine télégraphique 150 r., en tout 3150 r., les 20 postes de moins produiraient en frais de construction une épargne de 63000 r. pour les 45000 que nos machines télégraphiques coûteraient de plus.

Nous avons indiqué plus haut, que les frais d’entretien annuel de 50 hommes de plus sur 100 postes dans notre système sont compensés par l’avantage économique de nos lanternes sur celles de M. Chateau. Le calcul en est facile : Nous avons déjà vu, que les frais des bougies pour les 6 lanternes de 100 télégraphes de M. Chateau s’élèveront annuellement à 73000 r. Dans notre système il ne

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faut, pour la même distance, que 80 postes à 3 lanternes, ce qui coûtera 29200 r. Ainsi l’épargne serait de 43800 r. Or l’entretien d’un télégraphiste, c’est-à-dire sa nourriture et paye de soldat, son habillement et 1/2 r. de gratification par jour ne se monteront sûrement pas à 500 r. (pour ce prix on trouverait des milliers d’hommes libres très intelligents) et pour les 50 télégraphistes à 25000 r. Donc nous aurions dans notre système une épargne annuelle de 18800 r., dont une petite partie couvrira les frais des deux bougies de plus dans nos lanternes, que l’on n’allumerait que dans quelques cas extraordinaires et urgents.

Ainsi, notre système télégraphique loin d’être plus coûteux, soit pour l’établissement primitif, soit pour l’entretien, il offre des épargnes pour l’un et pour l’autre sur celui de M. Chateau. (sic)

(Source : Mémoires de l’Académie impériale des sciences de St.-Pétersbourg. 1838)

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