Historique et légistalion des transmissions


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SECT. 1. – HISTORIQUE ET LÉGISLATION.

1 à 9 - Historique des transmissions de l’antiquité à Chappe.

10. Mais l’art de la télégraphie n’a pris un corps et n’est véritablement passé de la théorie dans la pratique avec une valeur réelle et incontestable que depuis 1792. – Le 22 mars de cette année, Claude Chappe, neveu du célèbre abbé de ce nom, fut introduit à la barre de l’assemblée nationale et lui fit hommage d’une découverte dont l’objet était de communiquer rapidement à de grandes distances tout ce qui peut faire le sujet d’une correspondance. Il assurait que la vitesse de cette correspondance serait telle que le corps législatif pourrait faire parvenir ses ordres à nos frontières et en recevoir la réponse pendant la durée d’une même séance. – Cette communication souleva de nombreux applaudissement. A la suite d’un essai qui fut très satisfaisant, l’assemblée nationale décréta l’établissement d’une ligne télégraphique de Paris à Lille et les autres places de la frontière du nord. – Le 30 thermidor. An 2 (18 août 1794), Barrère monta à la tribune et apprit à l’assemblée que la nouvelle de la reprise du Quesnoy avait été apportée à Paris au moyen de cette ligne une heure après que la garnison y était entrée. – Le 30 nov. Suivant, Carnot lut à la

convention une missive laconique arrivée par le télégraphe et ainsi conçue : « Condé est rendu à la république, la reddition a eue lieu ce matin à six heures. » - La convention décréta que l’armée du nord continuait à bien mériter de la patrie et que ce décret lui serait porté par le télégraphe. Avant la fin de la séance la convention avait sous les yeux une dépêche expédiée de Lille à Paris et par laquelle on lui annonçait la réception de ce décret. Que l’on se reporte au temps où l’on n’était point accoutumé aux merveilles de la télégraphie et l’on comprendra l’enthousiasme qui éclata au sein de la convention. – L’avenir de la télégraphie était dès lors assuré.

11. Le télégraphe Chappe se compose d’une grande pièce nommée régulateur, et de deux petites appelées indicateurs. – Le régulateur est un rectangle allongé, traversé dans son milieu par un axe sur lequel il tourne librement et peut décrire un cercle dont le plan est vertical. On pourrait ainsi, au moyen de cette seule pièce, donner autant de signaux qu’elle pourrait prendre de positions distinctes. Mais, pour éviter toute confusion, Chappe a réduit avec raison ses positions télégraphiques à quatre, la verticale, l’horizontale, l’oblique de gauche à droite et l’oblique de droite à gauche, ces deux dernières inclinées l’une et l’autre de quarante-cinq degrés sur l’horizontale et sur la verticale. – Les deux indicateurs sont

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également deux rectangles, d’une longueur chacun du tiers environ du régulateur, fixés par l’une de leurs extrémités aux extrémités du régula- teur, de manière à décrire un cercle dont le plan est vertical et parallèle au plan du cercle que peut décrire le régulateur. Chaque indicateur prend, par rapport au régulateur, huit positions télégraphiques distinctes, dont l’une, celle qui forme le prolongement du régulateur, n’est pas usitée parce qu’elle n’est pas suffisamment visible.

En combinant ensemble les sept positions des deux indicateurs par rapport au régulateur dans une position télégraphique quelconque, on obtient quarante neuf-signaux. Mais comme le régulateur peut prendre quatre positions différentes, le nombre des signaux possible, au moyen de ce mécanisme, peut donc s’élever à cent quatre-vingt-seize. – En effectuant un certain nombre de ces signaux à la représentation des lettres de l’alpha- bet et des chiffres qui servent de base à la numération, on peut ainsi, par cette méthode appelée alphabétique, exprimer toutes les idées et tous les nombres imaginables. – Mais comme il faut au moins un signal pour exprimer chaque lettre et que le temps est, en télégraphie, l’élément qu’il faut le plus ménager, les frères Chappe ont cherché un moyen plus prompt de transmission. Ils ont consacré à cet effet

quatre-vingt-douze signes à exprimer les nombres depuis un jusqu’à quatre-vingt douze, et composé un vocabulaire de mots de quatre-vingt-douze pages, contenant chacune quatre-vingt-douze mots. Un premier signal indique la page du vocabulaire, un second signal indique le numéro du mot de cette page que l’on veut faire connaître : de telle sorte qu’on peut, par deux signaux, exprimer huit mille quatre cent soixante-quatre mots. – Ils ont fait en outre un vocabulaire phrasique formé également de quatre-vingt-douze pages contenant chacune quatre- vingt-douze phrases, lesquelles s’appliquent particulièrement à la marine et à la guerre. L’usage de ce vocabulaire nécessite un signe de plus pour indiquer l’emploi du vocabulaire phrasique. – Ils ont établi, enfin, un troisième vocabulaire, appelé géographique, qui contient des noms de lieux et renferme également huit mille quatre cent soixante-quatre numéros. – Depuis 1830, l’administration du télégraphe a fait refondre en un seul ces trois vocabulaires qui ont d’ailleurs été fort étendus.

12. Le gouvernement s’empressa de mettre au service des armées un auxiliaire aussi précieux. En 1798, on prolongea la ligne du Nord de Lille à Dunkerque, et l’on construisit la ligne de Strasbourg qui fut bientôt étendue jusqu’à Huningue. Dans la même année on décréta la ligne de Paris à Brest

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avec ramification sur Saint-Brieuc. L’année suivante, le Directoire commença la ligne du Midi, qui s’arrêta à Dijon et ne fut point mise immédiatement en activité. En 1803, la ligne du Nord fut prolongée à Boulogne et à Bruxelles, en 1809, à Anvers et Flessingues*, et en 1810, à Amsterdam. En 1805, Napoléon décréta la ligne de Paris à Milan, qui fut continuée jusqu’à Venise en 1810, avec un embranchement sur Mantoue. La Restauration construisit celle de Lyon à Toulon et de Paris à Boulogne. Enfin le gouvernement de 1830 termina le vaste réseau de télégraphes aérien qui couvrait la France avant l’application du système électrique. Ce réseau se composait de cinq grandes lignes qui, partant de Paris, aboutissaient, la première à Lille, Calais et Boulogne ; la seconde à Brest ; la troisième à Bayonne et à la frontière d’Espagne ; la quatrième à Toulon, et la cinquième à Strasbourg. La ligne de Paris à Toulon avait un embranchement de Dijon à Besançon. Celle de Paris à Brest, un embranchement d’Avranches à Cherbourg, et un autre d’Avranches à Rennes et à Nantes. Enfin une ligne secondaire joignait Bordeaux à Toulouse et à Narbonne, et se bifurquait de ce dernier point sur Perpignan, d’une part, et, de l’autre, sur Montpellier, Nîmes et Avignon où elle rejoignait la ligne principale de Paris à Toulon.

14. La vitesse de transmission des dépêches par le télégraphe Chappe variait suivant la distance. On pouvait passer, en moyenne, pour la correspondance ordinaire, quatre signaux par minute qui, formés au point de départ, étaient répétés aussitôt et successivement par tous les postes de la ligne. Un signal transmis de Paris arrivait à Lille en six minutes par vint-deux télégraphes, à Strasbourg en onze minutes par quarante-quatre télégraphes, à Brest en quatorze minutes par cinquante télégraphes, à Toulon en vingt-cinq minutes par cent télégraphes. Ces signaux, groupés deux à deux ou quatre à quatre représentaient des mots et principalement des phrases entières que le compositeur de la dépêche trouvait toujours dans le vocabulaire, qui offrait à cet effet les ressources les plus variées.

15. L’invention du télégraphe Chappe fit une grande sensation en Europe ; ses résultats extraordinaires, publiés par les journaux, étaient commentés en divers sens. – Ce n’était, selon les uns, qu’une ruse du gouvernement de la République pour détourner l’attention des projets important qu’elle méditait. D’autres, au contraire, accueillirent avec enthousiasme cette découverte. Mais là où elle était contestée, aussi bien que là où elle était admise, elle eut pour effet de stimuler partout la recherche de procédés télégraphiques plus parfaits que ceux dont

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on s’était servi jusqu’alors. – C’est en Suède que les travaux dirigés dans ce but furent les premiers couronnés de succès ; mais c’est surtout en Angleterre que la découverte de Chappe émut les esprits. Les Anglais, toujours si prompts à adopter tout ce qui peut les servir dans leurs projets, ne perdirent pas de temps pour faire des établissements analogues. De nombreux postes télégraphiques furent bientôt construits de Déal à Portsmouth à Falmouth, et de ces deux points à Londres. Aucun bâtiment ne pouvait se montrer aux deux extrémités de la Manche sans que l’avis en parvint sur-le-champ à l’amirauté de Londres. – Les Anglais surveillaient ainsi pendant les premières guerres de la République tout ce qui se passait sur les côtes de France. C’est ce moyen de communication qui, après leur avoir rendu depuis le commencement de la guerre des services innombrables, servit si bien l’amiral Duncan en l’avertissant à point nommé de la sortie de l’escadre hollandaise et du moment où il fallait envelopper le brave et malheureux Winter.

16. La découverte de Chappe ne fut appliquée que dans une partie de l’Allemagne. La Prusse fit choix d’un autre procédé qu’elle employa pour la première fois en 1832, entre Berlin et Trêves. – Le gouvernement russe chercha sans succès pendant plus de trente années un mode de correspondance

télégraphique. C’est seulement à la suite de la révolution de juillet, qu’un employé de l’administration des télégraphes français vient doter l’empire du Czar* de la découverte cherchée depuis si longtemps.

Bientôt après deux lignes télégraphiques, établies d’après le système Chappe légèrement modifié, relièrent Saint-Pétersbourg à Cronstadt et à Varsovie. – Vers 1830, le gouvernement ottoman fit demander au gouvernement français un modèle du télégraphe Chappe. Ce modèle ne fut jamais employé, et la Turquie a toujours été privée de télégraphe aérien. – Une semblable demande, faite quelque temps après par le vice-roi d’Egypte, Méhémet-Ali*, ne resta pas stérile. Une ligne télégraphique en tout semblable aux lignes établies en France, fut construite en 18401 entre le Caire et Alexandrie. – Le bey de Tunis a suivi cet exemple, et voulu, lui aussi, avoir ses lignes télégraphiques. En 1847, un employé du gouvernement français fut autorisé à aller en diriger l’établissement, et la régence tunisienne jouit depuis ce moment de ce moyen de communication.

17. Le télégraphe Chappe, naguère si actif sur toute l’étendue de la France, n’est plus aujourd’hui qu’un simple appareil historique. Il domine encore quelques tours de Paris et les monts voisins, mais son rôle mystérieux est fini. La pensée de l’homme a

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cessé d’agiter ses ailes, et s’il se survit encore, ce n’est plus que par le souvenir de ses triomphes passés. – Inventé depuis un demi-siècle à peine, le télégraphe aérien avait reçu cependant de grands perfectionnements ; il était même sur le point de voir doubler son utilité et ses services par l’adoption de signaux de nuit. Mais en même temps que l’invention des chemins de fer venait d’ouvrir ses communications rapides, l’application de l’électricité à la télégraphie, en dotant la pensée humaine d’une voie de transmission incomparablement supérieure, est venue arrêter ce nouveau développe- ment.

18 à 37 Historique sur l’électricité et la télégraphie électrique.

38. La substitution du télégraphe électrique au télégraphe aérien n’a point eu lieu sans difficultés ni débats. – En 1840, lors de la demande d’un crédit de 30.000 fr. à la chambre des députés pour un essai de télégraphie de nuit, M. Arago, qui entrevoyait parfaitement l’avenir prochain du télégraphe électrique, se prononça contre l’allocation de ce crédit par le motif que l’on était à la veille de voir disparaître, non-seulement les télégraphes de nuit, mais encore les télégraphes de jour alors en usage, et qu’il valait mieux faire des expériences de télégraphie au moyen de l’électricité. – Mais M. Pouillet, qui était rapporteur

du projet de loi de ce crédit, était loin de partager les vues de M. Arago sur l’application prochaine de ce mode de communication. « Pour ce qui regarde la télégraphie électrique, disait-il (V. Mon. 3 juin 1842), cette question n’a pas échappé à la commission spéciale de la chambre des députés : et quant à présent, il nous aurait paru peu convenable, peu rationnel de demander des fonds pour faire des expériences de télégraphie électrique. » Et après avoir énuméré les difficultés pratiques que présenterait, selon lui, ce moyen de correspondance, il concluait en disant qu’il était sage d’attendre et d’exclure, quant à présent, la télégraphie électrique. Six années plus tard, et alors que la ligne de Paris à Rouen fonctionnait déjà depuis plus d’une année, le docteur Jules Guyot, dans un rapport adressé à la chambre des députés le 30 avril 1846, faisait les plus grands efforts pour combattre l’établissement des télégraphes électriques. « Autant, disait-il, comme étude de physique, comme application de grand luxe à quelques besoins de vastes établissements, la télégraphie électrique est intéressante, autant elle est ridicule au moyen de gouvernement...,car fonctionnât-elle dans la perfection, ce qui est loin d'être démontré, elle est sans protection possible et laisse le pouvoir à la merci des plus légères excitations populaires et des moindres caprices du premier mauvais sujet venu...

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Ayez donc en ce moment une télégraphie électrique dont les fils traversent les environs de Saint-Étienne ou de Lyon, comme le fait la ligne (aérienne) de Paris à Toulon! Ayez donc à soutenir une guerre vendéenne, une invasion quelconque! Ayez à suivre les opérations d'une armée, soit qu'elle avance, soit qu'elle recule! Avec la télégraphie aérienne, vous suivrez vos dépêches de clocher en clocher, de postes en postes; jamais le gouvernement ne manquera de communication avec les foyers d'incendie ou les théâtres de guerre. Mais que peut-on attendre de misérables fils dans de pareilles circonstances ?

Aussitôt que l'importance de la télégraphie électrique sera connue, beaucoup de jeunes fous, beaucoup d'ivrognes, beaucoup de vagabonds couperont, arracheront, tortilleront les fils, entrainés par ce penchant naturel aux esprits incultes ou indisciplinés de produire de grands effets par de petits moyens. Mais à ce grand nombre il faut ajouter les individus isolés, agissant dans un but déterminé ; les réfractaires, les banqueroutiers frauduleux, les criminels de toute nature échappant par la rapidité du chemin de fer à la vindicte publique et s'assurant une avance sur la justice par la section des fils télégraphiques ; les individus isolés agissant par vengeance contre les vexations administratives

méritées ou non méritées ; enfin les individus agissant sous les préoccupations politiques, espérant nuire au gouvernement ou servir le pays. » Et le docteur Jules Guyot concluait en disant qu'il ne pourrait s'empêcher de regarder comme un acte déplorable, comme un acte d'idiotisme, le remplacement de la télégraphie aérienne par le télégraphe électrique.

Les mêmes idées ont été exprimées, les mêmes craintes éprouvées par M. l'abbé Moigno dans la seconde édition de son remarquable ‘Traité de télégraphie électrique’ publié en 1852. Dans la première édition de son ouvrage, cet auteur avait pensé cependant que la télégraphie électrique devait remplacer la télégraphie aérienne comme la télégraphie gouvernementale. Il est curieux d'entendre avec quel accent de regret ce savant revient sur cette pensée: « C'était une illusion, dit-il, que j'ai fait partager à d'autres; mais je reconnais franchement que je m'étais grandement trompé. Si je pouvais croire que mon enthousiasme pour la télégraphie électrique pût être quelque chose dans la destruction violente et inconsidérée des lignes de télégraphie anciennes, je me le reprocherais comme un malheur... Ce serait commettre de sang -froid une faute énorme, irréparable que de supprimer les lignes de télégraphie aérienne et de répudier complètement

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la grande œuvre de Chappe pour établir la télégraphie télégraphique. » Et plus loin: « 9 mars 1851! L'acte d'idiotisme est consommé ! L'abdication est signée ! La télégraphie aérienne de Paris à la frontière du nord n'existe plus ! Le télégraphe Chappe a cessé de couronner la tour de l'administration centrale ! »

L'expérience a démontré combien étaient fausses les prévisions de ces savants. Le télégraphe électrique......... Quant au cas de guerre et d'invasion, la destruction des postes d'une ligne aérienne par l'ennemi serait non moins facile que celle d'une ligne électrique et bien autrement irrémédiable. Le bris des fils électriques, même en plusieurs endroits, serait promptement réparé et la communication bientôt rétablie. Détruisez, au contraire, un seul poste aérien, la ligne tout entière est frappée de paralysie.

39. Naguère encore l'usage du télégraphe était exclusivement réservé au gouvernement, et ce n'est que très récemment que l'industrie et le commerce ont réclamé et obtenu le bénéfice de ce mode de communication. La question de savoir si l'on devait permettre aux particuliers d'établir librement des télégraphes, se présenta pour la première fois en France en 1833. Jusqu'alors, aucune disposition législative n'avait interdit aux particuliers

la transmission de signaux télégraphiques. La convention, l'empire, la restauration elle-même n'en avait senti le besoin. Ces gouvernements s'étaient contentés d'un monopole de fait que personne n'aurait osé leur contester. Mais après 1830, il en fut autrement : des entreprises particulières revendiquèrent cette faculté qui n'était déniée formellement par aucune loi et établirent des télégraphes privés.

En présentant le projet de loi du 2 mai 1837, destinée à, réprimer ces entreprises et à assurer le monopole de l'État, le ministre disait qu'au gouvernement seul devait appartenir l'usage des signaux télégraphiques ; que si des compagnies particulières pouvaient user de ce mode de communication, les factieux y puiseraient bientôt le moyen de réaliser leurs projets ; qu'à la vérité les nouvelles transmises jusqu'alors par ces compagnies avaient été purement commerciales et que la politique était restée étrangère à ces essais. Mais qui peut assurer, ajoutait-il, qu'il en serra toujours ainsi ? Comment ne pas craindre qu'elle ne s'empare de ce levier puissant une fois qu'il aura été créé ? Examinant ensuite s'il ne serait pas possible de concilier les intérêts de l'ordre public avec ceux de l'industrie en organisant auprès des télégraphes particuliers une surveillance propre à rassurer le

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gouvernement, le ministre déclarait que ce contrôle était impossible. - Les considérations sur lesquelles le ministre se fondait tendaient à établir que la nature même des choses s'opposait pour toujours à ce que l'usage du télégraphe fût accordé au public. Il y avait évidemment de l'exagération dans cette thèse : nous voyons, en effet, par ce qui se passe aujourd'hui, qu'on pouvait parfaitement concilier, en conférant cet usage, la sureté publique avec les intérêts privés. Aussi une grave objection fut présentée contre ce projet de loi. Si l'on refuse, a-t-on dit, l'usage du télégraphe aux particuliers, on doit, pour être conséquent, appliquer le même principe à tous les moyens de communication, aux routes, aux chemins de fer, à la poste; car ces moyens de communication sont ouverts à tous les adversaires du gouvernement ; la poste est au service de tout le monde ; elle porte les instructions des sociétés secrètes pêle-mêle avec la correspondance des préfets. Pourquoi en serait-il autrement des télégraphes ?

Le ministre n'a pas voulu laisser cette objection sans réponse. Les raisons qu'il a fait valoir pour la combattre n'étaient que spécieuses au point de vue de l'usage de ce moyen de communication que le gouvernement aurait pu, dès ce moment et sans aucun danger ni pour lui ni pour la libre concurrence du commerce, mettre à la disposition du public (1).

1) C'est ainsi que le gouvernement de Suède a ouvert au public dès 1837, la ligne télégraphique aérienne de Stockolm à Furrsund. (sic)

Mais alors, comme aujourd'hui, elles étaient parfaitement fondées, ainsi que nous le verrons tout à l'heure, en tant qu'elles avaient pour objet de refuser aux particuliers le droit d'établir eux-mêmes des télégraphes sans autorisation. « Les voies ordinaires de communications sont ouvertes à tout le monde, disait-il ; il y a ici libre concurrence. Les intérêts peuvent lutter à armes égales contre les intérêts ; les nouvelles peuvent contrôler les nouvelles, la vérité et le mensonge, le poison et le contre-poison peuvent arriver en même temps. Mais le télégraphe ne se prête pas à cette liberté, à cette égalité, à cette simultanéité d'action ; il repousse cette concurrence ; par lui-même et nécessairement le télégraphe est un monopole parce qu'il est difficile que plusieurs lignes puissent s'établir et se soutenir sur une même direction, monopole parce qu'une ligne ne peut transmettre dans un seul jour qu'un nombre fort limité de signaux, monopole surtout parce que ces signaux se succèdent et que la seconde nouvelle ne peut arriver que quand la première a déjà produit tout son effet. Les intérêts d'ordre privé eux-mêmes, ajoutait-il, seraient compromis par la prétendue liberté qu'on revendique en leur faveur. Les avantages du

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télégraphe sont d'une telle nature qu'ils doivent être réservés au gouvernement, seul représentant de tous les intérêts généraux. Les privilèges dont il jouit ne sont pas des privilèges, car le gouvernement c'est tout le monde, et l'on peut dire sans paradoxe que le seul moyen d'empêcher le monopole, c'est de l'attribuer au gouvernement. » - Conformément à cette pensée, les chambres adoptèrent la disposition qui forme l'article unique de la loi du 2 mai 1837 et qui punissait d'un emprisonnement d'un mois à un an et d'une amende de 1.000 fr. à 10.000 fr. quiconque aurait transmis sans autorisation des signaux d'un lieu à un autre, soit à l'aide de machines télégraphiques, soit par tout autre moyen. - Aussitôt après la promul- gation de cette loi, les télégraphes privés existants n'ayant pas été autorisés, durent être et furent en effet supprimés.

40. Mais depuis l'invention des chemins de fer et de la télégraphie au moyen de l'électricité, ont a regardé dans tous les pays les communications électriques comme le complément obligé des voies ferrées.

TABLEAU DE LA LÉGISLATION RELATIVE AUX TÉLÉGRAPHES.

2 juillet 1793. - Décret qui prescrit des mesures pour la conservation du télégraphe du citoyen Chappe.

29 messidor an 3 (17 juillet 1793). - Décret qui ordonne l'établissement d'un télégraphe dans l'enceinte du palais national.

26 fructidor an 6 (12 septembre 1798). - Loi qui rapporte le précédent décret.

19 octobre – 1er avril 1830. - Ordonnance portant que le service des lignes télégraphiques continuera à être placé dans les attributions du directeur général des ponts et chaussées et sera administré par un administrateur et deux administrateurs adjoints (art. 2). Le premier est nommé par le roi et les seconds par le ministre de l'intérieur sur la présentation du directeur des ponts et chaussées (art. 3). Les autres emplois sont à la nomination du directeur des ponts et chaussées, après avoir entendu l'administrateur des lignes télégraphiques.

28 mai – 11 juin 1831. - Ordonnance qui place l'administration des lignes télégraphiques dans les

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attributions du président du conseil des ministres.

24 août – 11 septembre 1833. - Ordonnance portant règlement sur le service de la télégraphie.
- Nota. Cette ordonnance qui, par suite de la substitution des télégraphes électriques aux télégraphes aériens, ne peut plus recevoir d'application, déterminait les fonctions et attributions des divers employés, le mode de nomination et d'avancement, les traitements, frais de tournées et congés, les destitutions, suspensions, changements de résidence, l'uniforme des divers employés.

24 – 25 mai 1834. - Loi qui punit de la détention ceux qui dans un mouvement insurrectionnel auront brisé ou détruit des télégraphes, envahi des bureaux ou intercepté des correspondances télégraphiques (art. 9). - V. armes, n° 27, p. 252, note.

12 juin – 1er juillet 1835. - Ordonnance qui maintient les logements accordés à divers fonctionnaires et employés de l'administration des lignes télégraphiques.

2 – 6 mai 1837. - Loi sur les lignes télégraphiques.
Article unique. Quiconque transmettra, sans autorisation, des signaux d'un lieu à un autre, soit à l'aide de machines télégraphiques, soit par tout autre

moyen, sera puni d'un emprisonnement d'un mois à un an, et d'une amende de 1.000 à 10.000 fr. - L'art. 463 c, pén. est applicable aux dispositions de la présente loi. - Le tribunal ordonnera la destruction des postes, des machines ou moyens de transmission.

11 – 17 juin 1842. - Loi qui accorde un crédit extraordinaire pour dépenses relatives aux essais d'une télégra- phie de nuit.

4 – 27 décembre 1843. - Loi qui ouvre un nouveau crédit pour le même objet.

11 août 1844 – 28 mai 1845. -Ordonnance du roi portant que les quatre cinquièmes des places vacantes d'élèves – inspecteurs des lignes télégraphiques seront accordées à des élèves de l'école polytechnique (D. P. 46. 3. 117.).

3 – 10 juillet 1846. Loi relative à l'établissement d'une ligne télégraphique électrique de Paris à Lille et à la frontière de Belgique, et de Douai à Valenciennes (D. P. 46. 3. 117).

16 octobre – 5 novembre 1846. - Ordonnance qui ouvre un crédit extraordinaire pour l'établissement d'une ligne télégraphique de Bayonne à la Frontière d'Espagne (D. P. 47.3.7).

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10 août 1849. - Décret qui autorise M. Jacob Brett à établir un câble télégraphique sous-marin entre les côtes de France et d'Angleterre.

2 - TÉLÉGRAPHIE OPTIQUE OU AÉRIENNE.

61. La plupart des lignes du réseau télégraphique aérien qui couvrait la France avant l'établissement du service électrique sont aujourd'hui supprimées, et les derniers vestiges de la télégraphie aérienne en France se composent seulement d'un certain nombre de postes dans l'intérieur de Paris et dans les départements de la Seine et de Seine-et-Oise. Ces postes sont destinés à relier entre elles toutes les lignes électriques aux abords de la capitale dans le cas où le service de ces lignes viendrait à être arrêté. - Mais la télégraphie de Chappe est encore appliquée en Afrique, dans l'intérieur des terres.

62. La plupart des anciens postes aériens avaient été établis, soit sur les tours des églises, soit sur les points culminants appartenant ou aux communes ou aux particuliers. - Il ne paraît pas qu'il y ait jamais eu lieu de recourir à cet effet à la voie de l'expropriation pour cause d'utilité publique : l'État est toujours parvenu à s'entendre à l'amiable pour cet établissement. - L'établissement des postes sur les clochers a eu lieu généralement à la charge par l'état

d'entretenir de toutes réparations locatives la partie de la tour appropriée au service télégraphique, et de remettre les lieux dans leur état primitif s'il arrivait que ce service vient à prendre fin. Rarement une indemnité pécuniaire était stipulée au profit de la commune. - Lorsque la télégraphie aérienne fut supprimée, la plupart des communes dont les clochers des églises supportaient des télégraphes aériens ont demandé l'exécution de cette dernière clause et la restauration de ces édifices dans leur état ancien. Presque toutes ces demandes ont été accueillies favorablement, et le débat, lorsqu'il en a été soulevé, n'a porté que sur la question de savoir quel était précisément l'état ancien des clochers, ou sur le chiffre de l'indemnité à allouer, lorsque les communes consentaient à se charger elles-mêmes et sous leur propre responsabilité des travaux à faire à cette effet. Il s’est élevé, cependant, une difficulté de principe pour quelques postes créés avant le concordat et établis sur les clochers à une époque où les églises étaient une propriété nationale. Les communes intéressées ont demandé, comme les autres, à ce que l’État enlevât les constructions des postes télégraphiques et rétablit les clochers de leurs églises dans leur état primitif. Ces demandes n’ont point été et ne pouvaient être accueillies. Quelle que soit la solution que l’on donne à la question de savoir à qui des communes ou de l’État appartient la

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propriété des églises, dès que les postes ont été établis à une époque où les églises étaient incontestablement une propriété nationale, la remise de ces églises entre les mains des communes conformément à l’art. 12 du concordat du 18 germ. An 10, n’a pu avoir lieu que dans l’état où ces édifices se trouvaient alors, c’est à dire avec la servitude résultant de l’établissement du poste télégraphique.

63. L’établissement des postes aériens sur des terrains communaux ou privés a eu lieu moyennant une indemnité une fois payée ou une redevance annuelle. Il était généralement stipulé que le terrain sur lequel les postes étaient établis, ainsi que les matériaux de construction de ces postes, feraient retour aux propriétaires ou à leurs ayants droit, si le service venait à cesser. Cette dernière clause devait être et a été en effet interprétée dans ce sens qu’à la cessation du service de la ligne aérienne, ces constructions devenaient la propriété de celui qui possédait le terrain sur lequel ils se trouvaient, sans qu’il y ait lieu de lui appliquer les prescriptions de l’art. 545 c. nap., et de lui faire payer la valeur des matériaux employés. Quand au matériel télégraphique proprement dit servant directement ou indirectement à la transmission des signaux, il devait être remis à l’administration des domaines chargée d’en opérer la vente au profit de l’État.

64. Les règles qui président aujourd’hui à l’établissement et à l’entretien des postes télégraphiques aériens sont données par le décret du 27 déc. 1851. Elles ont surtout pour but d’assurer la régularité du service télégraphique aérien et de protéger ce service contre les interruptions que pourraient occasionner des obstacles accidentellement élevés sur le sol. - Les lignes de télégraphes aériens sont composées de postes placés à une distance moyenne de 8 à 10 kil. environ, et établis de manière que le rayon visuel, qui va de l’un à l’autre, ne soit arrêté par aucun obstacle. Cette condition assure un bon service tant qu’elle est remplie, et elle l’est toujours lorsque l’on construit une ligne. Mais avec le temps plusieurs obstacles peuvent s’interposer ou être interposés et entraver ou même empêcher le passage des signaux. Il importait donc de procurer à l’administration le moyen de rétablir promptement les communications télégraphiques en faisant disparaître les obstacles aussi rapidement que le permet tout le respect et les ménagements dus aux droits privés. L’art. 9 du décret du 27 déc. 1851 assure à l’administration ce droit pour l’enlèvement des obstacles qui surviennent sur les lignes télégraphiques aérienne déjà établies. - Ainsi, d’après cet article, lorsque, sur une ligne de télégraphie aérienne déjà établie, la transmission des signaux est empêchée ou gênée, soit par des arbres, soir par

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l’interposition d’un objet quelconque placé à demeure, mais susceptible d’être déplacé, un arrêté du préfet prescrit les mesures nécessaires pour faire disparaître l’obstacle, à la charge de payer l’indemnité qui est fixée par le juge de paix. Cette indemnité est consignée préalablement à l’exécution de l’arrêté du préfet. Si l’objet est mobile et n’est point placé à demeure, un arrêté du maire suffit pour en ordonner l’enlèvement (décret du 27 déc. 1851, art. 9). - Il résulte de l’objet même de cette disposition que l’application en doit être restreinte aux empêchements qui se manifestent postérieurement à l’établissement de ces lignes.

65. L’art. 9 précité du décret de 1851 distingue trois espèces d’obstacles : les constructions d’une nature permanente et qui ne sont pas susceptibles d’être déplacées ; les arbres et les objets placés à demeure, mais susceptibles d’être déplacés ; enfin les objets mobiles. Les premiers ne peuvent disparaître qu’en employant la voie ordinaire de l’expropriation pour cause d’utilité publique. Les seconds, c’est-à-dire les objets placés à demeure, mais susceptibles d’être déplacés, qui peuvent faire obstacle à la visibilité des postes aérien, sont : les fours à briques, les hangars, les abris pour bestiaux, les tentes, les arbres, les mâts, et enfin toutes les constructions légères qui peuvent être déplacées sans détérioration réelle et

sans priver le propriétaire ou le fermier du service qu’il en retirait (instr. min. du 25 nov. 1852). - Lorsqu’il y a lieu de faire disparaître un des obstacles placés dans cette seconde catégorie, les inspecteurs des lignes télégraphiques adressent un rapport au préfet pour lui indiquer le lieu où existe l’obstacle et les circonstances qui le rendent nuisible, ainsi que les efforts tentés pour obtenir du propriétaire qu’il consente à le faire disparaître. Sur ce rapport le préfet fait, s’il y a lieu, sommer administrativement le propriétaire de l’objet formant obstacle d’en opérer le déplacement, et, sur son refus, il prescrit, par un arrêté, les mesures nécessaires pour le faire déplacer ou disparaître. L’inspecteur des lignes télégraphiques ou l’un des agents de surveillance de ce service peut être chargé de l’exécution de cet arrêté (même instr.).

66. L’arrêté préfectoral doit, toujours aux termes mêmes du décret, réserver le payement préalable de l’indemnité. En cas de désaccord sur le chiffre de cette indemnité, des offres réelles devront être faites par voie administrative, par analogie à la sommation administrative, c’est-à-dire par l’arrêté préfectoral qui enjoint de faire disparaître l’obstacle à la partie intéressée, laquelle sera tenue de formuler ses prétentions dans un délai déterminé. En cas de refus, le conseil de préfecture, saisi par le préfet, statuera d’urgence (même instruct.).

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67. Les obstacles de la troisième catégorie, c’est-à-dire les objets mobiles, tels que meules à foin, les tas de gerbes, les voitures remisées, etc., etc., peuvent être déplacés par arrêté des maires. - Le motif de la différence qui existe à cet égard entre les objets de la seconde catégorie est sensible ; le législateur n’a pas voulu que pour l’enlèvement ou le déplacement, sans aucune importance, d’un objet placé temporairement dans un lieu pour quelques jours, pour quelques heures peut-être, le service télégraphique subit une interruption prolongée par la nécessité de recourir à l’autorité du préfet. Dans le cas ou l’intérêt d’un service important d’utilité publique n’est aux prises avec aucun intérêt particulier sérieux, un simple arrêté du maire doit suffire, en effet, pour autoriser une semblable mesure. - Le déplacement des objets mobiles peut être demandé par les stationnaires des postes dont la visibilité est compromise. Ils font à cet effet une réquisition au maire des communes sur le territoire desquelles sont établis les postes. Si le maire se refuse à ordonner l’enlèvement d’un objet mobile faisant obstacle, il y a lieu de recourir devant le préfet, qui prescrit ce que de droit (même instruction)

68. L’instruction ministériel du 25 nov. 1852 porte que toutes les fois qu’il y a lieu à indemnité, elle doit être consignée préalablement à l’enlèvement de

l’obstacle. Il en résulterait que pour les objets de la troisième catégorie, leur enlèvement, en cas de dommage, ne pourrait avoir lieu que sous la condition du payement préalable de l’indemnité. Cette disposition nous paraît extensive de la disposition, déjà exceptionnelle, du décret qui n’impose la condition du payement préalable que pour les objets de la seconde catégorie, et il nous semble qu’elle ne doit pas être suivie dans la pratique : à cet égard on doit appliquer les règles relatives aux simples dommages causés par l’exécution des travaux publics. - V. supra, n° 36.

69. Les art. 678 et suiv. c. nap., relatifs aux ouvertures ou vues droites sur les propriétés voisines, sont-ils applicables aux postes aériens bâtis sur le sol des voies publiques jusqu’à la limite séparative de ces voies avec les propriétés riveraines ? La question a été soulevée pour le poste aérien de Saint-Michel (Seine-et- Oise), bâti sur le sol du chemin de fer d’Orléans, mais elle n’a pas été résolue en principe. Le propriétaire d’un terrain sur lequel une ouverture de ce poste avait aspect à une distance moindre que celle fixée par l’art. 678 c, nap., a élevé la prétention de la faire boucher. Cette prétention n’était pas fondée selon nous: les règles des art. 675 et suiv. c. nap. ne sont applicables que lorsqu’il s’agit de deux propriétés privées ; elles ne peuvent être invoquées

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lorsqu’une des deux propriétés fait partie de la grande voirie, et par suite du domaine public.

Ainsi, de même que le riverain d’une route impériale, par exemple, peut, après avoir obtenu un alignement, bâtir sur la limite séparative des deux propriétés publique et privée et prendre néanmoins des vues sur la voie publique, l’État peut, dans un intérêt public, élever des constructions sur la même limite et prendre des jours sur les propriétés riveraines.

Cette faculté résulte implicitement, mais nécessairement, des lois et règlements relatifs à la grande voirie qui soumettent les propriétés riveraines à toutes les servitudes reconnues d’utilité publique.

Or, aux termes des art. 1, 2 et 3 de la loi du 13 juill. 1845 les chemins de fer font partie de la grande voirie, et les propriétés qui les bordent sont soumises à toutes les servitudes imposées par les lois et règlements sur la grande voirie. D’ailleurs le service télégraphique considéré en lui même constitue une sorte de voirie aérienne qui doit jouir des mêmes privilèges et recevoir la même protection que la voirie ordinaire.

NDLR : Suivent les paragraphes 70 à 89, qui concernent différents sujets, dont : Etablissement des lignes télégraphiques (électriques) par des particuliers. - Usage des lignes télégraphiques. - Dépêches politiques et administrative. - Dépêches privées transmises à l’intérieur de l’empire. Nous publierons ces sujets, si nécessaire, après en avoir au préalable discuté en réunion mensuelle.

90 – Violation du secret de la correspondance télégraphique.
Les dépêches expédiées par le télégraphe ne jouissent pas sans doute du secret des correspondances échangées par la poste ; mais ce serait une erreur de croire qu’elles reçoivent par le fait seul de leur expédition une quasi-publicité. Aux termes des art. 23 de l’ord. du 24 août 1833, 14 de la consti. du 14 janv. 1832 et 16 du sénatus-consulte du 25 déc. 1832, les fonctionnaires et agents des lignes télégraphiques doivent, avant d’entrer en fonctions prêter le serment suivant : « Je jure obéissance à la constitution et fidélité à l’empereur. Je jure, en outre, de garder inviolablement le secret des dépêches qui me seront confiées et de ne donner connaissance des documents télégraphiques à qui que ce soit, sans un ordre écrit du ministre de l’intérieur. » Tout fonctionnaire public qui est entré en exercice de ses fonctions sans avoir prêté ce serment, peut être

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poursuivi et, en cas de poursuite, puni d’une amende de 16 fr. à 150 fr. (c. pen., art. 196).

91. La loi du 29 nov. 1850 a réprimé sévèrement la violation de ce serment*. D’après l’art. 5 de cette loi, tout fonctionnaire public qui viole le secret de la correspondance télégraphique est puni des peines portées en l’art. 187 c. pén. (V. Poste, n° 137 et suiv.). - En outre et par application de l’art. 1382 c. nap., l’auteur du délit pourrait être actionné civilement en réparation du préjudice que la divulgation de la dépêche aurait pu occasionner tant à l’expéditeur qu’au destinataire.

92. L’art. 187 c. pén. ne punit que le fonctionnaire, que l’agent du gouvernement ou de l’administration qui a commis ou facilité la violation. D’où il suit que le même fait, commis par tout autre individu ne constituerait aucun délit et resterait dans la classe des faits immoraux que la loi n’a pas voulu punir. Le simple particulier qui publierait des dépêches télégraphiques dont il serait parvenu à avoir connaissance, n’encourrait pas la peine édictée par cet article ni aucun autre peine, sauf l’action en responsabilité à laquelle il pourrait être soumis en vertu de l’art. 1382 c. nap.

(Source : Répertoire Méthodique et alphabétique De Législation de Doctrine et de Jurisprudence, par M. D. Dalloz Ainé. 1861 tome 42)

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* A propos de serment, voici la note qu’envoie Rogelet à l’administration Chappe, bien avant que le législateur l’impose par la loi.

«A l'Administration, le 10 août 1814 / Personnel

J'ai reçu votre lettre, en date du 6 du courant, relative aux nouveaux tableaux à faire pour la transmission des n° de la Loterie aux 2ème et 3ème tirages de Strasbourg et Paris, pendant août présent mois. Je m'occupe dès ce moment de la confection de ces tableaux.

Veuillez être convaincus, Messieurs, des précautions que j'ai toujours prises et de ma discrétion dans mes opérations, autant pour ce qui a rapport aux n°, que pour toute autre chose. Je vous ai juré sur l'honneur le secret, et je suis incapable de trahir mon serment.

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Je vous prie donc de croire à mes sentiments inviolables à cet égard, et de compter sur moi en toute circonstance.»

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