Le télégraphe optique prussien


Menu

LE TÉLÉGRAPHE OPTIQUE PRUSSIEN
PREUSSISCHER OPTISCHER TELEGRAPH

FOND HISTORIQUE

Pour arriver à la réalisation et au fonctionnement de ce télégraphe, le chemin était long car ses défenseurs se heurtaient aux Militaires prussiens très conservateurs. Lorsque la construction du télégraphe prussien débutait, on connaissait déjà depuis plus de 30 ans la technique de la télégraphie optique et mécanique utilisées en France par CLAUDE CHAPPE et ses frères. Plusieurs lignes existaient et fonctionnaient déjà depuis 1794. La Suède, le Danemark et l'Angleterre avaient commencé, peu de temps après les français, à exploiter la télégraphie optique. Alors pourquoi en Allemagne les dépêches urgentes se transmettaient toujours par des messagers à cheval ? Rappelons-nous qu'à la fin du 18ème siècle le territoire était composé de multiples petits Etats et Etats partiels. Ceux-ci n'éprouvaient

aucun intérêt pour un système de communication qui traversait leur territoire. Les conditions politiques n'étaient pas du tout réunies pour conclure des conventions ou des ententes entre eux. Par contre, en Suède, en Angleterre ou en France la situation était différente. Non seulement l'unité nationale existait pour un tel projet de communication, mais ces Etats étaient également confrontés aux défis politiques, militaires et économiques, tels que la protection des côtes, la régularisation du commerce maritime ou la situation politique après la révolution française. De ce fait, ils étaient motivés et aptes à construire un réseau de communication. La Prusse, à l'époque le 2ème état allemand en superficie, ne voyait, jusqu'à la réorganisation territoriale par le Congrès de Vienne en 1814/1815, aucune nécessité structurelle ou politique à mettre en place la télégraphie. Même après, la réalisation de la première Ligne de télégraphe, alors que les plans existaient, se heurtait, comme dit plus haut, toujours à l'opposition des militaires prussiens très conservateurs.

Si toutefois l'on envisageait l'utilisation de cette nouvelle technologie de communication, cela aurait pu être uniquement dans le cadre d'une télégraphie mobile et dans une campagne de guerre. Comme cette télégraphie de campagne avait été utilisée avec succès par Napoléon Bonaparte, les militaires

1
2

commençaient à y trouver un certain intérêt.

Cependant, au début du 19ème siècle, vers 1830, on se voyait confronté dans les provinces prussiennes de l'ouest à une situation de politique intérieure fragilisée. En effet, les libéraux et la noblesse de la Rhénanie s'opposaient à l'Administration d'Etat berlinoise. Ils étaient d'ailleurs réconfortés dans leur mouvement par la Révolution de juin en France et la Révolution en Belgique de 1830. Dans une telle situation, les militaires prussiens estimaient de moins en moins satisfaisante la lente transmission des dépêches urgentes par des messagers à cheval. L'heure des défenseurs d'une télégraphie optique fixe, de Berlin via Cologne à Coblence, était arrivée et il leur était enfin permis de s'imposer.

L'idée technique et l'initiative pour la construction de la plus longue ligne télégraphique en Europe centrale de l'époque venaient de CARL PHILIPPE HEINRICH PISTOR, conseiller de la Poste (geheimer Postrat). Il avait transmis à l'Etat Major Général de Prusse au mois de décem- bre 1830 un mémoire sur le projet de construction d'une ligne télégra- phique dans les différents états du royaume prussiens. PISTOR s'était inspiré, pour la conception de son télégraphe, des appareils de l'anglais

BARNARD L. WATSON, basés sur le " Second Polygrammatic Telegraph " de WILLIAM PASLEY, à savoir un mat avec six bras datant de l'année 1810. PISTOR reprenait le principe des six bras, mais modifia sensiblement le mécanisme de la construction En plus, il développa dans son atelier les télescopes nécessaires à l'exploitation du système, dont plus tard, il assura même la production.



3
4

ENFIN, PAR ORDRE DU CABINET
DU 21 JUILLET 1832
LA CONSTRUCTION FÛT ORDONNÉE.

DU PROJET À LA RÉALISATION

Le Télégraphe optique prussien était un système de communication (comme notre Télégraphe CHAPPE) émettant des signaux optiques-mécaniques entre Berlin et la province rhénane. Il a existé de 1832 à 1849 et, partiellement jusqu'en 1852. Sa durée de vie n'a été finalement que de 15 ans. Il était uniquement utilisé (à quelques exceptions près vers la fin de son exploitation) pour des dépêches administratives ou militaires. Le dispositif prussien est resté le seul télégraphe optique sur le territoire national allemand.

Exemple : Entre 1837 et 1850 un commerçant d'Altona, Johann Ludwig SCHMIDT, exploitait un télégraphe optique entre l'embouchure de l'Elbe et Cuxhaven via Hambourg pour signaler l'arrivée des bateaux. En concurrence avec une ligne télégraphique électrique mise en service sur le même itinéraire, le télégraphe Schmidt fut arrêté.

Le Télégraphe optique prussien subit plus tard le même sort. Même si l'on ne transmet aujourd'hui

plus d'informations par la voie optique, ce système sert encore dans l'alphabet angulaire et, sous une forme très simplifiée, dans la signalétique du chemin de fer.

LA LIGNE BERLIN - COLOGNE - COBLENCE :

Unique ligne du TÉLÉGRAPHE OPTIQUE PRUSSIEN reliant Berlin et Coblence via Potsdam, Magdebourg, Gandersheim, Iserlohn et Cologne, sur une longueur d'environ 587 km (Dieter Herbarth 1978). Elle comportait 61 stations en 1833 et, à partir de 1842, 62 stations. Elles étaient installées dans 56 bâtiments de fonction, 1 observatoire, 3 églises et 2 châteaux. La construction de la ligne était décidée le 21.07.1832, mais déjà, en 1852, on arrêta la dernière ligne partielle. La ligne complète avait travaillé de 1834 à 1849, c'est-à-dire seulement 15 ans.

CONSTRUCTION ET FONCTIONNEMENT

La construction de la ligne, et l'exploitation de l'installation étaient sous la coupe des militaires prussiens. La direction de la construction a été confiée au Major FRANZ AUGUSTE O'ETZEL. Ce pharmacien diplômé et Docteur en Philosophie (études à Berlin et Paris) connaissait bien la Rhénanie où on lui avait confié auparavant des

5
6

travaux d'arpentage. En plus de la direction de construction, il s'occupait également des codes et méthodes nécessaires pour la correspondance télégraphique. De plus, il avait élaboré les " livres de codes " de la ligne télégraphique. En tant que Directeur du Télégraphe du royaume prussien (königlich preussischer Telegraphendirektor), il s'occupait aussi de la gestion des installations.


Franz Auguste O'Etzel


Station 2 : Eglise du village de Dahlem

TRACÉE DE LA LIGNE

Les emplacements des stations étaient choisis personnellement par O'ETZEL. Dans son choix il tenait compte des bâtiments existants, p.ex. la tour de l'Eglise du village de Dahlem (Station n° 2) ou, il faisait construire des bâtiments ou autres tours d'une hauteur suffisante.

Pour garantir une visibilité parfaite entre les stations il avait recours à l'élagage ou à l'abattement

7
8

des arbres. Là où il était nécessaire, les stations prussiennes étaient construites sur des collines. De tels lieux étaient plus tard souvent appelés " Telegraphenberg ". C'était le cas pour la station n° 5 près de Glindow ou pour la station n° 13 de Biederitz. Du fait que la réception et la délivrance des messages télégraphiques n'étaient autorisés qu'au début et à la fin de la ligne, uniquement par le service " expédition ", les stations se trouvaient souvent à l'écart des lieux habités.

La ligne du Télégraphe commençait à l'ancien Observatoire de Berlin (Alte Berliner Sternwarte) dans la Dorotheenstrasse n° 1. La première tranche de la construction avec 14 sta- tions était terminée au mois de novembre 1832, donc seulement 4 mois après l'ordre donné par le cabinet le 21 juillet de la même année.

La ligne passait par le Telegraphenberg de Potsdam, Brandenbourg-sur-la-Havel et finissait à Magdebourg.


Station 1 : Alte Berliner Sternwarte


Station 14: St. Johannes Kirche

9
10

TYPES DE CONSTRUCTION

Si les stations de télégraphe n'étaient pas intégrées dans des bâtiments existants, alors le choix se faisait entre 5 types de construction de base. Ceci dépendait de la situation, des conditions attendues de l'exploitation ou de l'imagination des Directeurs de Garnison chargés de la construction.

Des petites maisonnettes étaient surtout érigées pour la première tranche de la construction de la ligne. Elles servaient uniquement comme lieu de travail pour les deux télégraphistes.

1°) Il en était de même pour les tours de station d'une surface équivalente n'offrant de la place que pour l'exercice télégraphique. Elles avaient comme base des maisonnettes que l'on surélevaient pour éviter tout problème de visibilité. Elles comportaient parfois, selon les besoins, plusieurs étages pour surpasser des obstacles.

2°) A partir de la deuxième tranche des travaux, on prévoyait des logements pour les Télégraphistes et leurs familles. Les stations se trouvant loin des habitations, on avait le souci d'éviter aux fonctionnaires, de longs trajets pour se rendre au travail et la séparation de leur famille. En règle

générale ces habitations étaient composées de deux pièces, de deux cuisines et de plusieurs chambres, car elles étaient partagées entre deux familles. De telles stations possédaient souvent un jardin pour la propre consommation des familles qui y habitaient. Des stations avec habitation appartenaient aux types suivants :

3°) " Haus-Turm-Typ " (type maison-tour) avec une tour intégrée dans le bâtiment, mais neutralisée pour les besoins du service. (Voir la station de Fittard près de Cologne)

4°) " Satteldach-Typ " (type toit en batière, toit à deux pans) avec tour intégrée ou séparée.

5°) " Walmdach-Typ " (toit en croupe, 4 pans) avec une tour ajoutée.

11
12

EQUIPEMENT DES STATIONS

Elles étaient équipées d'un mat de signalisation avec six bras à manipuler par des trains de câbles. Ces indicateurs avaient une longueur de 1,74 m et une largeur de 0,33 m. Il n'existe aujourd'hui que deux originaux, exposés dans le « Bördemuseum » à Ummendorf et au « Musée de la Communication » à Berlin. A la vue de ces " indicateurs " (les bras) et des plans de construction encore existants, on peut en déduire que les cadres étaient en bois avec, à l'intérieur, des jalousies (lamelles) en bois ou tôle, permettant ainsi de bien résister au vent.

Les stations étaient également équipées de deux télescopes servant aux télégraphistes à lire les informations spécialement codées en provenance d'une station émettrice et de les transmettre immédiatement à la station suivante. Seulement trois stations d' « expéditions » télégraphiques (service d'expédition), à savoir Berlin, Cologne et Coblence, permettaient les réceptions, les codifications, les déchiffrages et la « distribution » des dépêches d'état. En ce qui concerne les télescopes utilisés, il s'agissait soit de modèles anglais, soit d'appareils en provenance de l'atelier PISTOR ou, surtout sur la partie entre Cologne et Coblence, de modèles de l'Opticien munichois GEORG METZ. On estime



aujourd'hui que la puissance de l'agrandissement était de 40 à 60 fois.

13
14

LES HORLOGES DES STATIONS

« L'HEURE DE BERLIN » était déterminante pour toute la ligne télégraphique. Pour la synchronisation de toutes les stations, elle était transmise de Berlin au minimum tous les trois jours. Chaque station possédait une « Schwarzwälder-Uhr » avec sonnerie (horloge type Forêt Noire). Le processus de synchronisation était annoncé par Berlin par des signaux, une heure à l'avance. C'est ainsi que les fonctionnaires avertissaient la station voisine afin qu'elle observe continuellement le signal d'horaire et qu'elle le transmette sans attendre. Arrivé à Coblence, la confirmation se faisait en sens inverse. En cas de conditions climatiques idéales, le signal d'horaire de Berlin à Coblence et retour se faisait en moins de 2 minutes.


Signal d'horaire de Berlin

CAPACITÉ / PERFORMANCE

La durée journalière de travail était environ de 6 heures en été et de 3 heures en hiver. Pour juger de la capacité du système, il faut distinguer entre « la vitesse des signaux », « la vitesse de la correspondance » et la « performance effective du système » le tout résultant de la vitesse des dépêches.

Vitesse des signaux

Le moyen le plus rapide pour mesurer la transmission d'un signal sur la totalité de la ligne était la synchronisation des horloges des stations : dans des conditions optimales le signal de synchronisation mettait moins d'une minute (2 minutes aller-retour), obligeant naturellement les fonctionnaires à une extrême attention et d'être bien préparé. Dans le cas d'une circulation normale des dépêches, le temps de la transmission d'un signal sur la totalité de la ligne était de 7,5 à 14 minutes. A l'état actuel des connaissances, la vitesse des signaux était un peu moindre que celle du système français.

Vitesse de la correspondance

Une station était capable d'interpréter et de

15
16

repositionner un signal dans 1½ minute en moyenne. Dans des conditions très favorables 2 signaux étaient possibles. En comparaison avec le télégraphe français, celui-ci transmettait presque le double dans des conditions de visibilité satisfaisante. Il est néanmoins à noter que le système prussien disposait d'un répertoire de 20 fois plus de signaux, ce qui lui permettait d'équilibrer la « vitesse de correspondances » plus lente.

Vitesse des dépêches et performance

Aujourd'hui, il n'existe plus d'écrit fiable sur le nombre journalier de dépêches envoyées. Les informations vacillent entre deux par jour et six dépêches indiquées dans les cahiers du Directeur du Télégraphe 0'ETZEL. Les différences sont peut-être à chercher dans les conditions climatiques.

Quelques exemples :

2 février 1840 - Télégramme de 210 mots de Berlin à Cologne : 13 heure

17 mars 1848 - Télégramme de 30 mots de Berlin à Cologne : 1 h 30

11 août 1848 - Télégramme de 60-70 mots de Berlin à Cologne : de 20 h à 10 h 30 du lendemain, après suspension à cause de l'obscurité (Temps correspondant au moment de l'expédition jusqu'à la remise de la dépêche au porteur.)

17
18