CES DÉPÊCHES QUI SONT L’HISTOIRE
Pour inaugurer cette chronique que nous voudrions désormais régulière, nous ne pouvons moins faire que d’écrire quelques lignes encore - les dernières, c’est promis - sur la fameuse dépêche de Condé, dont on devrait célébrer le bicentenaire à la fin du mois prochain.
Son histoire est connue. Nous ne reviendrons pas sur l’impact de sa lecture par Camot en pleine séance de la Convention Nationale.
Mais puisque nous sommes ici entre gens de métier, nous pouvons prendre le temps d’examiner d’un peu plus près ses qualités purement télégraphiques. C’est, disons-le tout net, le plus mauvais exemple que l’on puisse donner.
Vous avez déjà pu lire que la reconstitution partielle du Vocabulaire du Comité de Salut Public à partir du second registre de Transmission de la ligne Lille et le déchiffrage du 1er Registre nous a permis d’affirmer que ce fut Abraham, préposé aux transmissions à LiMe, qui composa cette dépêche: il était le seul à pouvoir le faire. Curieusement pourtant, celui-ci ne s’en est jamais vanté. A-t-il longtemps craint que son initiative, mettant en évidence la
défaillance du représentant du peuple Théophile BERLIER, lui attire les foudres d’un de ces nouveaux seigneurs tout puissants créés par la Révolution?
Il ne fut jamais question d’autre part - et c’est le seul exemple que nous connaissons - de remettre au destinataire le texte en clair et les signaux. Com- ment aurait-on pu dans de telles conditions assurer le secret des correspondances?
Bien que l’on puisse reconnaître sans peine la signature d’Ignace CHAPPE au bas de cette dépêche, il faut bien admettre que la traduction est d’une maladresse caractérisée. Ce mot-à-mot ne correspond en rien aux instructions données par Claude. Il fallait traduire : “Condé a été restitué à la République. La reddi- tion a eu lieu ce matin à 6...”
A 6 ? Eh oui. Le mot “heures” qui terminait la dépêche n’est parvenu qu’une heure plus tard, du fait d’une suspension horaire sur le poste de Boulogne (-la-Grasse). Cette interruption peut paraître incongrue; mais rien n’avait prévenu les stationnaires de l’importance de cette transmission. La mention de service “officiel” n’avait pas précédé les signaux de correspondance et le stationnaire a pu, en toute bonne foi, imaginer qu’il s’agissait comme souvent de signaux d’exercice “insignifiants”. C’est donc une
dépêche tronquée qui a été remise au destinataire.
Tout cela, en définitive, ne fait pas très sérieux, ne trouvez-vous pas ?
Et puisque nous parlons de Condé (1), nous ne saurions manquer de rappeler ici que nous avons décerné les “Guignols de l’information Historique” au cours de notre dernière Assemblée Générale, et que M. BELLOC Alexis a obtenu celui de la “meilleure légende” pour le texte qui accompagne cette gravure.
Aucun poste de télégraphie ne fut jamais construit, ni à plus forte raison inauguré, devant Condé. Il aurait
fallu établir un embranchement au départ d’un des postes de la ligne de Lille, Carvin par exemple, le plus
proche, se trouvant tout de même à plus de 45 kilomètres de là, ce qui signifie qu’il aurait fallu placer au
moins deux autres postes intermédiaires, la distance entre les stations pouvant être difficilement supérieure à
17 kilomètres.
Quant à la date indiquée, nous n’avons pu encore trouver à quel événement elle est attachée.
Qui pourrait nous le dire?
GÉRARD CONTANT
(1) Condé-sur-l’Escaut