Extrait du Journal du Droit Criminel


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1837 Journal du droit criminel,
ou jurisprudence criminelle de la France
ART. 1978 LOI SUR LES TÉLÉGRAPHES.

Du 2 mai 1837.

Article unique :

Quiconque transmettra, sans autorisation, des signaux d’un lieu à un autre, soit à l’aide de machines télégraphiques, soit par tout autre moyen, sera puni d’un emprisonnement d’un mois à un an et d’une amende de 1.000 fr. à 10.000 fr.

L’art. 463 du Code pénal est applicable aux dispositions de la présente loi. — Le tribunal ordonnera la destruction des postes, des machines ou moyens de transmission.

Observations. Cette loi a eu pour but d’ériger en délit un fait jusqu’à présent exempt de toute peine : il importe donc d’examiner avec soin les éléments de l’incrimination, la nature du fait incriminé et le but que s’est proposé le législateur. Tel est l’objet du résumé que nous allons présenter des discussions que cette loi a subies dans l’enceinte législative. Nous restreindrons cette analyse dans les plus justes bornes, mais sans toutefois écarter aucune des

explications qui peuvent être utiles à l’interprétation du texte de la loi.

Le ministre de l’Intérieur a dit dans l’exposé des motifs : Nous venons vous présenter un projet de loi qui a pour but d’assurer au gouvernement le monopole des transmissions télégraphiques. Il est superflu de rappeler devant vous les immenses services que rend le télégraphe, cet indispensable complément de notre centralisation gouvernementale. L’histoire de ces derniers temps vous est connue. Vous savez les dangers qu’a courus l’ordre social. Vous savez également que le but cons-tant, comme le constant écueil des partis a été d’égaler l’unité des attaques à l’unité de la défense, pour y parvenir, ils ont tout essayé ; bien des éléments de succès leur ont manqué, mais le télégraphe surtout leur a manqué pour imprimer à leurs mouvements une redoutable précision. Et cependant, il faut le dire, aucune disposition législative n’interdit aux particuliers la transmission des signaux télégraphiques. La Convention, l’Empire, la Restauration elle-même, n’en ont pas senti le besoin. Ces gouvernements se sont contentés d’un monopole de fait que personne n’aurait osé leur contester. Mais depuis 1830 il en a été autrement ; les entreprises particulières ont levé la tête, elles ont revendiqué une faculté qui ne leur avait été formellement déniée par

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aucune loi. Indépendamment des compagnies régulières, comme celle qui s’est établie entre Paris et Rouen, chaque jour nous découvrons des lignes clandestines destinées le plus souvent à la transmission des cours de la bourse : sur différentes directions, les mêmes tentatives ont eu lieu ; et de simples toiles étendues à de certaines heures dans un lieu convenu ont fait parvenir en quelques instants à Lyon et à Bordeaux les nouvelles qu’on voulait y envoyer. Dira-t-on que ces nouvelles ont été purement commerciales ? que la politique est restée étrangère à ces essais ? Mais qui peut assurer qu’il en sera toujours ainsi ? comment ne pas craindre qu’elle ne s’empare de ce levier puissant, une fois qu’il aura été crée?.....

Vous sentirez la nécessité de conserver aux expressions de l’article dont se compose le projet une généralité suffisante pour qu’on ne puisse pas éluder l’interdiction qu’il prononce ; et, en adoptant la sanction pénale instituée par ce projet, vous arrêterez dans son germe un mal qui menaçait sérieusement l’ordre public. ( Mon. du 7 janvier 1837, suppl. )

On lit dans le rapport de M. Portalis a la chambre des députés : Jusqu’à ce jour, aucune contestation ne s’était élevée relativement au télégraphe ; aussi les actes législatifs on réglementaires sur ce sujet sont-ils

rares. Le premier est la loi du 29 messidor an III de la République, qui ordonne l’établissement d’un télégraphe dans l’enceinte du palais de la convention ; le second est la loi du 23 fructidor an VI qui abroge la précédente. Sous l’Empire et sous la Restauration, des décrets ou des ordonnances réglèrent l’organisation de cette branche d’administration et les attributions des fonctionnaires qui la dirigèrent ; mais ces décrets et ces ordonnances n’ont point reçu de publicité, et l’on ne trouve au bulletin des lois que l’ordonnance rendue le 24 août 1833. Cette ordonnance de même nature que les précédentes n’établit aucune interdiction, et ne porte aucune peine pour le cas où des télégraphes privés seraient établis, parce qu’à cette époque encore personne n’avait contesté le droit exclusif du gouvernement.

Depuis quelque temps seulement, le silence de la législation a éveillé l’attention des spéculateurs et des sociétés particulières; des lignes télégraphiques se sont établies ; l’administration a vainement prétendu qu’on portait atteinte à son privilège ; dans l’état actuel des choses, les poursuites ont été jugées impossibles contre ces établissements, et une loi est devenue nécessaire pour réprimer ce nouvel abus. Cette loi vous a été présentée, et nous vous proposons son adoption; elle n’est à vrai dire que la consécration légale de ce qui a toujours existé en

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France sous tous les gouvernements qui se sont succédé depuis que le télégraphe a été mis en usage. Le système du projet est simple ; la loi se compose d’un seul article. Cette loi devait être large dans ses termes pour atteindre, non seulement un des modes employés pour transmettre secrètement et promptement des avis ou des ordres dangereux, mais encore tous les signaux à l’aide desquels on pourrait déjouer la surveillance du gouvernement. Il est facile de comprendre que, sans arriver à la perfection obtenue par Claude Chappe dans les communications télégraphiques, on peut, an moyen de pavillons de différentes couleurs, de pièces de bois et d’autres objets convenus, faire parvenir fort loin une dépêche quelconque. L’objet de la loi est d’interdire la faculté d’employer de tels moyens et de réprimer l’abus qu’on pourrait en faire, sans s’inquiéter s’il a été fait usage, pour la transmission, du télégraphe perfectionné du gouvernement ou de tout antre signal. On objecte vainement qu’à l’aide d’une rédaction aussi élastique, s’il est permis d’employer cette expression, les signaux les plus indifférents seraient proscrits ou incriminés ; qu’il ne serait plus possible dans un village de hisser un pavillon pour convoquer au marché ou à la fête les habitants des hameaux voisins ; et que la possession de pigeons voyageurs, porteurs de la correspondance

la plus innocente, exposerait à des poursuites celui qui les dresserait à ce manège.

Dégageons d’abord la discussion de ce dernier argument. Dans aucun cas, un pigeon ne peut être assimilé à un signal : or la loi ne parle que de signaux ; la valeur grammaticale des mots employés par les rédacteurs du projet se refuse donc à cette interprétation.

L’objection qui précède n’a pas beaucoup plus de gravité. La loi sur les lignes télégraphiques permet à tous d’employer la voie des signaux et même celle du télégraphe, moyennant une autorisation préalable dont le gouvernement se réserve, il est vrai, de juger l’opportunité.

Assurément la commune ou les particuliers qui faisaient des signaux un usage utile et innocent ne balanceront point à solliciter cette permission, et ceux qui se refuseraient à la demander seraient justement soupçonnés de vouloir abuser, de ces moyens; ils n’auraient d’ailleurs à s’en prendre qu’à eux-mêmes s’ils se trouvaient privés, par ce refus, de la faculté de recourir à ce genre de trans-mission. De semblables objections ont été élevées contre la loi sur les associations, et cependant son exécution n’a donné lieu à aucune réclamation. Sans doute il faut qu’une

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loi de la nature de celle qui nous occupe se serve de termes clairs et précis ; car c’est une loi prohibitive : elle crée des délits, des contraventions qui ne laissent pas au juge la liberté de rechercher l’intention de leurs auteurs, mais seulement le soin de vérifier le fait de la désobéissance. Elle constitue illicite un acte qui, de sa nature et considéré en lui même, peut être parfaitement innocent. Votre commission vous propose de remédier à cet inconvénient par un commandement qui a pour but de donner au juge la faculté d’adoucir selon les cas la peine portée par la loi. La première rédaction de la loi doit cependant être maintenue ; l’esprit humain est inépuisable en ressources nouvelles, et il s’agit ici de prévoir ce qui n’existe pas encore, ce qui n’a été ni connu, ni imaginé, et qui pourrait être inventé pour éluder l’application de la loi, si des expressions trop restrictives venaient enchaîner la conscience du juge. Il faut atteindre toutes les combinaisons à l’aide desquelles on pourrait arriver à un résultat. Le texte actuel du projet nous a paru satisfaire à ces conditions ; c’est pour ce motif que nous vous proposons de l’adopter. Le désir de soustraire certains signaux innocents aux prohibitions de la loi avait fait proposer, au sein de la commission, une modification qui avait pour effet de ne rendre la transmission opérée par des signaux punissable que lorsqu’elle aurait en lieu à l’aide de stations

intermédiaires, ou de France à l’étranger. Cette rédaction nouvelle a été repoussée par la majorité. Nous avons reconnu que des signaux transmis d’un point à un autre, même sans station intermédiaire, pouvaient encore présenter de la gravité ; en effet suivant les localités, la vue peut s’étendre jusqu’à de fort grandes distances, principalement dans les pays montagneux ; et les signaux ignés surtout franchissent facilement un espace considérable. Une simple lampe placée devant un réverbère a été aperçue à une distance de 3o,ooo toises, au moyen de la lunette du quart de cercle de M. Méchain, II nous a paru qu’un moyen de communication d’une telle portée ne pouvait être abandonné à la malveillance, et la disposition du projet île loi a été conservée.

Une autre addition avait été également proposée : elle consistait à ajouter à ces mots du premier paragraphe de l’article en discussion : quiconque transmettra, ceux-ci : ou fera transmettre. Le second amendement a partagé le sort du premier ; votre commission a pensé que le particulier qui fera transmettre un message par la voie des signaux, sans y être autorisé, le fera ou pour faciliter l’accomplissement de projets coupables, et dans ce cas sera auteur on complice d’un crime on d’un délit plus grave que celui que punit la loi discutée en ce

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moment, et il sera poursuivi et puni comme tel, ou il usera de ce genre de communication pour une correspondance innocente, et sans s’informer si la permission de se servir du télégraphe ou des signaux a été on non accordée, et dans ce cas il peut avoir commis une imprudence, mais non un délit punissable par la loi, puisque son action ne présente pas de gravité. Il en sera toujours autrement de celui ou de ceux qui auront établi une ligne télégraphique non autorisée ; par le fait seul de cet établissement, ils sont passibles des mêmes peines que celui qui transmet les signaux, puisqu’ils lui ont fourni les instruments nécessaires à la perpétration du délit, et que, dès lors, ils ne peuvent se soustraire à l’application des peines prononcées en cas de complicité. Par un troisième amendement on proposait d’ajouter à ces mots : « d’une amende de 1.000 fr. à 10.000 fr., à ceux-ci : « Sans préjudice des peines plus fortes qu’il pourrait encourir à raison de crimes ou délits commis par suite de la transmission de ces signaux. Cet amendement a été rejeté comme les deux autres. De deux choses l’une, ou le prévenu sera auteur ou complice de faits plus graves que la transmission, et alors il sera poursuivi pour ces divers actes, sans qu’il soit besoin de l’exprimer dans la loi ; ou c’est après avoir été renvoyé de l’accusation sur ces mêmes faits qu’il sera prévenu d’une infraction à

la loi sur les lignes télégraphiques, et dans ce cas l’absolution doit le mettre à l’abri de toute poursuite et de toute pénalité, relativement à des actes à l’égard desquels il a déjà obtenu son acquittement. On conçoit, en effet, qu’une loi qui porte des peines graves puisse prévoir cas ou, après l’acquittement sur le principal chef d’accusation, l’accusé serait encore passible d’une peine moindre, parce qu’après l’acquittement l’accusé doit être considéré comme complètement innocent, toutes les fois que la loi ne porte pas qu’absous seulement à l’égard de certains actes il doit encore répondre devant la justice des circonstances de ces autres actes ou de faits connexes. Dans le cas contraire, il est évident que ce n’est point la poursuite dirigée à raison d’un délit ou d’une contravention qui peut servir d’échelon pour arriver à une accusation on à une pénalité plus grave ; et si le débat modifie la nature même de l’action incriminée, ou révèle des circonstances nouvelles ou des faits étrangers à ceux qui étaient l’objet de la première prévention, le ministère public est toujours libre de faire des réserves à cet égard et d’intenter des poursuites ultérieures relativement à ces fais nouveaux ou autrement caractérisés. La disposition pénale de la loi nouvelle a été pareillement l’objet d’une discussion : pour qu’une loi soit bonne, il faut qu’elle contienne un commandement légitime, et que

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les moyens de répression qui en garantissent l’exécution soient en harmonie avec l’infraction commise.

Les peines peuvent être sévères, elles doivent toujours être équitables. Or votre commission a pensé qu’il arriverait souvent que la personne traduite en justice, en vertu du projet de loi que nous examinons, ne serait qu’un simple ouvrier travaillant pour le compte d’autrui. Dans ce cas, il lui a paru qu’une amende dont, le minimum est de 1.000 fr. serait trop forte, ou même illusoire ; qu’il y aurait souvent, pour le condamné, impossibilité d’en payer le montant ; enfin que, suivant l’état de fortune des inculpés, une telle peine pourrait être légère pour l’un d’entre eux, et ruiner l’autre et avec lui sa famille, sans qu’il se rencontrât la moindre différence dans la culpabilité des deux condamnés. Les lois qui établissent de nouveaux délits doivent aussi laisser au juge une latitude plus grande dans l’application de la peine ; leurs rapports avec la justice mutuelle sont nécessairement plus éloignés, puisqu’elles défendent et punissent des actes auxquels des abus réunis ont seuls imprimé un caractère dangereux, et qui ne révoltent pas instinctivement la conscience comme les actions directement contraires à la morale et à l’équité. Les menaces de criminalité sont par conséquent plus nombreuses en pareil cas, et il doit

être loisible aux magistrats de proportionner la peine au degré de culpabilité morale du prévenu, aussi bien qu’à la gravité plus ou moins grande des faits qui lui sont reprochés. C’est pour cette raison que nous vous demandons d’ajouter à ces mots : et d’une amende de 1.000 fr. à 10.000 fr., ceux-ci : l’art. 463 du code pénal est applicable aux dispositions de la présente loi. Par cet amendement qui donne au juge la faculté de réduire la peine portée par la loi , dans le cas où il reconnaît l’existence des circonstances atténuantes, vous éviterez à la fois le danger de frapper un malheureux d’une peine trop forte, et les inconvénients de l’impunité qui est souvent la conséquence d’une pénalité trop rigoureuse. Enfin nous avons cru que le mot de destruction devait être substitué à celui de démolition employé au dernier paragraphe de la loi ; il est peu correct de dire que le tribunal ordonnera la démolition des postes télégraphiques, des machines et des moyens de transmission. Le mot de destruction répond mieux à la pensée du rédacteur de la loi ; il peut s’appliquer avec exactitude aux moyens de transmission, comme aux machines et aux postes télégraphiques. (Mon. du 1er mars 1837.)

La discussion à la chambre des députés a porté exclusivement sur un amendement présenté par M. Delespaul, et qui était conçu en ces termes : « Les

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indemnités qui pourraient être dues en cas de dépossession résultant de la présente loi seront convenues à l’amiable ou réglées par les tribunaux. »

Cet amendement qui ne soulevait qu’une question de droit civil, et qui dès lors est étranger à notre matière, a été rejeté sur les observations du rapporteur, observations que nous croyons inutile de reproduire à cause de leur objet même. (Voir, au surplus, le Moniteur du 15 mars, deuxième supplément.)

M. le ministre de l’Intérieur a dit en présentant la loi à la chambre des pairs : Nous avons cru, dans la rédaction de la loi, devoir lai donner un sens large et général ; car notre but n’a pas été seulement d’atteindre toutes les combinaisons connues, tontes les infractions commises jusqu’à ce jour, mais encore, tontes celles que l’intérêt privé, si ingénieux et si inventif pourrait découvrir pour éluder la loi. Il nous a fallu prévenir ce qui n’existe pas encore ce qui n’a été ni connu, ni imaginé, mais ce qui peut l’être un jour. Si des expressions trop restreintes avaient enchaîné la conscience du juge, la loi, impuissante dans une de ses applications, fut devenue impuissante tout entière ; a côté d’une pénalité juste et sévère , nous avons accueilli l’amendement de la chambre des députés qui, par application de l’art. 463 du code pénal, donne

au juge la faculté de réduire la peine écrite dans la loi.

En effet, des actes auxquels des abus récents ont seuls imprimé un caractère dangereux, et dont la criminalité sera bien différente d’après le caractère, la position et les intentions des coupables ; ces actes, disons- nous, ne devaient pas être soumis à une pénalité stricte et uniforme. Le juge pourra mesurer la peine an délit, et vous éviterez ainsi le double danger d’un châtiment trop rigoureux et de l’impunité qui en est souvent la conséquence. (Mon. du 22 mars 1837 ; 1er snppl.)

M. le duc de Plaisance a ajouté dans son rapport : Votre commission a reconnu, à l’unanimité, que la loi était nécessaire, et qu’ayant pour but d’atteindre non seulement les lignes télégraphiques proprement dites, mais encore, et de préférence , les lignes clandestines se servant de signaux de toute nature, sa rédaction devait être claire, précise, et telle, par la généralité de la prohibition, qu’elle ne laissât aucune ressource à la fraude qui voudrait l’éluder, même par des moyens non encore prévus ; elle n’a point été détournée d’approuver cette rédaction par l’interdiction qu’elle prononce contre les signaux les plus innocents, ceux qui pourraient s’établir à la campagne entre parents, entre voisins, de villages à villages, pour annoncer une fête ou un danger.

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La permission alors ne peut-elle pas être demandée ? et, pour de semblables motifs bien constatés, elle ne sera pas refusée. La pénalité aurait encore dissipé les craintes de votre commission, si elle avait pu en concevoir ; l’art. 463 du code pénal est applicable aux dispositions de la présente loi.

Ainsi tout délit commis contre ses prohibitions pourra être apprécié d’une manière équitable par les tribunaux, et l’échelle de la pénalité sera telle qu’on pourra descendre d’un an de prison et de 10.000 fr. d’amende à moins de 6 jours de prison et de 16 fr. d’amende, et même à une seule de ces peines. Quant à la condamnation d’un délit de transmission qui donnera lieu à l’application de l’une des peines prononcées par la pré- sente loi, il est bien entendu que celui qui l’aura encourue pourra et devra, s’il y a lieu, être traduit devant les tribunaux, y être jugé, et subir de nouvelles condamnations pour le fait du délit ou du crime dont la transmission par le télégraphe ou par des signaux n’aurait été qu’une circonstance et un moyen d’exécution. Par une application du même principe, elle ne préjudicie pas à l’action en dommages intérêts que croiront pouvoir exercer des tiers ; la destruction des postes, des machines ou moyens de transmission, n’est que la conséquence et le complément de la loi dont votre commission vous propose l’adoption. ( Mon. du 8 avril. )

La loi a été adoptée, sans discussion, par la chambre des pairs.

Il résulte de cette discussion que nous avons fidèlement reproduite, que le législateur n’a prévu et n’a voulu prévoir qu’une contravention, une infraction matérielle au monopole des lignes télégraphiques qu’il se réserve. C’est le fait d’infraction que la loi punit, abstraction faite de son but criminel.

Peu importe que ce but fût de se procurer des bénéfices commerciaux ou de faire agir les fils d’une conspiration : si l’escroquerie ou le complot ne sont pas établis, la contravention ne puise aucune gravité nouvelle dans l’intention qui l’a fait commettre. Cela résulte formellement du rapport de M. Portalis, et du rejet de l’amendement proposé par l’un des membres de la commission, et qui avait pour objet de graduer la peine à raison des crimes ou délits dont les signaux facilitaient la perpétration. Ainsi, dans le cas même où les signaux constitueraient un acte préparatoire d’un crime, ils ne pourraient être l’objet d’aucune incrimination spéciale, puisque, d’une part, le commencement d’exécution constitue seul la tentative punissable, et que, d’un autre côté, la loi s’occupe des correspondances par signaux, abstraction faite de leurs conséquences. Cependant le législateur a prévu l’existence de circonstances atténuantes :

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quelle sera donc la base de l’atténuation de la peine ? Évidemment, dans le plus ou le moins de gravité de l’infraction. Si une compagnie s’est organisée, si de puissants moyens de communication ont été préparés, si la prohibition de la loi a été ouvertement enfreinte, la peine pourra s’élever ; mais elle devra s’abaisser au contraire jusqu’à ses degrés les plus minimes s’il s’agit d’une vaine et grossière, tentative, dont les effets matériels ont été nuls, et qui n’avait aucune puissance d’action. En résumé, il ne s’agit point d’un délit moral, puisque le fait prohibé n’est point par lui- même repoussé par la conscience, mais d’une contravention matérielle au régime du monopole télégraphique, et qui puisera ses divers degrés de gravité dans l’étendue de la contravention elle-même, dans l’efficacité de ses moyens d’action, et surtout dans sa durée.

(Source : JOURNAL DU DROIT CRIMINEL, par les avocats, Adolphe Chauveau et Hélie Faustin.1837 PAGE 29 ET SUIVANTES)

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