Le télégraphe optique


Menu

Le télégraphe optique

Voici un texte pour préciser une bonne fois pour toutes la définition du télégraphe optique ; le télégraphe aérien est une autre technique qui est plus ancienne et qui comprend un matériel générant un signal basé sur un code ou vocabulaire, particulier : il comporte un matériel et un logiciel qui sont propres à chaque technologie : ces deux éléments sont différents chez Chappe de ceux d’ Edelcrantz pour ne citer que les deux techniques qui ont connu les plus grands développements ; enfin la naissance du télégraphe aérien date du 18ème siècle et celle du télégraphe optique du 19ème.

À l’époque de la construction des forts Séré de Rivières, l’électricité n’en était qu’à ses premiers balbutiements, la radio n’existait pas encore, et la télégraphie par câbles aériens était jugée peu sûre (risques d’interception des communi- cations par un ennemi se branchant sur les câbles de liaison). Le moyen de communication le plus «sécurisé» (hormis le pigeon voyageur) était la télégraphie optique.

Le principe du dit télégraphe optique est relativement simple et s’apparente au système employé pour communiquer entre les navires de guerre. Il s’agit d’émettre un faisceau lumineux dans

une direction précise, par le biais d’une gaine (simple tuyau de grès de 70 mm de diamètre traversant les massifs de terre du fort). Le faisceau lumineux ainsi émis n’est alors visible que par un observateur placé dans l’alignement exact de la gaine émettrice, ce qui garanti la sécurité du système. La communication se fait selon le code morse, avec alternance plus ou moins prolongée de periodes lumineuses et de periodes noires.

Le poste de télégraphie optique est constitué d’une casemate voûtées de laquelle partent une ou plusieurs gaines de transmission traversant le massif de terre pour déboucher à l’air libre. Ces gaines sont implantées dans des directions précises, c’est à dire en direction d’un semblable poste où l’on retrouve une gaine implantée dans le prolongement exact de la précédente. La distance entre deux postes de télégraphie optique peut aller jusqu’à 100 km.

1
2

Le faisceau lumineux était produit soit par une lampe à pétrole, soit par les rayons du soleil captés par un héliostat. (sic)

NDLR : Ci-contre, copie sur l’adjectif « Optique » relevé dans le Larousse en 3 volumes édition 1966. Signalisation et télégraphie optiques, moyens de transmission à faible distance, utilisant des signaux lumineux. Gardons-nous donc d’utiliser ce terme pour le TÉLÉGRAPHE CHAPPE. Il en est de même pour « SÉMAPHORE » télégraphe en bordure de mer, pour correspondre avec les navires.

UNE JOURNÉE PARTICULIÈRE

UN SCOOP PAR TÉLÉGRAPHE OPTIQUE :

Mardi 5 septembre 1797, trois heures de l’après-midi: le stationnaire du poste de télégraphie optique de Lille, l’oeil rivé à sa lunette, reçoit de Paris un message codé, daté « nonidi 19 fructidor de l’an V » et spécifié comme « Très urgent et très secret ». A peine une heure plus tard, son homologue de la station de Strasbourg enregistre le même message.

Le temps clair et ensoleillé dc cette belle journée d’été a facilité la transmission des signaux entre chacun des vingt-trois relais installés sur des

hauteurs toutes les deux à trois lieues (huit à douze kilomètres) sur ces deux premières lignes de télégraphe optique qui relient Paris à Lille et à Strasbourg. Chaque stationnaire a d’abord lu le signal à la lunette amont, puis il a manipulé les commandes des bras du télégraphe pour le transmettre à la station suivante et enfin, il a vérifié par la lunette aval que l’instruction était bien passée. Aucun d’eux

3
4

cependant n’a pu connaître la signification du message : ce sont des soldats retraités ou invalides, spécialement recrutés comme illettrés pour garantir la sécurité du système ; seuls les directeurs des stations de départ et d’arrivée, uniques détenteurs du dictionnaire des codes, étaient spécialement habilités pour coder et traduire les signaux. A une heure d’intervalle, seuls les deux directeurs des stations de Lille et dc Strasbourg déchiffrent ainsi la dépêche qui vient du Directoire exécutif, sous la signature du Directeur Paul Barras :

« Le dix-huit, la République a triomphé // Les conjurés royaux // dans les Conseils // le Directoire exécutif // et dehors // saisis et déportés // le Corps législatif et le Directoire marchent ensemble // Nul trouble // Joie complète // Point de sang versé. »

Tout est dit. Ce premier télégraphe aérien commandait une concision qui tranche avec le langage souvent grandiloquent de l’époque. Il est vrai que le rédacteur ne dispose que d’un dictionnaire de huit mille quatre cent soixante-quatre mots. Le message avait mis une heure pour parvenir à Lille et deux heures pour arriver à Strasbourg, grâce au tout nouveau moyen de communication aérienne inventé par Chappe, mis en place par la Convention. Lors de la présentation du télégraphe aux députés le 26 juillet

1793, Joseph Lakanal proclamait : « Le télégraphe rapproche les distances ; rapide messager de la pensée, il semble rivaliser de vitesse avec elle. »

Rivalisant dans le lyrisme, Philipon de la Madelaine le décriait comme une sorte dc messagerie internet avant la lettre : « Chaîne immense d’ingénieuses machines qui, de Paris à l’extrémité septentrionale de la France, transmettent avec la rapidité de l’éclair les ordres qui intéressent la gloire et la prospérité de l’Etat. »

Il est vrai que tout est relatif, puisque la nouvelle du coup d’Etat du 18 fructidor an V (4 septembre 1797) ne sera connue à Bordeaux et à Marseille (qui ne bénéficient pas encore du télégraphe), que quatre ou cinq jours plus tard. Encore la nouvelle aura-t-elle bénéficié du traitement privilégié réservé aux messages du pouvoir, transmise par les courriers à chevaux les plus rapides, par des routes de poste jalonnées de relais de chevaux tous les dix à douze kilomètres. Alors qu’à Paris tout peut changer en quelques heures, il faut dix jours pour que le village le plus éloigné de la capitale soit mis au courant. Que dire de la Guyane où l’on n’apprendra la nouvelle du coup d’Etat que deux mois et demi plus tard, soit au moment même de l’arrivée des premiers déportés.

5
6

- Le 4/9/1797 le Directoire organise un coup d’état contre les royalistes qui étaient redevenus majoritaires dans les 2 assemblées 500 et des Anciens et menaçaient de revenir à l’Ancien Régime. Les élections sont annulées. 53 députés déportés. (Sic)

Texte extrait du livre : « Seuls les morts ne reviennent jamais: les pionniers de la guillotine sèche en Guyane française sous le Directoire.» De Philippe de Ladebat, 2008 - 411 pages.

7
8