Le télégraphe aérien à Metz


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LE TÉLÉGRAPHE AÉRIEN A METZ PAR
le Général GERMAIN
Membre titulaire.

Le 45 fructidor an II de la République française, c’est-à-dire le 1er septembre 1794, les machines télégraphiques que les frères Chappe avaient été autorisés à installer entre Paris et Lille, annonçaient à la Convention nationale que la place de Condé venait d’être reprise aux Autrichiens. L’Assemblée répondait immédiatement par la même voie : « L’armée du Nord a bien mérité de la Patrie », et le télégraphe faisait connaître, en retour, aux députés encore en séance, que le décret était arrivé à destination et circulait dans l’armée.

Impressionnée par cette rapidité de transmission que permettait de réaliser l’invention des Chappe, la Convention décidait, séance tenante, de rattacher toutes les frontières à la capitale par des lignes télégraphiques.

De ces lignes, celle qui était projetée pour relier Paris à la frontière du Rhin devait passer par Metz. C’est le détail de son tracé dans le département de la Moselle et les départements voisins et ce sont les installations de ses services dans la ville de Metz même que nous nous proposons de faire connaître

dans l’étude que nous présentons. Cette étude sera précédée d’une courte introduction qui nous permettra de donner un souvenir aux inventeurs du télégraphe aérien et de rappeler très succinctement quelques détails du fonctionne- ment du système.

LES FRÈRES CHAPPE

Le père des Chappe était, sous Louis XVI, directeur général des Domaines royaux à l’Administration des Finances. Il eut 5 fils : Ignace, Claude, Pierre, René, Abraham.

C’est le second de ses fils, Claude, né à Brulon, dans la Sarthe, en 1763, qui conçut le principe de l’appareil auquel a été donné son nom. On dit que l’idée lui en vint en 1791, lorsqu’il cherchait à entrer en communication par signaux avec des amis qui habitaient en vue de sa maison, mais à une assez grande distance. Ses frères l’aidèrent dans la réalisation de son projet, et en 1792, le 22 mars, il soumettait à la Convention un modèle de machine télégraphique. Une subvention de 6.000 francs lui permit de poursuivre ses essais qui aboutirent à l’adoption officielle du système. Claude Chappe recevait le titre d’ingénieur télégraphe ; ses frères Ignace et Pierre lui étaient adjoints pour la construction et la direction des lignes. Mais il ne

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devait pas jouir longtemps du fruit de son invention ; l’envie lui suscita des détracteurs qui lui contestèrent la priorité de son système et, dans une crise de mélancolie, il se suicida le 23 janvier 1805. Ignace et Pierre recueillirent sa succession avec le titre d’Administrateurs des lignes télégraphiques et occupèrent cet emploi jusqu’en 1823, époque à laquelle ils cédèrent leur place à leurs deux plus jeunes frères, René et Abraham. La chute des Bourbons fut fatale aux nouveaux Administrateurs. Abraham était destitué pour avoir refusé, le 31 juillet 1830, de faire passer dans les départements les dépêches du Gouvernement provisoire.Quant à René, on avait besoin de sa place et il fut congédié sans qu’on eût égard aux services rendus pendant près de quarante ans par la famille des Chappe. Nous ne donnerons pas le détail de construction de l’appareil Chappe dont la description peut se trouver dans tous les ouvrages spéciaux. Nous rappellerons seulement que l’appareil permettait d’obtenir 192 signaux simples se différenciant nette- ment les uns des autres à la vue. Ce nombre était suffisant pour représenter les lettres de l’alphabet, les chiffres, les signes de ponctuation et aussi toutes les indications de service. Mais une dépêche ne pouvait être transmise ainsi que lettre par lettre et son expédition demandait un temps appréciable.

On a donc imaginé de réunir deux à deux les signaux simples primitifs, et ce groupement en signaux doublés a permis de suite de disposer de 36.864 combinaisons différentes. Ce total, qui est le carré de 192, est le nombre des arrangements de 492 objets deux à deux avec répétition. Il fut dès lors facile de représenter, au moyen de ces signaux doublés, des syllabes, des mots, des phrases même ; un vocabulaire servait de clef et il était possible de le modifier à volonté pour tenir compte des circonstances d’emploi et assurer le secret des dépêches. La rapidité de la transmission se trouvait ainsi considérablement augmentée. Quant aux postes, leur emplacement était déterminé par la condition d’une bonne visibilité réciproque, et nous les trouvons naturellement établis sur les points élevés du terrain.

Leur distance était limitée par la portée des longues-vues en usage ; elle variait en général de 12 à 16 kilomètres. Sur la ligne Paris-Metz-Strasbourg, elle dépassait en certains endroits 18 kilomètres. Dans la trouée des Vosges, en particulier entre les postes de Sarrebourg et du Hohbarr, elle atteignait au début de l’organisation 22 kilomètres.

Mais cette distance était un maximum, car nous voyons l’inspecteur de la ligne se plaindre, à plusieurs

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reprises, à son directeur de Strasbourg, de la qualité des lunettes employées par ces deux postes. « Avez-vous eu la complaisance, dit-il dans une lettre du 5 germinal an VII, d’écrire à l’administration pour lui demander de très fortes lunettes pour Hohbarr et Sarrebourg ; elles y sont absolument nécessaires, car je puis vous assurer que les correspondances seront toujours entravées par le brumaire, sur ces deux points. »

Nous dirons plus loin qu’à défaut de lunettes suffisantes, un poste intermédiaire dut être ultérieurement créé à Saint-Jean-Courtzerode. Le personnel employé par le service télégraphique aérien était relativement restreint.

Chaque ligne était sectionnée en Divisions comprenant 10 à 12 postes, sous les ordres d’un Directeur, et deux préposés seulement par poste, appelés stationnaires, assuraient, à tour de rôle, la manipulation des signaux. Des inspecteurs, à raison de deux par Division, étaient chargés de la surveillance du per- sonnel et du matériel.

Les stationnaires, en dehors des indications de ser- vice, ignoraient la signification des signaux qu’ils transmettaient. Seuls, les Directeurs étaient détenteurs des vocabulaires et étaient chargés de la

traduction des dépêches. La rapidité de transmission dépendait beaucoup du zèle des stationnaires qui avaient l’obligation de ne pas prendre prétexte de toutes les circonstances atmosphériques plus ou moins défavorables pour arrêter l’activité de leur poste, mais qui devaient, pour arriver à percevoir les signaux, chercher à percer la brume, « le brumaire », suivant l’expression employée. La lecture des correspondances de service montre que les inspecteurs étaient fort occupés à surveiller le travail et la conduite de leurs agents, et à les empêcher d’abuser du signal « brumaire » pour masquer leur indolence ou leurs absences illégales.

PREMIÈRE PARTIE
LA LIGNE TÉLÉGRAPHIQUE
PARIS - METZ - STRASBOURG
I
Tracé de la l i g n e.

En exécution de la décision de la Convention nationale du 15 fructidor an II ( 1 e r septembre 1794) qui prescrivait de mettre les frontières en relation avec la capitale par le télégraphe, ordre fut donné par le Comité de Salut public, le 13 vendémiaire an III (3 octobre 1794), d’établir une ligne reliant Paris à Landau par Châlons et Metz. Le tronçon Metz - Landau ne reçut qu’une ébauche d’exécution;

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on ne tarda pas à renoncer à son établissement après l’installation d’une dérivation de Metz sur Strasbourg, qui parut suffisante pour assurer les correspondances avec l’Allemagne. La construction des différentes parties de la ligne subit d’ailleurs de longs retards provoqués surtout par le manque des crédits nécessaires, et la ligne elle même ne put être mise en fonctionnement qu’au printemps de l’an VI, plus de trois ans après l’ordre d’en commencer l’établissement. Le tableau ci-contre donne la suite des 44 stations qui la constituaient :

Si nous suivons sur la carte le tracé de cette ligne, nous la voyons, au départ de Paris, couper les méandres de la Marne jusqu’à Chevance, à hauteur de Château-Thierry, puis traverser le plateau de la Brie par le nord des marais de Saint-Gond. Elle atteignait alors le Mont-Aimé, ce piton détaché de la falaise tertiaire, que l’on aperçoit de fort loin dominant les plaines de Champagne.

Du Mont-Aimé, la ligne gagnait, en passant par Châlons, la hauteur de Valmy, sur laquelle a été édifiée en 1892 la statue de Kellermann, et franchissait ensuite l’Argonne par le défilé des Islettes pour entrer dans la vallée de la Meuse.

Puis elle utilisait les deux points culminants de

Tableau A

Sivry- la-Perche et de Douaumont, de part et d’autre de Verdun.

De Douaumont sur les côtes de Meuse, le tracé atteignait le Saint-Quentin sur les côtes de Moselle, en contournant par le nord la région d’Etain avec les stations successives de Pierreville-Eton Gondrecourt-Giraumont-Vernéville. Le Saint-Quentin communiquait avec les postes installés à Metz même sur le Palais

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de Justice.

Au-delà de la ville, la ligne était tracée parallèlement à la route de Metz à Strasbourg et comprenait les stations de Mercy, au-dessus de la Basse-Bévoye Pontoy - Xocourt ou Delme - Château-Salins - Vic - Lezey - Marimont - Languimberg, où le poste était installé dans le clocher de l’église, et enfin Sarrebourg.

La traversée des Vosges se faisait par la trouée de Lutzelbourg qui permettait d’avoir, depuis les hauteurs de Sarrebourg, des vues sur le Hohbarr au sud de Saverne. De ce point de la façade du massif qui surplombe la plaine d’Alsace, la communication se faisait en ligne droite sur Strasbourg au moyen de deux postes intermédiaires.

Enfin, à Strasbourg même, se dressait la station terminale sur la coupole du transept de la Cathédrale. Nous pouvons encore retrouver sur la carte d’état- major au l/80.000ème les emplacements de quelques- uns de ces postes qui y figurent sous les rubriques : « Télégraphe » - « Ancien télégraphe » - « Télégraphe détruit », comme nous l’avons indiqué en regard de ces postes sur le tableau précédent.

Quatre d’entre eux donnent lieu à observations.

Verdun était une station complémentaire qui n’était utile que par les temps de mauvais éclairage, la transmission pouvant se faire directement entre Sivry et Douaumont.

Le poste de Saint-Jean-Kourtzerode n’a été établi qu’après expérience des difficultés de transmission directe entre Sarrebourg et Hohbarr, difficultés que nous avons eu précédemment l’occasion de signaler. Le poste de Hohengoeft, installé sur la hauteur du Goestberg, a été remplacé en 1814 par le poste de Willgottheim sur le Kochersberg ; ce dernier est in- diqué par le mot « Télégraphe » sur la carte au 1/80.000 ème « (feuille de Strasbourg).

Le poste de Hurtigheim, mentionné sous ce nom dans des documents de l’an VII, figure sous le nom de « Télégraphe de Dingsheim » sur la même carte au 1/80.000 ème.

Les stations de la ligne Paris - Strasbourg étaient réparties entre quatre Directions ou Divisions télégraphiques.

D’autres tableaux ont été publiés de la série des postes reliant Paris à Strasbourg. Ces tableaux diffèrent sur certains points de celui que nous présentons et que nous avons établi en nous basant

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sur des renseignements recueillis dans des documents provenant de la Direction de Metz.

Nous croyons intéressant de reproduire trois de ces tableaux et de discuter les points sur lesquels nous nous trouvons en désaccord. Mais comme les documents dont nous disposons pour justifier nos assertions ne visent que la partie orientale de la ligne, nous limiterons notre discussion aux postes de notre région, c’est-à-dire à ceux qui sont compris entre Verdun et Strasbourg.

Le premier tableau est extrait de l’important ouvrage militaire : La Campagne de 1805 en Allemagne, d’Alambert et Colin, publié en 1902.

Cet ouvrage donne le tableau ci-contre des postes de la ligne Paris - Strasbourg qu’il groupe en deux Divisions seulement: La Direction de Metz administrait les postes compris entre Verdun et Château-Salins ; de Vic à Strasbourg, les postes appartenaient à la Direction de Strasbourg. Ceux de l’Argonne et de la Champagne relevaient de la Direction de Châlons et ceux de la partie occidentale de la ligne, de la Direction de Paris.

Ce tableau est accompagné des nota suivants :
1° Clermont a été porté par erreur dans ce tableau,

Tableau B

en ce qu’il est considéré comme poste auxiliaire ;
2° Le nombre de télégraphes essentiels pour la correspondance de Paris à Strasbourg se réduit à 22 ; les autres indiqués dans le tracé de la ligne ne sont qu’auxiliaires ; ils ne peuvent être utiles que dans les instants de brume ;
3° Dans les temps favorables, l’on pourra communiquer directement du poste de Saint-Quentin près Metz, à celui d’Haberacker sur les Vosges,

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quoique là distance soit près de 50 milles. Dans ce cas, les postes intermédiaires seront paralysés par un signal particulier.

Les renseignements fournis par ce tableau B prêtent aux remarques suivantes :

Observons tout d’abord que la répartition des postes n’y est faite qu’entre deux Divisions ou Directions, Paris et Strasbourg, alors que les correspondances de service échangées entre le Directeur du télégraphe de Metz et ses collègues de Châlons et de Strasbourg, et dont la copie se retrouve aux Archives Départementales de la Moselle, viennent affirmer l’existence de quatre Directions.

D’autre part, les 44 stations du tableau A sont réduites ici à 33. Limitant notre discussion, comme nous l’avons dit, aux stations comprises entre Verdun et Strasbourg, nous relevons les différences suivantes : Une station dite de Haudremont est la seule indiquée au tableau B comme station intermédiaire entre Sivry- la-Perche et Gondrecourt, bien qu’en réalité aient fonctionné les postes de Verdun, Douaumont, Pierreville, Eton, ainsi que le témoignent les correspondances de service adressées par la Direction de Metz aux stationnaires de ces divers postes. Quant au nom de Haudremont,

qui était celui d’une ferme située dans le haut du ravin descendant de Douaumont vers Bras, aucun document ne le mentionne comme poste télégraphique.

Le tableau B ne cite pas Giraumont comme poste intermédiaire entre Gondrecourt et Vernéville. Peut-être n’existait-il pas au début du fonctionnement de la ligne Paris - Strasbourg, c’est-àdire au printemps de l’an VI ; mais en l’an VII, il était en pleine activité et, dans la suite, son nom se lit fréquemment dans les registres de correspondance de la Direction.

De Vernéville à Sarrebourg les deux tableaux seraient concordants, s’il n’y avait omission, dans le second, des stations de Mercy et de Lezey.

Mais entre Sarrebourg et Strasbourg, la discordance est complète ; les noms de Haberacker et de Northeim, cités au tableau B comme postes intermédiaires, ne figurent dans aucun document télégraphique.

Ainsi nous pouvons affirmer l’existence de 24 sta- tions entre Sivry-la-Perche et Strasbourg, alors que le tableau B n’en mentionne que 16.

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Enfin, il nous suffira de relever, sans autre réfutation que l’impossibilité matérielle du fait, l’assertion d’une communication directe possible, par temps favora ble, à 100 kilomètres de distance, entre le Saint-Quentin et le poste qui aurait existé près de Haberacker, sur la façade orientale du massif vosgien, à 5 km. au sud du Hohbarr.

Un autre tableau des postes de la ligne Paris - Strasbourg, compris entre Metz et Strasbourg, est donné dans une intéressante notice qui a paru en 1913 dans la revue Elsässische Monatsschrift für Geschichte und Volkskunde, sous le titre : Die erste Telegraphenlinie in Elsass-Lothringen, et sous la signature d’Albert Fuchs, libraire à Saverne, l’éditeur de la revue lui-même.

Il donne la série suivante des postes :

Tableau C

En présentant ce tableau, l’auteur, M. Albert Fuchs, fait observer prudemment qu’en raison de l’incertitude des indications fournies par les cartes et par les ouvrages actuels, son relevé des stations ne peut prétendre à une exactitude absolue. Il a voulu seulement, dit-il, appeler l’attention des chercheurs sur les lignes télégraphiques aériennes, dont on s’est peu occupé jusqu’alors dans les ouvrages consacrés à l’histoire de l’Alsace-Lorraine.

La nature des sources auxquelles nous avons pu puiser nos renseignements nous permettra de donner satisfaction au désir exprimé par M. Fuchs, en rectifiant, avec documents à l’appui, les discordances de son tableau par rapport au nôtre. Celles-ci ne portent que sur deux points : Guéblange et Sarraltroff substi- tués à Lezey et à Sarrebourg.

M. Fuchs voit l’emplacement du poste de Guéblange sur une élévation de terrain située entre Guéblange et Dieuze et portant sur la carte allemande au 4/20.000ème l’indication de « Signal Berg ». Il place le poste de Sarraltroff sur la hauteur qui, de Sarraltroff à Réding, domine la rive droite de la Sarre, à 5 km environ au N.-N.-E. de Sarrebourg. Or, dans les documents écrits que nous avons consultés, nous n’avons trouvé nulle trace des stations de Guéblange et de Sarraltroff, alors qu’il y est

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fréquemment fait mention des postes de Lezey et de Sarrebourg.

C’est ainsi, par exemple, que les agents du poste de Lezey reçoivent, le 1er nivôse an VII, des observations pour des absences fréquentes et pour la perte d’une lunette ; en août 1815, le télégraphe de Lezey est signalé détruit. De son côté, le poste de Sarrebourg a été endommagé par un incendie en fructidor an VII ; il a été également détruit en 1815 et, par lettre du 23 août, le Directeur demande qu’on y envoie un télégraphe complet de remplacement.

Si, d’autre part, la carte française au 1/80.000ème est muette sur l’existence d’une station télégraphique à Lezey, comme de beaucoup d’autres d’ailleurs, elle rappelle cependant de la façon la plus nette (feuille Sarrebourg) l’emplacement du poste de Sarrebourg par l’indication « Télégraphe » inscrite sur la hauteur qui, bordant la rive gauche de la Sarre, domine le village de Hoff, à 2 km au N.-O. de Sarrebourg.

Nous pouvons donc, pour ces différents motifs, affirmer l’existence des stations de Lezey et de Sarrebourg et refuser d’admettre des stations à Guéblange et à Sarraltroff.

Nous trouverons encore une confirmation de nos assertions dans un dernier tableau publié dans L’Annuaire politique et économique du Département du Bas-Rhin, par le citoyen Bottin, édité à Strasbourg en l’an VIII.

Ce tableau, que M. Fuchs reproduit d’ailleurs dans sa notice, donne la suite des postes de la ligne de Strasbourg à Metz établie en l’an VI.

Tableau D

Nous remarquerons que nous sommes complètement d’accord avec ce tableau D, qui ne diffère du tableau A que par l’absence du poste Saint-Jean-Kourtzerode. Nous avons eu l’occasion de dire que ce poste n’avait pas été établi dans les premiers temps du fonctionnement de la ligne ; il n’existait donc pas en l’an VI, et ce sont les difficultés de communication entre les postes trop éloignés de Sarrebourg et du Hohbarr qui ont motivé son installation.

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On peut admettre que ce tableau publié par L’Annuaire de Bottin dans les premières années de la mise en activité de la ligne Strasbourg - Metz, a dû être établi avec tout le soin désirable et il paraît difficile dès lors d’en contester sans preuve les indications.

Pour en finir avec l’étude du tracé de la ligne Paris - Metz - Strasbourg, nous mentionnerons, d’après l’Annuaire de la Moselle, de Verronnais, de 1842, qu’en 1841 le nombre des stations a été porté de 44 à 49. Nous n’avons pas recherché sur quelles parties de la ligne a porté cette augmentation qu’auront exigée probablement les difficultés de communication éprouvées par des postes trop éloignés les uns des autres.

Lignes télégraphiques annexes

La ligne Paris - Metz - Strasbourg ne fut pas la seule ligne télégraphique qui fonctionna dans la région du Nord-Est.

Une ligne de Strasbourg à Huningue fut mise en activité en l’an VII et resta en service jusqu’au 1er pluviôse an IX seulement (21 janvier 1801).

Plus tard, au début de 1813, Napoléon 1er

prescrivit l’établissement d’une ligne reliant Metz à Mayence. Elle porta le nom de « Ramification de Mayence » et fonctionna jusqu’au début de janvier 1814. Les postes de cette ligne étaient établis dans les localités suivantes :

Metz,département de la Moselle.
Grimont, id.
Vigy, id.
Saint-Bernard, id.
Freistroff, id.
Loignon (Ihn), département de la Sarre.
Siersberg, id.
Eidenbronn, id.
Humes, id.
Urexwiller, id.
Niederkirehen, id.
Albessen, id.
Oberalben, id.

Au delà, la ligne se poursuivait dans le département de Mont-Tonnerre vers Mayence, ayant comme axe les vallées du Glan et de la Nahe.

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III
FONCTIONNEMENT DE LA LIGNE
PARIS - STRASBOURG

La ligne de Paris à Strasbourg fut mise en activité, comme nous l’avons vu, au printemps de l’an VI, trois ans et demi après la ligne Paris - Lille de la frontière du Nord.

Deux fois, le service y fut interrompu.

Une première fois, le 20 janvier 1814, la destruction par l’envahisseur d’un certain nombre de postes, et en particulier de celui du Saint-Quentin, arrêta les communications. Au milieu d’avril, le Gouvernement provisoire ordonna le rétablissement des lignes télégraphiques et il fut de suite procédé à la reconstruction ou à la réparation des postes détruits ou endommagés. Dans la Division de Metz, entre Château-Salins et Verdun, les postes de Douaumont, d’Eton, de Vernéville et du Saint-Quentin étaient totalement détruits, tandis que les postes de Delme et de Pontoy n’exigeaient que quelques réparations. Au commencement de juillet, les travaux de réfection étaient terminés, et le 15 de ce mois la communication pouvait être rétablie du côté de Paris ; du côté de Strasbourg, elle s’arrêtait momentanément au Hohbarr.

Une seconde fois, le 28 juin 1815, la communication dut s’arrêter, car quelques postes avaient été mis hors de service par les troupes alliées qui avaient envahi la région de Metz. Ordre fut donné le 1er août de remettre ces postes en état et la correspondance télégraphique put reprendre de Metz sur Paris dès le 20 août. Du côté de Strasbourg, Pontoy avait été détruit, Mercy très endommagé ; les appareils étaient à remplacer à Lezey, Marimont, Languimberg et Sarrebourg, et ce n’est que deux mois après que la correspondance put atteindre Strasbourg par la voie télégraphique.

Jusque-là, les dépêches reçues par la station de Vic étaient déposées au bureau de poste de Moyenvic, pour être transportées par poste à destination.

Enfin, trente-cinq ans plus tard, le télégraphe aérien cessa complètement de fonctionner pour être remplacé par le télégraphe électrique. Ce dernier avait été tout d’abord adopté sur les lignes de chemin de fer en construction comme un auxiliaire facilitant puissamment les communications de service, et ce fut sur les mêmes poteaux qui bordaient les voies ferrées que l’Etat installa ses premières lignes télégraphiques.

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A Metz, la ligne fut reliée en 1851 au télégraphe aérien par la pose de fils entre la gare et le Palais de Justice où étaient établis les postes aériens.

Les Annales du Département de la Moselle, de Chabert, nous apprennent, en effet, que « le 16 novembre 1851, des ouvriers ont commencé à creuser près des jardins de l’Esplanade qui regardent la façade de la maison du Heaume, une sorte de platebande continue faisant retour sur la caserne du Génie.

Dès le lendemain, on s’est occupé de fixer sous terre les grands fils conducteurs destinés à mettre en rapport la télégraphie électrique avec la télégraphie ordinaire dont le point d’arrivée pour Metz est dans les combles du Palais de Justice, du côté de la Promenade de Boufflers. Cette opération a été rapidement achevée. »

Quant au télégraphe électrique, les premiers bureaux furent installés à l’entresol de l’avant-corps de l’aile du Palais bordant l’Esplanade.

Depuis son origine, le télégraphe avait été réservé à l’usage exclusif du Gouvernement et ne transmettait que des dépêches officielles. C’est seulement en 1850 qu’une loi du 29 novembre en autorisa l’emploi

par le public, sous réserve de certaines conditions destinées à entourer des garanties nécessaires la transmission des dépêches privées.

Cette disposition venait bien tardivement donner satisfaction au voeu qu’exprimait en 1824 Ignace Chappe, dans l’Introduction à son Histoire de la Télégraphie, quand il écrivait :

« Tous les gouvernements sous lesquels les utiles et brillants services du télégraphe ont été exposés n’y ont pensé que pour en tirer parti dans les moments pressants. On a négligé de s’occuper de l’utilité générale et permanente dont il peut être en tout temps et en tout lieu ........ Le télégraphe pourrait être plus utile qu’il ne l’est pour la guerre, l’administration publique, les relations commerciales, la météorologie..... Sa vitesse produirait une grande rapidité dans toutes les relations sociales ....... Pourquoi ses facultés sont- elles restreintes à porter dans un petit nombre de villes quelques ordres, quelques nouvelles souvent peu importantes ?

Comment n’avons-nous pas deviné que des lignes télégraphiques établies depuis les principaux points des côtes et des frontières jusqu’à la capitale pourraient faire du royaume de France le régulateur du commerce de l’Europe, et de Paris le régulateur

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du commerce de la France ? »

Et l’auteur continue en développpant les avantages qui résulteraient pour une ville de la connaissance rapide de tous les mouvements et cours commerciaux, de la hausse, de la baisse, etc.

Les idées d’Ignace Chappe sur le rendement de l’invention à laquelle il avait participé se sont étrangement développées depuis lors, et la rapidité, l’instantanéité même des communications que permet le télégraphe et que sont venues renforcer la téléphonie et la télégraphie sans fil, ont aujourd’hui véritablement bouleversé l’économie des relations mondiales.

L’ouverture officielle du service de la télégraphie électrique en France eut lieu le 1er mars 1854. A Metz, il ne commença à fonctionner que le 15 juillet 4852, et les Annales de Chabert signalent qu’en septembre de la même année on a « démoli le bâtiment de bois construit dans les combles du Palais de Justice de Metz qui servait à la communication de l’ancienne télégraphie». Celle-ci avait fonctionné pendant plus d’un demi-siècle.

IV
Les Directeurs du télégraphe
de la Division de Metz

Les travaux d’installation du télégraphe à Metz furent entrepris de l’an III à l’an V, sous la direction des citoyens Jean Laguaite, conducteur des travaux, et Durant, gérant télégraphiste.

En l’an VI, le citoyen Desportes fut adjoint comme second gérant au citoyen Durant qui fut, le 25 ventôse an VII, nommé sur place à l’emploi nouvellement créé de Directeur.

Le 14 germinal de la même année, le citoyen Durant fut appelé à la Direction de Strasbourg et eut comme successeur à Metz le citoyen Lefebvre.

Celui-ci ne resta en fonctions que 3 mois, jusqu’au 7 messidor an VII, et fut remplacé par le citoyen Desportes qui porta le titre de : « Directeur de la correspondance télégraphique à la Division de Metz. »

Au 1er germinal an IX, nous relevons encore, sur un état des journées dues aux stationnaires de la Division, la signature de Desportes, Directeur, mais une lettre du 29 brumaire an X, adressée par Chappe

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lui-même au citoyen Lefebvre, Directeur à Metz, nous fait conclure à un changement dans le haut personnel par le retour du citoyen Lefebvre, changement qu’expliqueraient certains faits reprochés dans cette lettre au précédent Directeur Desportes.

Enfin, au printemps de l’an X cessa cette période d’instabilité des Directeurs et le poste fut confié à M. Rogelet qui remplissait auparavant les fonctions d’inspecteur.

M. Rogelet occupa son emploi jusqu’au 19 février 1834, date de sa mise à la retraite après 37 ans de services dans la télégraphie.

Au cours de cette longue carrière, nous relevons cependant deux interruptions.

En 1806 - 1807, il fut détaché pendant un an à l’établissement de la ligne d’Italie, prolongement de la ligne de Paris à Lyon sur Turin et Milan, et fut remplacé à Metz, jusqu’à son retour au 1er avril 1807, par un Directeur intérimaire, M. Négrier.

Dix ans après, en 1846, M. Rogelet recevait des Administrateurs des lignes télégraphiques la lettre suivante, partie de Paris le 22 février :

Les Administrateurs des Lignes télégraphiques à Monsieur Rogelet, Directeur à Metz.

« Le Ministre de la Guerre et M. le général comte Jobal vous ont signalé, Monsieur, au Ministre de l’Intérieur comme devant, dans les intérêts du Roi, être remplacé. Nous ignorons ce qui a pu donner lieu de votre part à cette inculpation ; mais il est de notre devoir de cesser de vous occuper jusqu’à ce que vous ayez retrouvé la confiance du Gouvernement.

Nous vous invitons, en conséquence, à vous rendre à Paris, muni de toutes les pièces et attestatîons que vous pouvez vous procurer pour prouver que, depuis la Restauration, votre conduite a toujours été celle d’un homme dévoué au service, du Roi et que c’est à tort que l’on vous impute les actions ou propos qui ont pu motiver la dénonciation qui est dirigée contre vous.

« Nous donnons par ce courrier ordre à M. Flocon d’aller vous remplacer provisoirement à Metz.

Vous voudrez bien lui remettre à son arrivée le vocabulaire, les tableaux des signaux pour la transmission des numéros (il s’agit des numéros gagnants de la Loterie Royale), ainsi que les fonds de la télégraphie que vous pouvez avoir entre les mains,

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et lui donner sur toutes les parties du service les instructions et renseignements dont il aura besoin. Nous vous saluons.»

Suivent les signatures des frères
Ignace et Pierre Chappe.

M. Rogelet partit aussitôt pour Paris et, après de mul tiples démarches au Ministère de l’Intérieur, dont le titulaire était M. de Vaublanc, l’ancien préfet de la Moselle, il finit par obtenir le 13 mai qu’une décision intervînt qui autorisait les frères Chappe à le réintégrer dans ses fonctions.

Le fond de l’affaire était, paraît-il, dans des propos tenus, non par le Directeur incriminé, mais par des dames. Ces propos, malignement relevés, avaient servi de base à une dénonciation lancée par un employé du télégraphe, qui avait été congédié deux ans auparavant et qui convoitait la place de son ancien chef.

A sa mise à la retraite, en 1834, M. Rogelet eut comme successeur son fils, Louis Rogelet, qui avait déjà rempli sous ses ordres les fonctions d’inspecteur.

M. Louis Rogelet prit sa retraite en 1845 et fut rem- placé par M. Lair qui fut maintenu dans son emploi de

Directeur encore quelques années après que le télégraphe électrique eût été, en 1852, substitué au télégraphe aérien.

DEUXIEME PARTIE
INSTALLATIONS TÉLÉGRAPHIQUES
DANS LA VILLE DE METZ

Ces installations comprenaient les postes télégraphiques proprement dits, les magasins au matériel et les ateliers, les logements du personnel ; elles ont intéressé deux bâtiments de la cité :

l’Hôtel du Gouvernement, le Palais de Justice actuel, d’une part, l’église Saint-Simplice aujourd’hui disparue, d’autre part. Leur étude nous permettra d’apporter une petite contribution à l’histoire de ces monuments.

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P o s t e s    t é l é g r a p h i q u e s.

Comme suite à l’ordre donné par le Comité de Salut public le 43 vendémiaire an III (3 octobre 1794) d’établir la ligne Paris - Landau, le Comité des Finances prit le 4 pluviôse an III (23 janvier 1795), un arrêté « autorisant les Corps Administratifs du Département de la Moselle à disposer des Domaines

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nationaux situés dans la Commune de Metz qui se trouveraient convenables pour l’établissement des machines télégraphiques et pour les magasins propres à en recevoir les instruments ».

Copie de cet arrêté fut adressée au Président du Département le 23 germinal an III (12 avril 1795) par la Commission des revenus nationaux.

Les agents du service télégraphique, sans attendre cette transmission, s’étaient mis au travail et avaient recherché dans la ville les bâtiments sur lesquels il serait possible d’établir les machines.

Trois édifices furent envisagés :

1° Le Gouvernement, dit encore Maison de la Haute-Pierre, qui était alors occupé par l’Administration départementale ;

2° L’église des Petits-Carmes qui abrite maintenant la Bibliothèque municipale ;

3° La tour du clocher de l’église Saint-Simplice qui s’élevait sur les terrains qui forment aujourd’hui la place Saint-Simplice.

Le choix se fixa sur la Maison de la Haute-Pierre

qui paraissait réunir le plus d’avantages, et la demande d’installation des machines télégraphiques sur ce bâtiment fut présentée au Directoire du Département. Celui-ci, dans sa délibération du 29 germinal an III (18 avril 1795), l’autorisa sous réserve que les projets et les plans seraient soumis à l’examen d’architectes désignés par cette Assemblée et qui furent les citoyens Lebrun, ingénieur de la commune, et Jaunez, l’aîné, architecte. Dans leur rapport du 16 prairial an IV (4 juin 1796), ceux-ci reconnurent que les constructions élevées sur le bâtiment ne nuisaient en aucune manière à sa solidité.

Les travaux ne furent cependant poursuivis qu’avec une certaine lenteur et furent même, en l’an V, complètement abandonnés sur le tronçon Metz - Landau, la ligne projetée de Paris à Landau devant être, comme nous l’avons dit, remplacée par la ligne de Paris à Strasbourg. Ce ne fut d’ailleurs qu’au printemps de l’an VI (1798) que cette dernière fut mise en activité. A Metz, sur le bâtiment du Gouvernement, elle comportait deux postes communiquant l’un avec Paris, l’autre avec Strasbourg.

La construction du poste qui devait primitivement desservir la direction de Landau avait reçu un

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commencement d’exécution, mais on s’était arrêté à la mise à découvert de la toiture. Cette situation ne fut pas sans causer à l’intérieur du bâtiment de grands dommages dont ne tardèrent pas à se plaindre les occupants, les Administrateurs du Département, dans une longue correspondance échangée, deux années et demie durant, tant avec les agents du télégraphe qu’avec les Ministres des Finances et de l’Intérieur. Le 22 brumaire an V (10 novembre 1796), ils écrivaient en ces termes au Ministre des Finances :

« Nous vous adressons, avec les pièces jointes, une expédition de notre arrêté du 19 de ce mois, sur un mémoire du Directeur des Domaines nationaux, relatif aux inconvénients qui résultent de la lenteur dans la construction des ouvrages du télégraphe sur une partie du bâtiment du Département qui est à découvert, ledit arrêté portant que vous serez invité à prendre des mesures pour prévenir les détériorations ultérieures qui surviendront à ce bâtiment. »

Deux mois plus tard, 28 nivôse an V (18 janvier 1797), l’architecte Blancheville faisait connaître aux Administrateurs la nature et l’étendue des dommages.

« Le citoyen Antoine Biancheville, architecte à Metz et conservateur de la Maison de la Haute-Pierre, écrit-il, expose qu’il y a quelque tems qu’il vous a

prévenu, Citoyens, par observations, de ce qui s’arrive aujourd’huy par l’abondance des pluyes ; le tout provenant par la découverte d’une partie de toiture de cette Maison faitte par les télégraphes.

A ce jour, il vient d’être prévenu que cette ouverture causait des dégradations considérables. L’empressement de l’exposant a été de se transporter sur le champ dans les parties ; et effectivement y a reconnu que dans la salle de l’angle, les gouttières y étaient si abondantes que les plafonds en sont très humides, changés de couleur par les eaux pluviales qui filtrent abondamment depuis le haut jusqu’en bas; ce qui les endommage si fort ainsy que tous les bois qui en dépendent que si l’on n’y pourvoit sur le champ, qu’au premier instant, tout tombera ; ce qui entraînera à des dépenses très considérables.

Sur ce rapport accéléré, il attend donc les ordres de l’Administration.

Salut et fraternité. Biancheville. »

Le gérant des travaux télégraphiques, le citoyen Durant, auquel a été communiqué le rapport de l’architecte, fait connaître que l’arrêt des travaux a pour cause un manque de crédits. Il a bien entre les mains depuis plus d’un mois trois ordonnances de

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20.000 fr. chacune sur les caisses de Verdun, Metz et Strasbourg, mais aucune de ces caisses n’a pu encore lui verser le moindre acompte.

Trois mois après (le 14 floréal an V), le même citoyen Durant, dans un long rapport adressé aux Administrateurs, revient sur les causes qui empêchent la continuation des travaux :

« La dépréciation progressive ou plutôt la chute totale du papier monnaie, dit-il, ont réduit à presque rien les fonds destinés à la confection de ces travaux et le passage du papier au numéraire rendant extrêmement difficile l’expédition de nouveaux fonds, j’ai été obligé d’interrompre les travaux dans le courant de brumaire dernier. »

Il demande aux Administrateurs d’intervenir auprès du Ministre des Finances pour qu’il puisse toucher sans retard aux caisses de Verdun, Metz et Strasbourg, les crédits qui lui ont été accordés.

« Le bâtiment du Département souffre considérablement de ce retard, ajoute-t-il, mais tous les points de la ligne depuis Verdun jusqu’à Strasbourg sont aussi très avancés et plusieurs des maisons sont élevées au point où vous voyez celle de Saint-Quentin et sont devenues des propriétés

nationales dont il est urgent d’assurer la conservation. »

Et il conclut par l’observation suivante : « Si les motifs qui ont donné naissance à cet établissement du télégraphe pour les secours qu’on en espérait en temps de guerre, n’existent plus par l’espoir d’une paix générale, les avantages précieux que le Gouvernement, le Commerce et les Arts doivent en retirer en temps de paix, sont une raison puissante d’achever ces travaux pour lesquels les plus grandes dépenses sont faites. »

Ces idées de l’agent télégraphique sur l’utilisation du télégraphe autrement que pour les seuls besoins de la guerre devaient être développées, vingt-cinq ans plus tard, comme nous l’avons vu, par Ignace Chappe, l’un des inventeurs du système.

Par lettre du 17 floréal, les Administrateurs envoient le rapport du citoyen Durant au Ministre des Finances et renouvellent leur réclamation successivement le 19 prairial et le 29 thermidor de la même année V, manifestant, en outre, dans leur dernière lettre leur regret de voir salarier les agents télégraphistes dont le service, depuis la suspension des travaux, a été purement contemplatif ».

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Une année se passe, la ligne de Strasbourg est enfin mise en service au printemps de l’an VI, mais la toiture est toujours béante en un point.

Le 16 messidor de cette année (5 juillet 1798), les Administrateurs s’adressent alors au Ministre de l’Intérieur, espérant être plus heureux qu’avec son collègue des Finances. Ils lui signalent ce qu’ils appellent « l’état de dépérissement où se trouve le bâtiment de la Haute-Pierre par la construction abandonnée d’un télégraphe ».

Cette fois, ils obtiennent une réponse. Le Ministre, François de Neufchâteau, par lettre du 8 fructidor, suggère que le parti le plus avantageux serait de parfaire la cage du télégraphe. « Peut-être, dit-il, n’y placera-t-on jamais la machine à signaux, parce que la ligne de Paris à Landau a été supprimée et suppléée par celle de Strasbourg maintenant en pleine activité. Au moins cette cage servira de belvédère au bâtiment avec cet avantage qu’il en coûtera moins cher pour que pour remettre les choses dans leur premier état »

............. « Mais avant de mettre la main à l’oeuvre, ajoute le Ministre, il serait nécessaire que vous m’envoyassiez un aperçu de la dépense afin que je l’approuve et que je prenne des mesures pour la faire

payer sur les fonds de l’administration télégraphique.

Salut et Fraternité.

François de Neufehâteau. »

Cet aperçu de la dépense fut envoyé le 3ème jour com- plémentaire de l’an VI au Ministre qui, dès le 13 vendémiaire an VII (5 octobre 1798), répondit en ces termes :

Le Ministre de l’Intérieur à l’Administration Centrale du Département de la Moselle à Metz.

« Citoyens, j’ai examiné le détail estimatif que vous m’avez adressé le 3ème jour complémentaire et que je vous avais demandé par ma lettre du 18 fructidor dernier, des ouvrages à exécuter pour réparer la Maison de la Haute-Pierre où vous tenez vos séances, lesquels ouvrages sont nécessités par la construction d’une cage de télégraphe qui a été abandonnée.

Quoique l’estimation monte à 16.000 fr. et que je prévoye qu’il sera peut-être difficile d’acquitter cette somme régulièrement, il semble qu’on ne peut guère différer de mettre la main à l’oeuvre pour prévenir la détérioration des bâtiments qui augmente de jour en

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jour, suivant les certificats que vous m’en avez adressés. En conséquence, je vous invite à passer une adjudication publique qui procurera sûrement un rabais dans les prix, et à charger l’Ingénieur en chef des Ponts et Chaussées, ou bien un architecte de votre choix, de surveiller les travaux de manière à obtenir une bonne exécution. Vous voudrez bien insérer pour condition, dans le cahier des charges, que l’adjudicataire et sa caution seront soumis à la contrainte par corps pour l’exécution de leur marché et traités comme tous les entrepreneurs de travaux publics.

L’entrepreneur recevra des acomptes sur des états de proposition que vous remettra l’ingénieur; vous me les adresserez avec votre approbation et je les ordonnancerai pour être payés en proportion des fonds décadaires qui me seront distribués par le Directoire exécutif, car quelque urgente que soit la réparation de la maison de la Haute-Pierre et quelque désir que j’aye d’y pourvoir, les payements que j’ordonnerai seront toujours subordonnés aux distributions qui sont faites aux différents Ministres chaque décade et aux besoins relatifs de chaque Ministère.

Salut et fraternité. François de Neufchâteau. »

La dépêche ministérielle fut immédiatement communiquée aux citoyens Saget, Ingénieur en Chef, et Blancheville, architecte, avec invitation à dresser un procès-verbal des charges, clauses et conditions des travaux de réparations, l’adjudication étant fixée au 5 brumaire (27 octobre).

L’avis suivant, imprimé chez Antoine, imprimeur du Département, fut par suite affiché :

Avis

L’Administration Centrale du Département de la Moselle prévient ses concitoyens que le 5 Rrumaire prochain, dix heures du matin, il sera procédé dans la salle ordinaire de ses séances, à l’adjudication au rabais des réparations à faire dans la partie de la maison dite de la Haute-Pierre, où devait être construite une cage de Télégraphe.

Le tout aux clauses et conditions du cahier des char- ges dressé à cet effet, dont les curieux pourront prendre connaissance au secrétariat de cette Administration, et à charge de caution de la part de l’adjudicataire.

Metz, le 16 vendémiaire an 7 de la République française.

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Signé : Rolland, Barrault, Legoux, Administrateurs ; Albert, Commissaire du Directoire exécutif, et Lajeunesse, Secrétaire en chef.

Les conditions imposées aux candidats à l’adjudication furent-elles de nature à les effrayer ? Nous avons vu, en effet, par la lettre du Ministre du 13 vendémiaire, que les pénalités allaient jusqu’à la contrainte par corps, c’est-à-dire la prison, pour l’entrepreneur et même sa caution, et qu’en regard, le paiement des travaux n’était assuré qu’avec certaines restrictions. Toujours est-il que le 8 brumaire, les Administrateurs signalaient au Ministre qu’aucun « curieux » ne s’était présenté.

Ils lui transmettaient en même temps un nouveau rapport de l’Ingénieur en Chef Saget et de l’architecte Blancheville, demandant que l’on revienne sur la décision de maintenir comme belvédère la cage de télégraphe commencée à l’une des extrémités du bâtiment de la Haute-Pierre pour la ligne de Landau. Cette cage avait été prévue de construction massive pour l’usage du télégraphe ; mais si elle ne devait jamais être utilisée pour recevoir une machine, il valait mieux, dans l’intérêt du bâtiment qu’elle surchargerait inutilement, la supprimer et rétablir l’ancien état de lieux. Le rapport faisait, en outre, remarquer que l’adjudication nouvelle lésait les

intérêts des entrepreneurs qui avaient commencé les travaux et il concluait en demandant au Ministre une décision sur les questions suivantes :

1° La machine et les mouvements du télégraphe seront-ils établis sur la portion du bâtiment de la Haute-Pierre où des travaux ont déjà été commencés ?

2° Le Ministre n’a-t-il pas approuvé par sa lettre du 13 vendémiaire an VII, la construction de la cage du télégraphe, parce qu’il a vu qu’il n’y avait pas d’autre moyen de pourvoir à la solidité du bâtiment ?

A ces questions, le Ministre, par décision du 28 frimaire (19 décembre 1798), répondit :

Sur la première question, il reconnaît que le Comité de Salut public avait bien ordonné le 12 vendémiaire an III la construction d’une ligne télégraphique de Paris à Landau par Metz, mais que cette ligne n’avait pas été achevée et que les agents déjà placés à diverses stations en avaient été retirés pour compléter la ligne de Strasbourg qui, maintenant, paraissait la seule nécessaire pour correspondre avec l’Allemagne. En conséquence, cette ligne de Landau doit être regardée comme supprimée et les machines ne seront pas posées sur le bâtiment de la Haute-

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Pierre.

A la seconde question, le Ministre répond qu’il a donné son approbation, non pour le motif indiqué, mais parce qu’il a vu, d’après le procès-verbal des « artistes », les citoyens Saget, Blanche ville et Gardeur Lebrun, que c’était le moyen le plus expéditif et le moins dispendieux de réparer le bâtiment.

Mais il est disposé à adopter la nouvelle proposition présentée par les mêmes artistes et il ne peut, d’ailleurs, que s’en rapporter aux lumières et au zèle des Administrateurs.

Au reçu de cette réponse, les Administrateurs demandèrent le 2 nivôse (22 décembre 1798) les autorisations et les crédits nécessaires au Ministre des Finances qui, le 18 floréal an VII (8 mai 1799), fit connaître à son collègue de l’Intérieur qu’il venait de donner à la régie de l’enregistrement l’ordre de commencer les travaux de réparation de la Haute-Pierre. Cette décision fut communiquée aux Administrateurs par une lettre du Ministre de l’Intérieur du 23 prairial. Elle terminait une affaire qui attendait une solution depuis deux ans et demi et qui intéressait au plus haut point la conservation d’un des beaux édifices de la ville.

La ligne télégraphique Paris-Strasbourg, comme nous l’avons dit au début de ce chapitre, était desservie à Metz même par deux postes édifiés sur l’Hôtel du Gouvernement et communiquant l’un avec la direction de Paris et l’autre avec celle de Strasbourg. Nous avons cherché à préciser leur emplacement en même temps que celui du poste qui avait été prévu pour la direction de Landau et dont l’arrêt de construction avait provoqué les incidents dont nous venons de donner la relation.

Mais les nombreux plans du Palais que nous avons Consultés tant à la Bibliothèque municipale que dans les archives du Service départemental de l’architecture ne sont malheureusement accompagnés d’aucune légende, et leur examen n’a pu nous donner le résultat que nous espérions.

Les seuls documents que nous ayons trouvés concernant ces emplacements, et qui n’ont d’ailleurs aucune sanction officielle, sont les suivants :

1° Les Annales de Chabert, que nous avons déjà citées précédemment à propos de l’installation du télégraphe électrique entre la gare et le Palais de Justice en 1854, mentionnent que le point d’arrivée pour Metz du télégraphe ordinaire, c’est-à-dire du télégraphe aérien, était dans les combles du Palais

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du côté de la promenade de Boufflers. Ce renseignement se trouve confirmé, pour nous, par le souvenir d’un ami, très vieux Messin, qui se rappelle avoir vu, dans son enfance, l’appareil Chappe installé sur le milieu de l’aile dominant le jardin Boufflers.

2° D’autre part, nous avons le dessin bien connu de Leborne, reproduit dans le Guide de Metz, de Béghin, de 1834, puis dans l’Atlas des Vues de Metz de notre confrère M. Prillot, et aussi dans 1' « Etude sur l’Esplanade de Metz » de M. Hirtz, insérée dans les Mémoires de l’Académie de 1913.

Ce dessin représente la façade principale du Palais, la façade d’entrée regardant le sud-est dont les deux avant-corps sont surmontés chacun d’un télégraphe.

Ce double renseignement, la citation de Chabert, d’une part, le dessin de Leborne, d’autre part, porte donc à trois le nombre des postes installés en fin de compte sur l’Hôtel du Gouvernement. En effet, si jusqu’en 1813, deux postes seulement étaient nécessaires, l’établissement prescrit par Napoléon 1er, en cette même année, de la ramification de Mayence, exigea l’organisation à Metz d’un troisième poste dont mention est d’ailleurs faite en ces termes dans l’Annuaire de la Moselle de Verronnais pour

l’année 1814: « Ligne de Paris à Strasbourg, 4 Divisions, 45 télé- graphes et Ramification de Mayence, 2 Divisions, 22 télégraphes. Il s’en trouve trois à Metz, chef-lieu de la 3ème Division de la ligne de Paris et de la 1ère Division de la ligne de Mayence. »

De ces trois postes, celui qui dominait le jardin Boufflers était évidemment celui qui communiquait avec le Saint-Quentin desservant la direction de Paris. Il nous reste à déterminer celui des deux autres qui desservait la direction de Strasbourg.

La transmission des dépêches qui traversaient Metz nécessitait un transport d’un poste à l’autre de la copie des signaux reçus. Cette opération matérielle donna un jour lieu à un petit incident tragi-comique narré par le Directeur, M. Rogelet, dans une lettre adressée le 24 février 1820 à l’Administration télégraphique à Paris.

« J’ai l’honneur, écrit-il, de vous informer qu’hier en allant avec empressement au télégraphe côté de Strasbourg, pour prendre les signaux qui y arrivaient, à l’effet de les mettre au poste côté Paris, ayant sous le bras mon vocabulaire, il m’est échappé dans une chute que j’ai faite sur la toiture et, s’étant ouvert, il s’en est détaché les feuilles 40 et 44 qui ont été

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enlevées par un violent coup de vent assez loin dans la ville pour que je n’aie pu les retrouver jusqu’à ce moment. Je les fais réclamer de toutes parts. Peut-être me seront-elles remises ; mais dans l’incertitude, je vous prie de m’envoyer de suite les deux feuilles en par- chemin, s’il est possible.

Malgré cette perte qui m’est infiniment sensible, je vous prie de ne point en concevoir d’inquiétude, ces feuilles ne contenant aucune note écrite, ni signaux.»

De cet incident, nous retiendrons que les feuilles ne tombèrent pas dans la cour, mais qu’elles furent de suite enlevées hors du Palais sur la ville et nous en déduirons d’abord que le vent violent venait d’ouest, et ensuite que la circulation entre les deux postes s’était faite sur la toiture de l’aile longeant la rue de la Garde. Comme conséquence, le poste correspondant avec la direction de Strasbourg paraît être celui qui était installé sur l’avant corps de droite de la grande façade, voisin de la rue de la Garde. Le dessin de Leborne vient à l’appui de cette déduction, car nous pouvons y constater qu’une fenêtre ouverte dans la couverture du poste permettait d’avoir des vues dans la direction de la station de Mercy.

Dans le télégraphe de l’avant-corps de gauche, du côté de l’Esplanade, une fenêtre analogue permet de

voir Grimont, première station de la ramification de Mayence. Ce télégraphe devait donc constituer le troisième poste qui avait été construit en 1813 ; il aurait été conservé même après la suppression de la ramification, qui cessa de fonctionner, comme nous l’avons dit, en janvier 1814, date de l’invasion ennemie. Tout porte à croire que ce poste fut établi sur l’emplacement prévu primitivement pour desservir la ligne de Landau et dont la mise à découvert de la toiture donna lieu aux incidents que nous avons racontés.

II
Magasins au matériel et ateliers.

Aussitôt connu l’arrêté du 4 pluviôse an III autorisant l’utilisation des Domaines nationaux pour les installations télégraphiques, le conducteur des travaux, le citoyen Jean Laguaite, adressa le 24 pluviôse (13 février 1795) aux Administrateurs du district de Metz une demande d’affectation d’une « église assez vaste pour établir un atelier à l’effet de confectionner les ouvrages qui lui sont nécessaires et un local pour le chef dudit atelier ».

Cette demande fut transmise au Directeur des Domaines nationaux qui, après entente avec le citoyen Laguaite, proposa l’utilisation de la ci-devant

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église Simplice, sur l’assurance que l’occupation ne dépasserait pas cinq à six mois. Cette église avait été transformée pour servir de halle au blé et, comme le délai imposé ne la soustrairait que momentanément à cette destination, le Département, dans sa séance publique du 28 pluviôse (17 février 1795), donna satisfaction à la demande du service télégraphique.

La ci-devant église Simplice, comme tous les édifices et établissements religieux nouvellement désaffectés, avait déjà fait l’objet de la part de divers services de demandes d’occupation qu’il nous paraît intéressant de mentionner et dont nous devons le détail à l’obligeance de notre confrère M. l’abbé Lesprand.

Dès le mois d’août 1791, le Directeur de la Monnaie voulut en faire un dépôt des cloches destinées à la fabrication de sous ; le voisinage de l’Hôtel de la Monnaie justifiait cette proposition à laquelle il ne fut pas cependant donné suite. Au mois d’octobre suivant, une demande d’affectation de l’église au culte catholique non constitutionnel fut naturellement rejetée.

En août 1792, l’église fut utilisée pour recevoir les denrées qu’au moment de l’invasion ennemie, les habitants de la campagne avaient été invités à entrer

en ville pour les soustraire aux réquisitions ennemies.

Saint-Simplice devait recevoir les denrées entrant par la porte Mazelle et la porte des Allemands. Ce dépôt subsista jusqu’au 10 février 1793, et le mois suivant, le 21 mars, les locaux furent utilisés par le citoyen Arnould, Inspecteur des Equipages d’Artillerie, qui y emmagasina le matériel de rechange de ces équipages et y installa des ateliers de bourrellerie.

Mais le 24 juin, la Commune de Metz se mit elle-même en instance pour obtenir l’affectation de Saint-Simplice comme halle au blé. La proximité de cet édifice du marché aux grains qui se trouvait sur l’ancienne place Saint-Louis, devenue place de la Liberté, le désignait, en effet, pour cet usage ; aussi le district émit-il un avis favorable auquel se rallia le Département le 8 brumaire an II (30 octobre 1793), la décision ne pouvant d’ailleurs être prise qu’à Paris par la Convention. Sans l’attendre, la Commune fit de suite aménager l’église pour sa nouvelle utilisation et le Département envoya le 29 brumaire (19 novembre 1793) les équipages d’artillerie s’installer dans l’église Saint-Livier. Deux mois après, à la fin de nivôse, la halle au blé était en état de fonctionner; mais son utilité était contestable, car nous savons que les bourreliers d’artillerie ne furent pas dérangés, dans leur travail.

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Un an plus tard, le 28 pluviôse an III, on pouvait donc, comme nous l’avons vu, autoriser sans inconvénient l’occupation temporaire de l’église Saint-Simplice par le nouveau service télégraphique.

Les prétentions de ce dernier ne s’arrêtèrent pas à la seule église. L’Instruction élaborée par la Commission des Travaux publics et approuvée par le Comité de Salut public, concernant le mode d’exécution et de comptabilité des travaux de la ligne télégraphique de Paris à Landau, spécifiait, en effet, dans son article 3 : « A Châlons, Metz et Strasbourg, il sera affecté au gérant télégraphique un local national convenable tant pour son logement que pour l’entrepôt des bois et instruments destinés à l’établissement de la ligne. »

Et à l’art. 5 il était dit : « II sera, en outre, attaché à chacun des entrepôts de Châlons, Metz et Strasbourg, un principal ouvrier chargé de surveiller la parfaite exécution des modèles envoyés de Paris et de recevoir et d’ajuster les pièces du télégraphe. »

D’autre part, l’Instruction générale à l’usage des gérants de la ligne télégraphique de Paris à Landau, Instruction portant la signature de Chappe, Directeur télégraphe, ajoutait : « L’ouvrier entreposeur doit être logé dans le local choisi pour entrepôt, afin qu’il

puisse veiller à ce qu’il ne soit fait aucune soustraction. Il y déposera les pièces fournies par les entrepreneurs de la Division et celles qui seront envoyées de Paris. »

Conformément à toutes ces instructions, le Gérant télégraphique de Metz, le citoyen Durant, demanda, le 11 ventôse an III (1er mars 1795), aux membres du district de Metz d’ajouter à la jouissance de l’église Saint-Simplice accordée au citoyen Laguaite, celle « de deux places vacantes qui étaient occupées par le ci-devant vicaire ; l’une de ces chambres pourra former le logement de l’entreposeur, et l’autre servira de bureau et de dépôt des modèles ».

Sur l’assurance écrite du citoyen Laguaite que, « pour les récoltes prochaines, les deux chambres et l’église seront libres et à la disposition de la commune de Metz », le Département, dans sa séance publique du 18 ventôse an III (8 mars 1795) adopta l’avis du district, qu’il y avait lieu d’accorder à l’exposant l’usage des deux chambres qu’il demandait.

Voyons quelle suite fut donnée à cette promesse de rapide restitution des locaux faite par les agents télégraphiques.

Le 3 fructidor an III, c’est-à-dire le 20 août 1795 à

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l’expiration du délai indiqué de cinq à six mois, la municipalité intima au citoyen Durant l’ordre d’évacuer les locaux occupés par son service, sauf à s’adresser aux Corps Administratifs pour obtenir un autre emplacement. Les vues du citoyen Durant se portèrent sur la maison des ci-devant Trinitaires où se faisait la distribution du pain de la 2ème section de la ville, et il présenta une demande d’affectation qui fut transmise au Ministre des Finances le 29 brumaire an IV (20 novembre 1795) par le Département. En raison de l’urgence destravaux des télégraphes, celui-ci crut devoir, sans attendre la décision du Ministre, autoriser provisoirement l’occupation des Trinitaires par le service télégraphique, la distribution du pain de la 2ème section devant être transférée dans l’église des Soeurs Collettes. Mais ce transfert fut reconnu impossible et le service de distribution dut revenir aux Trinitaires.

Comme la nécessité d’une halle au blé ne se faisait toujours pas sentir, la municipalité fut amenée à revenir sur sa mise en demeure et à rendre au service télégraphique l’usage de l’église Saint-Simplice et du presbytère. Ce dernier bâtiment ne tarda d’ailleurs pas à être vendu et dut être évacué en messidor an IV (juin 1796). Il n’en fut pas de même de Saint-Simplice dont l’occupation se prolongea jusqu’en l’an VIII et ne cessa que dans les

circonstances suivantes.

Le 13 frimaire an VIII (4 décembre 1799), l’Administration centrale du Département voulant, pour en finir, brusquer les choses, avait pris un arrêté prescrivant à l’architecte départemental de faire état des bois en dépôt dans la ci-devant église pour être vendus le 25 frimaire (16 décembre) et de laisser libre ladite église pour recevoir les grains des marchés.

Le citoyen Desportes, l’ancien agent télégraphique, nommé Directeur à Metz quelques mois auparavant, proteste dans une lettre du 20 frimaire contre cette mesure, en faisant remarquer que la plus grande partie de ces bois servaient journellement aux réparations des télégraphes dans les Directions de Metz et de Strasbourg. « C’est un dépôt qui me parait sacré», dit-il, et il ajoute qu’il a d’ailleurs montré à l’architecte, le citoyen Blancheville, les bois qui lui paraissaient indispensables à garder et que ce dernier lui a donné l’assurance qu’il en ferait dans son rapport un article séparé.

Il demande, en conséquence, que ces bois soient conservés dans l’église Saint-Simplice, en y faisant une séparation entre la nef et le choeur, ou bien qu’ils soient transportés dans l’église des ci-devant Carmélites où il croit avoir vu du sel. « Je compte sur

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votre justice », conclut-il.

Deux jours après, le 22 frimaire, le Département prescrivait à l’architecte de distinguer sur son procès-verbal de reconnaissance et d’estimation des bois à vendre, ceux qui pouvaient être utiles aux réparations des télégraphes en activité. Ces bois seraient déposés, aux frais de l’agence télégraphique, dans les salles basses du bâtiment de la Haute-Pierre qui donnent sur l’Esplanade, et l’architecte devait veiller qu’il ne soit commis aucune dégradation lors de leur mise en place.

Ces dispositions, qu’une lettre du Département du 7 nivôse an VIII (28 décembre 1799) portait à la connaissance du Directeur du télégraphe, libéraient l’église Saint-Simplice où pouvait enfin s’installer le service du marché au blé, après les six années qu’avait duré le délai de six mois primitivement accordé.

Le bâtiment de la Haute-Pierre devenait alors le grand centre télégraphique de Metz.

III
Logement du personnel.

Nous avons dit précédemment que le Comité des Finances avait, dans son arrêté du 4 pluviôse an III, autorisé l’usage des Domaines nationaux pour l’établissement des télégraphes. Mais il prenait soin, dans cet acte, de déclarer « qu’il n’y avait pas lieu à délibérer sur la demande en autorisation pour les Corps Administratifs de fournir au citoyen Chappe dans les villes de Châlons, de Metz et de Strasbourg, le logement des employés qui devaient se le procurer sur leur traitement ». Le Comité considérait, en effet, « qu’il était contraire aux intérêts de la République de se charger du logement de ses fonctionnaires et agents, lorsqu’il n’y avait pas nécessité absolue et que les frais d’emménagement et de déménagement ne sont pas les seuls inconvénients résultant des dispositions qu’on fait légèrement des effets nationaux».

Ce cas de nécessité absolue avait été admis, comme nous l’avons vu, pour le gérant du matériel et le principal ouvrier des ateliers qui avaient été logés dans le presbytère de l’église Saint-Simplice.

Il en fut de même du Directeur du télégraphe que son service de traduction des dépêches obligeait à

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résider tout à proximité de ses postes et qui fut autorisé à habiter à l’Hôtel du Gouvernement où il occupait un logement au 3ème étage de l’aile donnant sur l’Esplanade.

Ce logement fut maintenu, tout au moins dans les débuts, au Directeur du télégraphe électrique dont les bureaux et les employés furent en 1851 installés, comme nous l’avons dit, à l’entresol de l’avant-corps sud de la façade du Palais.

Pour nous résumer, un magasin doublé d’un atelier, les logements du Directeur et de deux employés au matériel, et enfin trois postes de faible surface, dont la saillie sur la couverture de l’Hôtel du Gouvernement devait quelque peu déparer l’allure architecturale de ce monument, telles sont les installations qu’a nécessitées, dans Metz même, le fonctionnement du télégraphe aérien.

Ces installations étaient en somme peu importantes et leur simplicité s’accordait bien avec celle du système Chappe lui-même.

Source : Académie Nationale de Metz - 1923.

RAPPORT SUR LA CANDIDATURE
À TITRE DE MEMBRE TITULAIRE DE
L’ACADEMIE DE METZ
DU GÉNÉRAL DE DIVISION GERMAIN

Le Général GERMAIN, dont la candidature a été présentée par un certain nombre de nos collègues, est né à METZ le 1er février 1861, d’une ancienne famille messine.

De 1868 à 1874, il y fut élève de cette Maîtrise, fondée par Mgr. DUPONT-DES-LOGES, dirigée par le vénérable Abbé CORDONNIER, qui a fourni tant de bons serviteurs de la France, et dont le souvenir est encore vivace dans le cœur des vieux Messins.

Il entra à l’Ecole polytechnique en 1881, puis, en 1883 à l’Ecole d’Application de l’Artillerie et du Génie à FONTAINEBLEAU, comme S/Lieutenant, Elève du Génie, Lieutenant (du Génie) à VERSAILLES, il passa comme Capitaine à COMMERCY d’abord, puis à TOUL, avant d’être appelé à l’École d’Application comme professeur - adjoint du cours de Géographie. Le personnel de cette Ecole ayant été complètement renouvelé à la suite d’une lamentable affaire politique, le Capitaine GERMAIN fut envoyé à NANCY.

Lors de sa promotion au grade de Chef de

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Bataillon, il fut appelé au Ministère de la Guerre, et chargé, à la Direction du Génie, des importantes fonctions de chef de la Section de Casernement.

Comme Lieutenant - Colonel, il fut successivement Directeur de Génie à CHERBOURG, puis à EPINAL. En 1914, il était Colonel Commandant le Génie de cette place de guerre, l’une de nos quatre grandes places fortes du Nord-Est.

En Octobre 1915, il prit le commandement du Génie du 21ème Corps d’Armée, qu’il conserva jusqu’en juillet 1916, où il fut rappelé au Ministère comme Chef du Bureau du matériel du Génie.

Promu Général de brigade en janvier 1918, il fut nommé au commandement du Génie de l’Armée GOURAUD (4ème Armée).

En août 1919, il commanda le Génie de la 7ème région et de la 20ème région. C’est dans ce poste qu’il fut promu Général de Division ; il le quitta pour les fonctions d’Inspecteur technique des travaux du Génie, et de membre du Comité technique de cette armée.

Le Général GERMAIN est Commandeur de la Légion d’Honneur, et titulaire d’une citation à l’ordre

du 21ème C.A. et d’une citation à l’ordre de la 4ème Armée.

Cette énumération, brillante certes, mais aride comme un ‘État de service’, s’anime et s’illustre singulièrement lorsqu’on fait appel aux souvenirs des amis du Général GERMAIN, auxquels il est indispensable de s’adresser, puisque lui-même prétend n’avoir jamais fait que remplir simplement son devoir.

Voyons-le d’abord comme professeur à l’École d’Application.

Il y fut le collaborateur du Commandant O. BARÉ. Tous deux ont opéré une véritable révolution dans l’enseignement de la géographie. Jadis l’étude de cette science consistait presque uniquement à s’assimiler une nomenclature fastidieuse ; le cours BARÉ - GERMAIN fit époque et domina bientôt non seulement l’enseignement militaire, mais aussi l’enseignement supérieur et l’enseignement secondaire en France. Basé sur l’étude de la géologie, il exposait tout d’abord l’histoire, d’une région à travers les périodes successives de la formation du sol ; il en déduisait la nature et la physionomie actuelles, il en tirait logiquement la raison d’être de ses produits minéraux et végétaux de

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la race et des mœurs de ses habitants.

Le Capitaine GERMAIN était donc un savant au premier titre, et son œuvre subsiste encore toute entière. Comme chef de bataillon, chef de la section de Casernement à la direction du Génie, il eut à traiter, avec le Service de Santé, d’importants projets de remaniement et de perfectionnement, qui furent fort remarqués ; ces travaux ne devant pas sortir du Ministère, nous ne pouvons que les citer pour mémoire, sans en faire état comme il serait à souhaiter.

Nous allons le voir maintenant à l’œuvre comme Commandant du Génie de la 4ème Armée. Dans ce poste éminent, et comme collaborateur de l’héroïque Général GOURAUD, il fut un organisateur et un technicien de premier ordre.

Pendant la longue période de stabilisation il s’appliqua à l’organisation du front, qui, de l’avis de tous les commandants de Corps d’Armée ou de Division qui se succédèrent en Champagne, constitua un modèle du genre ; les positions défensives successives, les chemins de fer, les communications électriques, les camp d’instruction ou de repos, les routes, les alimentations en eau, bref toutes les organisations matérielles qui, pendant la guerre,

étaient à la base de la vie militaire, furent supérieurement traitées par cet officier Général. Il eut sa récompense en voyant, le 15 juillet 1918, l’armée allemande se briser définitivement, dans une suprême ruée, contre ce front formidablement organisé ; et l’on peut dire que la victoire de Champagne, qui, après nos revers sérieux de mars et de mai 1918, marque un véritable tournant de l’histoire, est, en partie, l’œuvre du Général GERMAIN.

Puis, en septembre et octobre 1918, ce fut la foudroyante offensive, qui mena la 4ème Armée aux portes de SEDAN et de MÉZIÈRES ; il fallut faire traverser à nos troupes une région entièrement dévastée par l’ennemi, où toutes les communications, routes, ponts, voies ferrées étaient détruites. Le Général GERMAIN se multiplia, anima de sa foi ses belles unités du Génie et réalisa partout des miracles : les pistes, les routes, les ponts de bateaux, les ouvrages de toute nature se multiplièrent de tous côtés, et le Génie de l’Armée sut, non seulement éviter la faillite qu’on aurait pu craindre, mais se couvrir de gloire dans une région où HINDENBOURG, préparant sa retraite, avait organisé ce qu’on a appelé depuis le procédé des ‘destructions massives’.

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Une très belle citation à l’ordre de l’Armée, accordée par le Général GOURAUD, qui s’y connaissait en hommes, fut la juste récompense du Général GERMAIN.

Depuis l’armistice, le Général GERMAIN s’est donné entièrement comme dans tout le cours de sa carrière, aux fonctions qui ont été confiées à ses précieuses qualités techniques et morales.

L’heure de la retraite va incessamment sonner pour lui ; il viendra alors, dans sa chère ville natale, dont la libération fut, comme pour nous tous, l’idéal de sa vie, reprendre à l’Académie de METZ, la tradition des illustres professeurs de l’École d’Application de METZ : des Poncelet, des Morin, des Gosselin, des Didion, des Goulier, et de tant d’autres.

Pour l’instant, et comme pour forger un premier anneau de la chaîne interrompue, il met la dernière main à un ouvrage sur Cormontaigne, qui fut, à partir de 1707, le continuateur de Vauban à METZ, et contribua à donner à notre chère cité la réputation de 1ère forteresse du monde.

Messieurs,

Vous connaissiez le soldat, vous connaissiez le

savant. Laissez-moi vous dire quelques mots de l’homme : Le Général GERMAIN est un modeste par excellence, qui s’applique à cacher sa science, ses services et son mérite. Partout où il a passé, il a mérité l’estime profonde de ses chefs et de ses égaux, le respect et l’affection de ses subordonnés.

Qu’il me soit permis, pour terminer, d’ajouter que, neveu et héritier de l’Abbé WILLEUMIER, qui fut l’exécuteur testamentaire de MGR. DUPONT-DES-LOGES, le Général GERMAIN est lui-même devenu exécuteur testamentaire du grand et Saint Évêque de METZ.

Le Général GERMAIN revient parmi nous précédé d’une réputation de soldat qui fait honneur à sa ville natale. Il revient avec des titres qui nous assurent d’autres services qu’il rendra à l’Académie, qui doit être fière de le compter parmi ses membres.

ndlr : Un grand merci à l’ACADÉMIE NATIONALE DE METZ d’avoir répondu à notre demande d’information concernant un de ses titulaires, le général GERMAIN, auteur de : « Le Télégraphe Aérien à Metz », et nous permettre de reproduire ce « RAPPORT ».

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Le premier chappiste messin
DISCOURS DE M. BAUDOUIN-BUGNET

Président de I’Académie prononcé à la séance publique du 21 juin 1930

UN CŒUR MESSIN : LE GÉNÉRAL EDMOND GERMAIN (1861-1929)

C’était en septembre 1923. La matinée était charmante et douce et nous devisions, le général Germain et moi, au coin dc la place de la République. Tout à coup ses sourcils se froncèrent, son regard étincela derrière son lorgnon et d’un ton brusque, en appuyant: « La situation est tendue au Maroc » — « Vous avez des nouvelles? » — « Oui, mon fils y est en ce moment; il fait colonne. C’est dur à tous points de vue », et après quelques secondes: « Il me tarde de le savoir hors de danger » — « Espérons que ce sera bientôt fini ». Nos mains se serrèrent et d’une allure pressée il se dirigea vers le boulevard Clemenceau, pendant que je le regardais s’éloigner. Sous l’influence de l’émotion paternelle la transformation de cet homme, habituellement froid et réservé, avait été si complète, que mon âme avait immédiatement deviné la sienne et tressailli à son contact, et dès ce jour je l’aimai.

Né à Metz le 1er février 1861, Edmond Germain fut d’abord de 1868 à 1874 élève de la Maîtrise fondée par Mgr Dupont des Loges, passa ensuite à la Maison des étudiants, à Nancy, au lycée Louis-le-Grand, à Paris et entra à l’Ecole polytechnique en 1881. Deux années d’X et deux années d’Ecole d’Application l’amenèrent à Versailles comme lieutenant du Génie en 1885, puis à Commercy comme capitaine en 1888. Envoyé à Toul l’année suivante, il y remplit les fonctions de capitaine instructeur jusqu’en décembre 1894, époque à laquelle il fut nommé adjoint au commandant Barré qui professait alors à l’Ecole de Fontainebleau la géographie avec une maîtrise incontestée. En 1901 il passait à Nancy, y était promu chef de Bataillon en mai 1906, et quelques mois plus tard désigné pour occuper un emploi de son grade au Ministère de la Guerre. Le 27 mai 1911 il était nommé chef du Génie à Paris, le 1 janvier 1912 promu lieutenant-colonel et envoyé aussitôt à Cherbourg pour y remplir les fonctions de directeur du Génie et le 8 février 1914 à Epinal pour y tenir le même emploi.

Commandant du Génie de cette place à l’ouverture des hostilités, il était promu colonel le 1er novembre 1914 et envoyé aux armées comme commandant du Génie du XXIème Corps. Le talent d’organisateur, dont il avait donné, au cours de la bataille de Verdun, des preuves si éclatantes, le faisait alors rappeler au

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Ministère où il séjourna à nouveau de juillet 1916 à février 1918, et il reçut le 20 décembre 1917 les étoiles de général de Brigade. Commandant le Génie de la 4ème armée, il mérita, le 10 décembre 1918, du général Gouraud, une citation à l’ordre de cette armée. Le 7 août 1919 on l’envoyait à Besançon commander le Génie de la 7ème Région, le 1er février 1920, à Nancy, commander celui de la 20ème Région, et c’est là qu’il était, le 21 juillet de la même année, promu Divisionnaire. En octobre 1921 il était appelé à Paris comme Inspecteur technique des travaux du Génie, membre du Comité technique de cette arme, de la Commission mixte des travaux publics, de la Commission d’Hygiène et d’Epidémiologie militaire, et, le 1er février 1923 atteint par la limite d’âge, il était placé dans la section de Réserve des officiers généraux. En octobre 1915 il méritait une citation à l’ordre de la place d’Epinal et la croix de Guerre avec étoile ainsi que la rosette de la Légion d’honneur et le 16 juin 1920, il était commandeur. Il avait en outre reçu deux décorations étrangères, la rosette d’officier de l’Ordre de Léopold de Belgique le 20 décembre 1916 et, le 12 janvier 1921, le diplôme anglais de compagnon de l’ordre de Saint-Michel et Saint-Georges.

Voilà n’est-il pas vrai, mes chers confrères, une bien longue énumération de dates, de grades et d’honneurs. Mais qu’est cela ? Un cadre, une couverture, la reliure de cet ouvrage divin qu’est une vie humaine. Si je ne vous ai fait grâce d’aucun des détails de cette reliure, c’est parcequ’elle est aux Armes de France, droite et élégante comme notre patrie. Si belle qu’elle soit, le livre qu’elle recouvre est plus beau. Ouvrons-le, si vous le voulez bien, et parcourons-en les meilleures pages.

Vers 1860, Metz est une ville animée à l’intérieur de ses remparts. C’est une garnison de choix. Des établissements d’instruction, nombreux et variés, y ont créé et y entretiennent une vie intellectuelle à laquelle, soit ces Ecoles mêmes, soit d’importantes administrations offrent des débouchés. L’école d’application de l’artillerie et du génie surtout y brille d’un vif éclat, et les nombreux professeurs qui, de ce centre vraiment scientifique, ont été occuper à Paris des chaires importantes, ont illustré la Sorbonne et l’institut, lui ont fait dans la France entière et plus loin encore une réputation justifiée. Elle entretient d’excellentes relations avec la Cour d’Appel, le Tribunal, toutes les autorités, toutes les administrations, tous les autres établissements d’instruction et les sociétés les plus diverses. Notre Compagnie se glorifie d’ouvrir ses rangs à ses

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maîtres les plus réputés. Enfin, comme le dit élégamment l’un de nos confrère dans son « Metz Ville d’art », en ce temps là « Les soirées succèdent aux soirées pendant tout l’hiver et l’aristocratie messine exquisement hospitalière, ouvre ses portes aux jeunes officiers de l’Ecole et aux magistrats impériaux ». Ces élèves ou leurs camarades de la garnison fréquentent aussi les cafés chics de l’époque, le café du Heaume, le café de Paris tout doré, 67, Place Saint-Louis, là où demeure Mme Germain qui voit tous les jours aller et venir cette jeunesse. Pourquoi donc son petit Edmond ne porterait-il pas, lui aussi, cet uniforme qui lui ouvrirait toutes les portes ? Son grand-père maternel était un maître dans la mécanique de précision. N’en aurait-il pas plus tard les aptitudes spéciales ? Elle n’a que cet enfant et peut se consacrer entièrement à lui. Elle le dirigera vers l’Ecole polytechnique et, pour cela, le confie de bonne heure aux soins éclairés de l’abbé Cordonnier, directeur de la Maîtrise, où Germain fait d’excellents débuts. Enfant soumis et attentif il réussissait en mathématiques; sa jolie voix de soprane faisait merveille et il apprenait facilement la musique, qui lui plaisait. Ayant parcouru tout le cycle de la Maîtrise, il dut la quitter pour achever, à Nancy d’abord puis à Paris, ses études secondaires et préparer le concours de l’Ecole polytechnique. Il y entrait à 20 ans, et de plus en plus laborieux, se

classait en sortant dans le génie. Deux années de Fontainebleau, trois années de régiment à Versailles et le voici de retour dans l’est, à Commercy. Ce n’est pas très loin de Metz assurément, là où habite sa mère, mais la frontière politique l’en sépare durement, et Germain aussi tendre qu’honnête ne pourra pas vivre seul. Il se marie donc le 18 juin 1889, avec Mlle Pigeon, née à Metz elle aussi, qui lui apporte avec tout son coeur la douce et constante évocation du pays natal. Son enfance et son adolescence sont achevées, mais elles se sont déroulées dans le travail avec per- sévérance et ce premier effort de Germain vers le bien a abouti au plus enviable résultat !

Comme il s’élançait à la vie ce jeune couple messin avec simplicité, avec ardeur : et comme elles furent chargées de tendresse ces quinze années qui se répartissent entre Toul, Fontainebleau et Nancy ! Il ne faut pas croire que Germain ait toujours été tel que nous l’avons connu en dernier lieu. Il fut jeune, vraiment jeune et le resta longtemps. Ecoutez ce que dit de lui à ce sujet le général Lepelletier, son camarade de collège au Lycée Louis-le- Grand, son camarade de promotion à l’Ecole polytechnique, son binôme à Fontainebleau et une année après encore. « Nous avons été, Edmond et moi, très mondains pendant les six et même sept années de vie en commun. Nous avons été tous les hivers dans les

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bals parisiens : Ministère, grandes Ecoles, etc. En aucune circonstance nous n’avons jamais eu l’ombre d’une discussion. Il avait un caractère charmant, et pour lui comme pour moi, cela a été un très gros regret quand nos carrières nous ont séparés et sa mort m’a plongé dans une très grande affliction ». Marié, il conservera ses goûts de sociabilité et dans ses garnisons successives, saura trouver quelques familles de choix avec lesquelles lui et les siens noueront d’agréables relations. De quelles attentions ce charmant officier ne devait-il pas combler sa jeune femme ; et comme on comprend qu’ils se soient empressés tous deux à construire ce rempart familial à l’abri duquel leur union pouvait défier le destin. N’est-ce pas en cela même qu’il était spécifiquement Messin ? Le chanoine Colin, dans la préface d’un album illustré de Metz, écrivait en 1896 « L’ardent amour que les Messins ont voué à leur cité ne vient-il pas de l’ensemble des circonstances, qui ont fait de leur Metz une ville plus familiale que beaucoup d’autres ? Les places en étaient minuscules, les rues étroites où l’on se serrait volontiers pour jouir en commun d’une protection plus assurée ». Et, lorsqu’il y a quelques années Germain me disait avec expansion « Je suis famille » il me dévoilait dans cette expression, tout son passé, toutes les traditions qu’il avait maintenues et tout le bonheur qu’il avait goûté en y conformant sa conduite. Mais s’il était

jeune et ardent, le devoir passait avant tout et jamais la vie de famille ne déborda si peu que ce fût sur la vie militaire dont il soignait les moindres détails. Alors qu’il était jeune lieutenant à Versailles il y avait eu pour camarade, le colonel Hoc, brillant Polytechnicien, qui s’exprime ainsi sur son compte. « Il s’était acquis très vite l’estime de ses chefs, l’amitié de ses camarades et la confiance de ses sapeurs. Il se familiarisa là avec le rôle militaire de l’officier du Génie, qu’il devait toujours associer au cours de sa carrière avec le rôle technique. Tel il était à Versailles, tel il fut à Toul comme capitaine instructeur, tel nous le verrons plus tard au cours de la guerre ». Appelé ensuite à Fontainebleau et adjoint comme professeur au commandant Barré qui enseignait la géographie à l’Ecole d’Application, il apprécie tout de suite la valeur des innovations apportées au cours par le titulaire, les fait siennes, et se donne pour tâche de les développer.

Il collabore ainsi à la publication d’une série d’albums où la géographie militaire est présentée dans la forme la plus claire et la plus nouvelle, appuyée sur la géologie et ses rapports avec les formes du terrain. Mais ces succès scientifiques et pédagogiques ne faisaient pas oublier à Germain sa famille, et la Lorraine l’attirait.

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C’est alors qu’en 1901, le général Chevalier, chef du Génie à Nancy, cherchant un capitaine pour complémer son cadre d’officiers, fut avisé par le commandant Barré du désir de son adjoint de retourner dans l’est et fit venir Germain. « Dès son arrivée, dit le général Chevalier, je ne tardai pas à me rendre compte que les excellents renseignements fournis à son sujet par le commandant Barré étaient fondés et je reconnus bientôt toute la valeur du capitaine Germain, officier sérieux, très intelligent, entièrement appliqué à ses devoirs, d’un dévouement absolu, ardent au travail et ayant une grande compétence technique ; c’était en même temps un homme d’une éducation parfaite, de manières distinguées et un père de famille modèle.

En résumé, un officier de grande valeur et un homme des plus sympathiques... Je lui confiai bientôt la direction du chantier de construction du nouvel Hôpital dont il conduisit les travaux avec une réelle maîtrise». « Il sut, dit d’autre part le colonel Hoc (à propos de ce travail de longue haleine), dans la façade principale de l’hôpital, rompre heureusement avec certains aspects monotones qu’on remarque trop souvent dans les édifices militaires. Pour arriver à ce résultat, il avait, comme souvent par la suite, recherché la collaboration appropriée à la réalisation de ses vues personnelles et n’avait pas hésité à

recourir aux conseils d’un architecte de talent. Il a réalisé ainsi l’oeuvre qui convenait dans la ville de goût qu’est Nancy ».

Arrêtons une seconde ce récit pour dégager dc ce qui précède une première ébauche de notre regretté confrère. Intelligence appliquée directement à la vie, à l’utile. Un hôpital est fait pour recevoir et soigner des malades. On apportera donc et d’abord dans les dispositions et distributions intérieures toutes les commodités et perfectionnements possibles. « Au dire des chirurgiens et des médecins, déclarera plus tard publiquement le général Berthélemy, cet hôpital est un des tout premiers de France les mieux agencés et les mieux compris ». Mais un hôpital est aussi un édifice, qui attirera les regards : et comme Germain avait le coeur délicat et était artiste, cette maison de la charité et de la douleur sera parée de quelques ornements sobres et élégants qui la rendront accueillante à ses hôtes futurs et intéressante à regarder, même pour le simple passant.

N’est-elle pas vraiment séduisante et belle cette âme que nous laisse entrevoir ce détail rapporté par le colonel Hoc ? Faisant abnégation d’elle-même et modeste, elle incline alors Germain devant celui à qui il croit reconnaître une compétence supérieure à la

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sienne, comme plus tard, au cours de la guerre, elle le fera se donner tout entier aux besognes les plus obscures, mais les plus utiles pour assurer le succès et le triomphe de tous ceux qui ont besoin de lui. Age quod agis

Entre temps le général Chevalier avait été appelé au Ministère de la guerre à Paris pour y remplir les fonc tions de Chef du bureau du matériel à la Direction du Génie, et en cette qualité s’occuper des travaux de défense des frontières et spécialement de ceux qui concernaient les quatre grandes places de l’Est.

Il lui fallait donc des collaborateurs de premier ordre et c’est à Germain qu’il pensa en 1906 lorsqu’il eut besoin d’un chef de bataillon « Grâce à l’appui énergique du général Joffre, dit-il, j’obtins sa désignation pour ce poste, naturellement très recherché à cause des perspectives d’avancement qu’il offrait pour l’avenir du titulaire, et je n’eus encore qu’à me louer entièrement du choix que j’avais fait dans la circons tance ».

Pendant que Germain commandait à Paris la chefferie Nord, il solutionna dans un temps relativement court de nombreuses et délicates affaires, et, ajoute le général Berthélemy alors sous

ses ordres « je puis témoigner qu’il était non seulement un chef éminent, mais un homme d’une rare bonté sachant se faire aimer de tous ses subordonnés ».

A Cherbourg il est ensuite l’objet des appréciations les plus élogieuses. En 1914, le général Chevalier proposa au Ministère sa désignation comme directeur du Génie de la place d’Epinal, et c’est dans ce poste de première importance militaire, où il pouvait donner toute sa mesure, que le trouva la guerre.

La mobilisation le fit Commandant du génie de la place et, en agrandissant son rôle qui comportera toute la partie technique de l’organisation défensive des positions en avant des forts et entre eux, le rendra en même temps très délicat, car les travaux doivent s’effectuer sous les ordres des généraux commandant les secteurs. « Germain, dit le colonel Roc, bientôt colonel se montra dès les premiers jours un chef. Ceux qui ont servi alors sous ses ordres se souviennent du réconfort qu’au milieu des anxiétés de l’époque ils éprouvaient, en assistant tous les deux jours aux réunions qu’il avait prescrites à ses chefs de service, une vingtaine environ. Là s’exerçait son action personnelle et se réalisait l’unité de vues avec la coordination des efforts dans ce service dispersé sur 60 kilomètres carrés. Chacun à tour de rôle

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rendait compte au Colonel, recevait de lui un ordre ou un conseil, puis il donnait connaissance des ordres et des renseignements généraux et les commentait. Rien n’était oublié et pour en témoigner ici par un détail insignifiant, chacun emportait l’heure exacte fournie par le chef du service télégraphique. On le retrouvait ensuite successivement dans chaque secteur, se faisant montrer les réalisations obtenues, étudiant, sur place les problèmes à résoudre, suggérant au Commandement les solutions.

Fréquemment il se rendait sur les positions de la Rive gauche de la Meurthe, de Sainte-Barbe à Dompteil et Saint-Pierremont, où se livrait à ce moment une bataille violente et prolongée ».

« Il en rapportait un sens pratique de la guerre, chaque jour plus développé et des renseignements aussi tôt utilisés pour la préparation de la défense de la place d’Epinal. Ses intimes seuls pouvaient soupçonner, sous la décision et la tranquillité d’esprit du chef, les préoccupations du père de famille qui restait parfois longtemps sans nouvelles de ses deux fils, le polytechnicien et l’étudiant en médecine mobilisés, et qui avait envoyé à Rouen la mère et les autres enfants. De longs mois d’attente s’écoulèrent.

Germain en profita pour développer à Epinal une

fabrication intensive de grenades et de matériel de toute nature pour le front et maintenir en haleine son personnel. Le haut Commandement s’étant alors décidé à déployer le groupement défensif d’Epinal sur la crête des Vosges, en arrière des troupes qui combattaient dans les vallées d’Alsace, ce fut encore Germain qui, sous les ordres du général Mauger fut chargé d’organiser une sérieuse ligne de positions défensives du Rheinkopf jusqu’au Bonhomme et à Saint-Dié.

Là encore, et souvent sous les bombardements des positions qu’il visitait, il fut l’organisateur prévoyant et l’animateur infatigable. Au total, pendant cette première année de la guerre, si notre Colonel n’avait pu faire comme la majeure partie des armées, qu’oeuvre seulement défensive, il avait formé à son exemple et trempé des officiers et des hommes pour la suite de la guerre. Il laissait enfin dans ce vaste secteur du Nord-Est des Vosges, un ensemble de positions si solides que, jusqu’au bout, le Commandement eut toute tranquillité d’esprit de ce côté, et put y réduire les effectifs au minimum pour en utiliser ailleurs le surplus ».

C’est maintenant le général Connétable, camarade de lieutenance à Versailles, camarade de famille et d’intimité à Fontainebleau, où ils se retrouvaient en

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1894, tous deux mariés depuis cinq ans avec leurs jeunes enfants, camarade de guerre, enfin en 1914 et 1915.

Ecoutons le : « Je tiens seulement à dire que, lorsque j’exerçais provisoirement le commandement du Génie de l’armée des Vosges, Germain m’a rendu tellement de services en mettant à ma disposition tout ce qu’il pouvait comme personnel et matériel de la place d’Epinal, allant souvent au devant de mes désirs et ceux de mon Général, que mon rôle d’organisateur des services du génie de l’armée en a été considérablement simplifié et que je ne saurais jamais lui en être assez reconnaissant ».

Pendant qu’il dépensait ainsi pour son pays, ses forces et son intelligence, des épreuves plus directes et personnelles ne lui étaient pas épargnées. Elles ne lui étaient qu’une occasion nouvelle d’ouvrir plus largement son coeur « Il me donna, raconte notre confrère Mangeot, une marque touchante de son amitié lorsque, en pleine guerre, venu en permission à Paris pour enterrer un de ses enfants, un garçon de dix ans, il déroba aux quelques heures qu’il pouvait consacrer à sa famille le temps de venir me voir à l’hôpital où j’étais soigné ».

En 1915 et au début de 1916 il était à Verdun, mais

en juin 1916 était rappelé au Ministère où ses capacités spéciales étaient nécessaires. Les besoins des armées en matériel, munitions, et approvisionnements de tous genres augmentaient sans cesse dépassant toutes prévisions. Seuls des cerveaux comme celui de Germain et des volontés inflexibles comme la sienne pouvaient soutenir l’effort indispensable.

Ne comptant ni son temps, ni sa peine, il pourvut à tout et réussit si bien, qu’en 1917, au départ du général Chevalier, son chef, il fut nommé adjoint à son successeur et peu après recevait les étoiles. En février 1918, il prenait le commandement du génie de la quatrième armée, l’armée Gouraud, en Champagne. Quel Français n’avait à cette date les plus graves préoccupations ?

Germain, notamment souffrait dans ses affections les plus anciennes. Sa mère était restée à Metz, et il n’en avait plus que de rares nouvelles. Elle demeurait bien à la Sainte- Famille, à Montigny, où elle était l’objet des soins d’un de nos confrères, mais comme elle ne savait pas un mot d’allemand, son fils craignait constamment pour elle. La mort de son oncle maternel, le chanoine Villeumier l’avait aussi touché profondément. « Mais, nous dit encore le colonel Hoc qui se retrouvait sous ses ordres, rien ne paraissait

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de ces soucis à l’heure où le général présidait la table de ses officiers, tous pénétrés de son moral et de son ardeur réfléchie. Dans cette armée Gouraud, modèle de coordination, il avait beaucoup aidé pour son compte à la cohésion générale, et établi excellemment les liaisons entre ses services et l’état-major. Aussi la grande offensive qui commença à la fin de juillet, trouva prêts le matériel et le personnel du génie.

Germain avait prévu les destructions que les Allemands accumuleraient sur les routes pour ralentir la poursuite. Il avait poussé l’approvisionnement et la fabrication des matériaux de réparation à un degré qui surprenait certains. Bien entendu après avoir préparé, le chef surveillait activement l’exécution.

Chaque jour, il partait vers l’avant, retardé pendant de longues heures par les embouteillages des routes mais en consacrant de plus longues à une inspection minutieuse des travaux. Un jour de cette période, sur une position bien en vue et « assez marmitée » suivant l’expression des poilus, un de ceux-ci, vieux territorial lui dit : « Mon Général est-ce bien la place d’un père de trois enfants ? » Et le Général de répondre avec bonhomie « Mon ami, j’en ai six. Il y a de la bonne besogne ici pour deux »

Et tous, Germain en tête, de besogner sans arrêt jusqu’à l’armistice. Nos troupes allaient rentrer à Metz. Profitant du remue-ménage du moment, Germain quittant son poste d’Ottrott, accourait à Montigny par des chemins détournés bien connus de lui et passait à la Sainte-Famille, avec sa mère toute une journée. Il était temps, car il ne devait plus la revoir que peu après pour lui fermer les yeux. C’est, de toutes ces quatre années si remplies, le seul fait le concernant qu’il m’ait raconté, et j’en suis sûr, et bien qu’il m’en parlât en souriant, c’est parce qu’il ne le considérait pas comme pouvant s’en vanter, mais au contraire comme une légère infraction à la discipline, que seul avait pu lui faire commettre l’amour filial.

Le 10 décembre 1918, l’ordre général n° 1500 de la quatrième armée précisait ainsi la part importante qui lui revenait dans le succès de notre dernière offensive.

« Général de brigade Germain, commandant le Génie de la quatrième armée. Officier général joignant à une haute valeur technique une grande activité et un beau dévouement. A dirigé remarquablement le service du génie de la quatrième armée, dans la bataille défensive du 15 juillet 1918, puis dans l’offensive du 26 septembre qui a mené nos troupes victorieuses jusqu’à Mézières et Sedan.

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Grâce à l’impulsion qu’il a su donner à tous les éléments de son Commandement, grâce à la création de nombreux ateliers et à une intelligente mise à profit des ressources locales, a assuré en temps voulu la fourniture d’un matériel considérable, puis sa mise en oeuvre ; a notamment réalisé dans le minimum de temps, la construction de ponts et de passages de toute nature pour la traversée de l’Aisne et du canal des Ardennes. — Le Général commandant la quatrième armée, Gouraud ».

La paix signée il allait commander à Besançon, puis à Nancy où il était promu divisionnaire. En 1921, il était appelé à Paris. Jusqu’à son passage au cadre de réserve, il y occupera, comme l’écrit excellemment le général Chevalier « Sans bruit inutile, avec sa belle modestie, les hauts emplois qui lui étaient confiés ». Mais la période héroïque était close pour lui et s’était achevée sur la douleur de la mort de sa mère que ne pouvait atténuer la satisfaction de la justice qui lui était rendue. Une fois de plus : Age quod agis.

« Modeste par excellence, écrivait en 1922, le colonel Braconnier, appliqué à cacher sa science, ses services et son mérite, c’était un époux et un père de famille modèle qui avait remarquablement élevé ses six enfants et mérité partout où il avait passé l’estime profonde de ses chefs et de ses égaux; le respect et

l’affection de ses subordonnés ».

Tel était le Messin qui au début de 1923 rentrait définitivement dans sa ville natale avec tous les siens pour s’y replanter et y pousser de nouvelles racines. La reprise était-elle certaine ? Il ne s’en occupait guère, faisant d’abord lui-même tout ce qu’il pouvait pour l’assurer. Le fil qui le rattachait à Metz était pourtant bien aminci. Ses parents avaient quitté leur ville en 1873, le laissant pendant ses années de Maîtrise, aux soins de sa grand-mère, place Saint-Louis, et l’avaient après suivi jusqu’à Paris. En 1881, ils étaient rentrés à Metz où ils avaient des intérêts. Son père était mort en juillet 1892.

Sa mère avait acheté à Chazelles une propriété où pendant quelques années le jeune ménage venait passer quelque temps. Germain lui-même n’y séjournait que les trois jours réglementaires, sauf une ou deux fois, où en se cachant, il arriva à prolonger ces courtes visites.

Les difficultés augmentèrent. Mme Germain mère, abandonna Chazelles pour la rue Royale d’abord, puis pour la Sainte-Famille à Montigny, où elle passa toute la guerre et mourut en février 1919. Jusqu’en 1912, c’était elle qui allait voir ses enfants et leur apportait des nouvelles de Metz qu’ils n’avaient pas

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revue depuis 1900.

La plupart des familles bourgeoises avaient peu à peu quitté la ville et depuis vingt ans celle-ci n’y connaissait pour ainsi dire plus personne. Mais l’ingénieur Germain était venu à bout de reconstructions plus difficiles. Il choisit dans le nouveau Metz, avec sa sûreté de goût ordinaire, une maison. En 1922, il entre dans notre Compagnie.

En 1923 le groupe de l’X de la Moselle s’étant reconstitué, il en est bientôt élu président. La fondation Carneggie, qui s’étend jusqu’ici, le choisit pour son premier délégué. D’autre part il s’inscrit à la Société des anciens élèves de la Maîtrise et, bien entendu dès son premier retour, apporte à la conférence de Saint-Vincent-de-Paul de sa paroisse, l’ardeur de sa charité. C’est ici qu’il marie plusieurs de ses enfants et ses enfants et petits-enfants s’inscrivent sur les registres de Chazelle, de Saint-Martin, de Saint-Simon.

Si les remparts existaient encore, il pourrait croire qu’il n’a jamais quitté sa ville natale; mais la ceinture de Metz a été dénouée une fois pour toutes et la ville déborde. Les talus gazonnés de l’ancien rempart Serpenoise sur lesquels il jouait, enfant, au sortir de la maîtrise, la porte Saint-Thiébault, le rempart qui

suit tout ce décor d’autrefois n’est plus qu’un souvenir.

Ce souvenir est doux soit, mais si Germain l’évoque devant moi, s’il me le décrit avec l’émotion cachée inévitable, il ne s’y attarde pas, parce que réaliste il aime la vie, et que la vie qu’il a contribué à créer l’appelle encore. Son intelligence et son coeur ouverts aux idées nouvelles ont compris l’importance de ce que l’on appelle la fondation Carneggie, et il parcourt sans se lasser les régions où il peut répandre les bienfaits du philanthrope américain. Toutefois cela est purement moderne et, traditionaliste par goût, il se donne surtout à tout ce qui peut rattacher le passé au présent, entretenir le culte français dans lequel il a vécu et lui amener de nouveaux fidèles qui le perpétueront.

C’est ainsi qu’il est redevenu le Germain mondain dont nous a parlé son ami Lepelletier, que le bridge n’a pas de secrets pour lui, et qu’il manifeste une joie particulière à recevoir ses camarades de l’X à son tour. Il est si heureux de se retrouver en famille, chez lui, dans sa ville, qu’il fait appel pour exprimer son bonheur, à l’art magique seul capable de l’extérioriser discrètement, à la musique, et refait quelquefois sa partie dans un quatuor.

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Tout cela cependant n’est qu’un divertissement, L’action véritable, l’oeuvre à laquelle il se donne tout en tier, c’est notre Académie Nationale de Metz et ce dont il a souci c’est de la vie et du perfectionnement de notre Compagnie. Profondément convaincu qu’elle pouvait exercer la meilleure influence française et entretenir, des traditions messines, celles qui méritaient d’être conservées, il s’en fit dès le début le serviteur dévoué. Avec quelle unanimité nous l’eussions choisi pour Président ! La guerre avait malheureusement laissé des traces profondes dans son organisme et une altération assez particulière de l’ouïe notamment l’empêchait de présider des séances.

Ne pouvant nous rendre ce service, il s’offrit par contre à être trésorier, et vous savez avec quelle virtuosité, quelle maîtrise, il s’acquitta de ses fonctions. Vous vous rappelez comment un jour il nous déclara nettement qu’il ne restait plus en caisse de quoi payer les impressions de nos mémoires. Vous vous rappelez aussi comment quelque temps après il nous donnait lecture d’un admirable travail de comptabilité dans lequel était étudiée dans tous ses détails notre situation financière miraculeusement rétablie.

Ah comme il était Messin ce jour-là ! Ne m’en

veuillez pas de cette réflexion. C’est la seule malice que je me permettrai parce que, lorsque je la lui avais faite à lui-même, il avait souri, et n’avait pas dit non. C’est lui qui nous a trouvé le local nécessaire et nous y a installés. Plus encore qu’à son talent de manier les chiffres, c’est à sa bonté, à sa droiture, à sa connaissance des caractères, à sa volonté d’union, aux efforts qu’il faisait dans ce sens et à l’adresse qu’il déployait pour maintenir la concorde, que va notre profonde reconnaissance. Son rôle à ce point de vue ne sera jamais assez mis en relief; et rendu à la vie civile, c’est surtout envers notre Compagnie que son dévouement fut sans limite. Age quod agis.

Le général Chevalier termine la notice qu’il m’avait adressée sur Germain et à laquelle j’ai fait de si larges emprunts par ces mots : « cet officier, doué des plus hautes qualités militaires, qui était en même temps un homme d’une valeur morale vraiment exceptionnelle ». Où donc notre ami l’avait-il acquise ?

Fils d’une mère très intelligente, très distinguée, il avait pour père un homme excellent, plein de bon sens, au caractère particulièrement conciliant et de chacun avait retenu le meilleur. Un cousin de son père, le chanoine Germain, était secrétaire particulier de Mgr Dupont des Loges et quand il mourut

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relativement jeune, ce fut le chanoine Willeumier, frère de sa mère et intelligent comme elle, qui lui succéda auprès de l’évêque.

La maîtrise était une fondation de Mgr Dupont des Loges et celui-ci s’intéressa toujours à la carrière de notre confrère qui avait pour lui une véritable vénération. L’âme de Germain était profondément religieuse, et à la Maison des étudiants, à Nancy, il avait rencontré un prêtre qui suscita parmi les jeunes gens plusieurs vocations. Il ne put pas ne pas en subir l’influence, et sa mère craignit même pendant quelque temps qu’il ne songeât lui aussi à quitter le monde.

Fondée sur de telles assises sa vie morale put s’éle- ver sans cesse parce que la foi, son principe vital, grandissait elle aussi avec le temps, avec les épreuves. Elle était d’autant plus solide en outre qu’elle ne se prodiguait point dans des manifestations extérieures. La vie chrétienne de Germain, toute intérieure, enrichissait donc constamment son âme.

D’autre part la vie militaire bien comprise est faite pour hausser les coeurs. Quoi d’étonnant que, sous cette double poussée, celui de Germain ait atteint les sommets. C’est donc, et à coup sûr, sa foi chrétienne, appliquée à tous les détails de son activité qui donne

à cette âme une valeur exceptionnelle : et c’est pour le bien marquer que j’ai tenu à ponctuer de cette formule, age quod agis, les phases principales de sa vie.

Je savais en effet que ces trois mots latins, qu’on dirait échappés des lèvres dures de Caton, lorsque brutaux et positifs ils sont prononcés isolément, prennent un tout autre aspect dans la phrase à laquelle ils appartiennent, phrase qui n’est qu’un élan magnifique vers l’idéal divin.

Enfant je les avais entendus résonner à mes oreilles, menaçants pour mon insouciance. Homme fait je les ai découverts par hasard, un jour où je feuilletais l’Imitation : et l’année dernière, au moment où j’étais tout entier à celui que nous pleurions, ils ont surgi du fond de ma mémoire et se sont imposés comme un symbole...

Nous lisons en effet au « De Imitatione Christi », livre III, chapitre 47, No 2, cette phrase : « Age quod agis, fideliter labora in vinea mea, ego ero merces tua ». Ce que en français « l’Eternelle consolation » d’abord et plus tard notre vieux Corneille rendent ainsi : « Fay loyalement ce que tu fais, labeure en ma vigne et je ferai ton loier ».

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Applique à me servir une assiduité
Qui de ce que tu dois jamais ne se dispense
Travaille dans ma vigne avec fidélité
Et je serai moi-même enfin ta récompense.

N’est-elle pas dans ces quelques phrases résumée entièrement la vie de Germain ? Petit garçon, messin, collégien, polytechnicien, officier, père de famille, de bonne heure et jusqu’à la fin, il se donnait tout entier à ses tâches successives extérieures et humaines, cependant que le germe spirituel déposé au berceau dans son âme s’y conservait, la nourrissant si bien que cette âme se développait et se purifiait sans interruption au fil de la vie. Au jour fixé, ayant atteint son apogée, elle se débarrassait d’une enveloppe matérielle désormais inutile et allait recevoir la récompense promise, que simple et confiante, elle avait toujours espérée. Il le méritait d’ailleurs si bien ce prix immortel, notre ami Germain : non seulement pour tant d’efforts et de travaux, mais plus encore parce que tout ce qu’il avait fait, il l’avait accompli sans bruit inutile avec sa belle modestie !

Cette modestie avait frappé tout le monde, au régiment, au Ministère, sur le front, à l’Académie, partout. Son ami de jeunesse Lepelletier n’en fait pourtant pas mention au début de leurs relations. Il ne parle que de leur confiance réciproque, de l’hospitalité

toute familiale que Germain recevait chez ses propres parents, comme de l’accueil exceptionnel que lui faisaient à lui les parents de Germain. C’est qu’à cette époque Germain n’était qu’un pur Messin fraîchement débarqué à Paris, pour lequel rien ne surpassait le bonheur de l’abandon avec cet ami sûr, devant lequel il pouvait être humble tout à son aise.

Il comprit très vite, que la vertu d’humilité, qui lui était naturelle et qu’il entretenait soigneusement, ne se portait pas dans le monde, à découvert, pas plus que de gros souliers dans un bal ; et pendant qu’il acquérait les manières aisées et élégantes des salons parisiens de cette époque, son humilité s’abritait, pour durer, sous la modestie qui n’est pas autre chose que le déguisement mondain de cette si haute vertu.

N’oublions pas qu’il passa vingt années, de 1894 à 1914, dans cette Ile-de- France, centre légendaire de l’esprit et de la courtoisie et qu’il n’est pas surprenant qu’il en ait adopté les meilleures façons. Si sa modestie frappait chaque jour davantage, c’est qu’elle était le caractère dominant de la distinction de ce galant homme, parfaitement bien élevé, et parfaitement chrétien.

A la fin de 1928 sa santé s’altéra. Lui qui traversait

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Metz à une allure de chasseur à pied commença à marcher difficilement, et ses visites à l’Académie, presque quotidiennes, s’espacèrent puis cessèrent tout à fait. Il ne put assister à notre séance publique de l’an dernier, se trouvant alors aux eaux de Bains-les-Bains qui lui avaient été conseillées.

A son retour, nous le revîmes rafraîchi pour ainsi dire, mais affaibli physiquement, et ses forces ne devaient plus revenir. Aussi minutieux et ordonné dans sa vie intérieure et spirituelle que dans tout le reste, ses pratiques religieuses étaient régulières.

Depuis longtemps il avait prié un de nos confrères d’être son directeur de conscience, et s’acquittait avec ponctualité de ses devoirs religieux. Lorsque la faiblesse physique l’empêcha de se déplacer, son confesseur alla chez lui. « Il me recevait dans son bureau, écrit celui-ci, et je le trouvais toujours alerte et bien disposé, ne se plaignant jamais de la maladie qui préoccupait son entourage...

Il reçut les derniers sacrements avec une très grande ferveur, sans manifester d’autres sentiments que sa confiance en Dieu..., conserva sa lucidité jusqu’au bout et sa mort fut celle du juste ».

Si pieux qu’il fut, il était père et chef de famille et le

resta jusqu’au dernier soupir. Pendant les huit derniers jours il voulait sans cesse auprès de lui son fils aîné. Sans doute il avait toujours à lui renouveler quelques recommandations, à le confirmer dans les enseignements qu’il avait toujours donnés aux siens par la parole et par l’exemple. Ne voulait-il pas aussi jouir encore de la présence de ce premier fils, polytechnicien comme lui, officier comme lui, rappel vivant de tout un passé de tendresse et d’honneur ? Faiblesse humaine direz-vous. Non, mais dernière récompense mortelle, amplement méritée par ce coeur, si bon, fidèle à toutes ses promesses et à tous ses serments.

Rendre les derniers devoirs à un tel homme était pour ses amis, affliction et satisfaction tout ensemble, et c’est pourquoi le 21 septembre 1929 nous le suivions en si grand nombre. C’était encore ce jour-là, comme lorsque nos âmes prirent réellement contact pour la première fois, une jolie matinée d’automne.

Le soleil avivait l’éclat de cette pompe militaire à laquelle avait droit le Général Germain, et l’empressement de ses chefs, et des camarades à s’y associer adoucissait par cette nuance de cordialité la rigide beauté des troupes rendant les honneurs. Notre Compagnie y était en grand nombre et tous nos confrères à ce moment à Metz, ou dans la région,

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étaient présents...

Le long cortège se déroula ensuite du boulevard Clemenceau à l’église Saint-Martin, sa paroisse, et nous arrivâmes enfin sur cette colline, où dorment tant de vieux Messins, où sont ensevelis tant de souvenirs du vieux Metz. Devant le cercueil, que dorait encore le soleil, le général Berthélemy, au nom du général Lacapelle, commandant la 6ème Région et de tous les officiers de la garnison de Metz, de l’arme du Génie, de l’Association nationale des officiers en retraite de la Moselle, de la fondation Carneggie et en son nom personnel, prononça une allocution qui résumait, dans la concision et la correction que Germain appréciait, la vie de son ancien chef et ami sans rien oublier. Il restait cependant encore à adresser à Germain l’hommage de tous les inconnus qu’il avait aidés, obligés, guidés ou secourus de toutes manières, dans maintes circonstances volontairement laissées ignorées par délicatesse.

C’est cet hommage qu’en quelques mots très simples offrit ensuite avec les larmes de tous, votre Président,

J’ai fait appel pour dresser le tableau sommaire de sa vie à ceux qui l’ont connu, parce que je tenais

avant tout à être véridique et que seuls pouvaient témoigner ceux qui avaient travaillé avec lui, et j’ai volontairement écarté de cette étude toute recherche littéraire. C’est par respect pour les siens, pour vous, et pour moi-même que j’ai agi ainsi. Il fut et restera pour moi un modèle à beaucoup de points de vue et depuis plusieurs mois son souvenir ne m’a plus quitté.

Ne le voyez-vous pas tel que nous l’avons connu, avec sa taille svelte, son allure souple, ses sourcils noirs et touffus, ses moustaches épaisses et, au milieu derrière le lorgnon, ce regard vif qui ne pouvait jamais rester sévère bien longtemps ? Combien de fois l’ai-je évoqué ce regard qui me plaisait ?

Je n’aurais jamais pu le soutenir si j’avais, par de maladroites recherches de style, altéré de quelque manière que ce fût, l’unité, la simplicité harmonieuse et la gravité d’une telle vie. Cependant c’est avec passion que je parle de lui. Je ne m’en cache pas. J’aimais Germain et comme la vérité et l’amitié pouvaient ici s’accorder, j’ai rendu la main à mon affection pour lui, avec la certitude que ce faisant je ne manquerais pas à la justice.

Un coeur Messin. C’est par là que j’ai commencé et que je termine ce trop long essai biographique. Metz heureuse et prospère sourit à ses premiers

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battements, et c’est à Metz, reconnaissante et libre, qu’il cessa de battre. Entre temps il avait vibré, avec quelle ardeur, en vrai Français qu’il était, mais seulement pour les nobles causes, pour la Famille et pour la Patrie. Age quod agis.

Chaque chose à sa place et en son temps. Cette devise avait été la sienne ; et il l’avait appliquée avec une rigueur que seule adoucissait la tendresse divine à laquelle il l’avait empruntée. « J’ai vraiment bien peu mérité », murmurait-il avec humilité à l’un de nous, confident des dernières journées.

Nul n’est bon juge dans sa propre cause, mes chers confrères, et c’est nous qui, à même maintenant d’apprécier l’oeuvre de notre ami, pouvons affirmer au contraire que si, dans notre chère France, la liste est longue des hommes ayant de toutes façons honoré la Patrie à laquelle ils s’étaient entièrement consacrés, c’est dans les tout premiers noms de cette liste qu’il faut inscrire celui d’Edmond Germain, de Metz, général français.

* Fais ce que tu fais. (Incitation à faire correctement ce qu'on entreprend.)

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