Du télégraphe de Chappe à l'ère du numérique
Au Maroc, il y avait moins de 100 000 abonnés au téléphone fixe à l’indépendance en 1956. Aujourd’hui, le
Royaume compte 10 millions de Smartphones. La recherche et l’innovation n’ayant pas de limites, les
télécommunications s’ouvriront certainement à de nouveaux produits et services, plus prometteurs.
Ahmed Khaouja*
La télégraphie s’est largement développée au Maroc, plus que partout ailleurs. Elle a beaucoup aidé à l’épanouissement de l’économie marocaine à l’époque. Elle a suppléé, dans une large mesure, à l’insuffisance des routes et aux autres infrastructures. A titre d’exemple, le trafic télégraphique généré par les journaux marocains en émission et en réception avec l’international a été de 19,16 millions de mots en 1935.
Les premières transmissions sans fil (TSF) au Maroc à Casablanca et à Taourirt
L’Italien Guglielmo Marconi établit, en 1895, la première liaison TSF, d’une portée de plus de 2 kilomètres. A partir du 21 janvier 1904, la tour Eiffel fut officiellement utilisée avec succès comme station de TSF et ce, grâce au travail de Gustave Ferrié.
Evénement qui a satisfait Gustave Eiffel, auquel il participa financièrement, car, autrement, la tour devait être démontée en cas d’échec de la station. En 1907, toujours sous l’impulsion de Ferrié, la TSF démontra son utilité en temps de guerre au Maroc. En effet, la France était appelée à utiliser la TSF pour la première fois dans notre pays après les incidents qui se sont produits à Marrakech et à Casablanca au cours de 1907. Gustave Ferrié, chef des services de télégraphie s’était occupé, lui-même en 1907, de l’installation pour la première fois à Casablanca de la TSF.
De nuit, la station de Casablanca était relayée par le croiseur Kleber, qui était positionné dans le port de de la ville et qui émettait en direct vers l’émetteur de la tour Eiffel, dont la puissance venait d’être augmentée.
De jour, le croiseur Kleber transmettait à un croiseur au port de Tanger les télégrammes radios, qui sont à leur tour transmis en France via le câble Tanger-Oran-Marseille. Les incidents précités ont mis en évidence, pour le gouvernement français, le rôle prépondérant des communications télégraphiques sans fil, en permettant de l’informer de l’engagement de ses troupes. La TSF fut utilisée à Casablanca à partir de 1907 et, dès 1909, des communications au moyen de cette technique étaient ouvertes entre Tanger, Rabat, Casablanca et El Jadida.
Lors de l’instauration du Protectorat français au Maroc, en 1912, un contingent des forces armées françaises, établi en Afrique du Nord, a utilisé la TSF en particulier à Taourirt. Cette ville où fut construit en 1911, sur une colline du fleuve de Za, non loin du centre-ville actuel, deux pylônes géants métalliques d’une hauteur de 25 m et espacés de 50 m environ, qui étaient destinés à supporter l’un des équipements d’émission et l’autre des équipements de réception. Des échanges de messages télégraphiques militaires ont été effectués entre Taourirt, Oran et Paris. L’occupation d’une nouvelle zone par les troupes françaises, la nécessité de ravitaillement des troupes avaient accru le nombre de messages télégraphiques échangés depuis Taourirt. Ces deux pylônes centenaires sont encore en place, témoignant d’une
période révolue de l’histoire des télécommunications au Maroc.
Plusieurs témoins de l ́époque ont affirmé que, dès 1912, le réseau télégraphique public sans fil marocain des PTT était d’une qualité mondialement reconnue. Quand on voit la situation de la télégraphie PTT entre le XIXe et le XXe siècle, on ne peut que rendre un vibrant hommage aux agents des PTT de l’époque, musulmans, juifs et chrétiens pour les efforts louables qu’ils ont déployés durant cette période, pleine d’incertitudes et de conflits divers pour la construction du premier réseau de télécommunication connecté au monde de l’époque. Au passage, signalons qu’un système TSF, presque analogue à celui de Taourirt, a permis d’assurer la communication entre le bateau Titanic et la terre ferme, lors de son naufrage le 14 avril 1912.