L’Histoire veut que le télégraphe aérien soit l’œuvre de son inventeur, Claude Chappe. En réalité, la réussite captivante du télégraphe aérien n’est pas due seulement à une invention géniale. C’est aussi à la complémentarité et à la cohésion de cinq frères d’une famille de 10 enfants nés pour la plupart à Brûlon, petit village de la Sarthe.
L’initiateur du projet, Claude, deuxième de la famille, est né le 26 décembre 1763. Après de solides études à
l’école Royale de la Flèche, abbé commendataire (sa mère le disait «
clerc tonsuré »), jouit de rentes qui lui permettent d’ouvrir un cabinet de physique à Paris.
A la Révolution, privé de revenu, il est obligé de rentrer à Brûlon, mais poursuit néanmoins ses diverses expériences.
Grâce à son frère Ignace, député de la Législative, il réussit à faire connaître son invention de télégraphe aérien et il est chargé, après avoir fait ses preuves, de construire une première ligne de Paris à Lille.
Elle sera opérationnelle en 1794.
Une autre ligne sera mise en chantier, Paris-Landau, passant par Metz. Mais faute de crédit elle sera abandonnée. Il faudra attendre 1797/1798 pour relancer la construction de cette ligne non plus vers Landau, mais vers Strasbourg, qui sera inaugurée le 28 mai 1798. Vient l’époque où les caisses de l’Etat sont vides.
Pour sauver le télégraphe, Claude Chappe cherche d’autres ressources, et c’est grâce à la Loterie Nationale qu’il pourra poursuivre.
Aux incertitudes militaires, de nouvelles implantations de lignes sont établies, mais affaibli physiquement et moralement par ses recherches et ses luttes pour maintenir son monopole, Claude Chappe se donnera la mort, à Paris, en 1805, à l’âge de 42 ans. Son corps est retrouvé au fond d’un puits situé dans le jardin de l’Hôtel Villeroy, siège de l’administration télégraphique (la version du suicide est retenue comme étant la plus probable).
Après la mort de Claude Chappe, l’esprit de famille prend le relais : ce sont quatre de ses frères qui poursuivront son œuvre. Ignace-Urbain, dit Chappe l’Aîné, ancien député, va conserver la Direction avec Pierre-François comme deuxième administrateur du télégraphe. René remplit les fonctions d’inspecteur puis de directeur de la ligne du Nord. On le retrouve ingénieur télégraphe à Lille s’occupant de tout le réseau des lignes du Nord. Il terminera sa carrière comme administrateur du télégraphe avec son frère Abraham, après l’éviction pour raisons politiques de ses deux autres frères.
Concernant Abraham (portrait Fig. 3), dit Chappe Chaumont, technicien et homme de terrain, il est nommé le 30 août 1805 inspecteur général des lignes télégraphiques à l’état-major de la Grande Armée. Sa tâche consiste à déchiffrer et chiffrer toutes les dépêches destinées ou envoyées par l’Empereur, son lieutenant ou son chef d’état-major. Envoyé à Dantzig le 27 juin 1812, le 21 décembre il demande son retour à Paris. Inspectant les lignes existantes, il assure la construction des lignes stratégiques (en 1807, Paris-Lyon-Turin-Venise, Anvers – Amsterdam courant 1810 / 1811, puis Metz - Mayence en 1813).
Sans eux, l’épopée du télégraphe qui dura plus d’un demi-siècle (62 ans), de la Révolution à Louis-Philippe, pendant une des périodes les plus agitées de l’histoire de notre pays, n’aurait pu avoir lieu.
Pour résister contre vents et marées aux successions de régimes politiques différents, il fallait une opiniâtreté importante et des appuis que les Chappe surent également trouver : l’horloger Bréguet, spécialiste des mécanismes qui passera pourtant à la concurrence ; des savant et hommes politiques Daunou, Lakanal, Carnot, Lepelletier de Saint-Fargeau, Miot de Mélito déjà cité, Romme, etc.
Sans oublier, le plus important, Napoléon 1er., qui plaça le télégraphe sous son contrôle direct.
Mais aussi, ne l’oublions pas, l’ensemble du personnel.